Chapitre 16

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 Le lendemain, je me levai tôt pour me rendre jusqu'au commissariat. Les vacances se poursuivaient pendant encore quelques jours, ce qui me laissait le temps de retravailler mes cours les jours suivants.

Même s'ils m'avaient proposé de m'accompagner, j'avais besoin d'y aller seule. C'était mon combat.

Lorsque je sortis de ma chambre, l'appréhension me paralysa les jambes. J'avais peur d'affronter les gendarmes, de soutenir les regards qu'ils pourraient me jeter. Allait-on me prendre au sérieux ? L'idée que l'on minimise ce que j'avais vécu me dissuada presque d'y aller.

Pourtant, je sortis néanmoins du bâtiment et pris la grande allée d'un pas que je voulais décidé. J'avais de la musique dans les oreilles, un artiste que je ne connaissais pas, mais dont le rythme endiablé m'exhortait à avancer. Alors, un pas après l'autre, je comblais les mètres qui me séparaient du commissariat.

Il ne faisait pas aussi beau que la veille, mais il ne pleuvait pas. Le ciel affichait une palette de gris derrière laquelle on pouvait distinguer quelques nuances de bleus. Comme lui, j'espérais que mon présent grisâtre dissimule un futur plus paisible.

Perdue dans mes pensées, je ne vis pas la silhouette qui se planta devant moi. Alors que j'allais lui rentrer dedans, je m'arrêtai au dernier moment. Une fois que j'eus réalisé qui était sous mes yeux, mon visage se ferma. Par politesse, j'enlevai l'un de mes écouteurs, mais seulement un. Il n'était pas question que je m'éternise ici avec lui.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Il semblait hésiter. Ses grands yeux verts détaillaient mon visage égratigné à plusieurs endroits. Partout, de petites coupures d'un rouge vif avaient tracé leurs sillons dans ma peau. Je donnais l'impression de m'être battu avec un chat en colère.

— Si tu n'as rien à me dire, va-t'en. J'ai quelque chose d'important à faire.

— Attends.

Alors que je m'apprêtais à le dépasser, je me figeai. Les dents serrées, j'attendis qu'il parle.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? J'ai vu les pompiers t'amener.

Un rire grinçant franchit mes lèvres. Je lui jetai un regard révulsé.

— Deux de tes copines m'ont enfermée dans la bibliothèque du bâtiment d'anglais. C'est ce que tu avais en tête lorsque tu parlais de vengeance ?

À ma dernière phrase, Lance fronça les sourcils.

— Tu me crois capable de faire une telle chose ?

— Pourquoi pas ? Tu sembles croire que je suis pire encore.

Nous nous toisâmes sans ciller. Ses iris étincelaient d'une émotion que je n'aurais su nommer tandis que les miens exhalaient toute la colère que j'éprouvais.

J'étais presque certaine qu'il n'avait pas de lien avec ce qu'il s'était produit. En tout cas, je savais qu'il n'avait pas commandité cette ignominie. Mais ça ne changeait rien, finalement. Il me vouait une rancœur indicible qui avait participé à monter contre moi une partie de l'université. J'étais peut-être présomptueuse, mais je ne croyais pas mériter ça.

— T'as l'air de t'être bien remise, constata-t-il en me jetant un regard sans équivoque. Elle a sous-entendu que tu avais réagi comme ça pour attirer l'attention. Peut-être qu'elle avait raison, conclut-il d'une voix traînante.

Ma main voulut s'abattre sur sa joue une deuxième fois, mais je retins mon geste. Comment pouvait-il me balancer une chose pareille ?

Mon cœur se serra et je sentis des larmes acides me piquer les yeux. Toutefois, il n'était pas question que je craque devant lui. Je ravalai péniblement mes larmes et pris une profonde inspiration.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant