Chapitre 25

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 La semaine s'écoula en un battement de cil. Je revis Annabelle, plus en phase avec elle-même, ainsi que Victoire, toujours aussi en phase avec elle-même. En revanche, je ne croisai pas une seule fois ses deux émeraudes. Sur cet immense campus, il n'était pas si simple de s'apercevoir par simple hasard. Le plus souvent, même lorsqu'on cherchait quelqu'un, on avait la plus grande peine à le trouver. Mes vilains yeux guettèrent les allées toute la semaine, sans qu'aucune ne laisse entrevoir la silhouette de Lance. En fin de compte, ce n'était peut-être pas plus mal. Du moins, j'essayais de m'en convaincre.

Ce samedi-là, je profitai de la matinée pour lire le livre que j'avais acheté. Une romance douce, pleine d'humour, qui me mit de bonne humeur pour le reste de la journée.

Le midi, j'allai déjeuner avec Victoire. Pour une fois, nous allâmes hors du campus pour découvrir un restaurant au cœur de la ville.

C'était Victoire qui l'avait choisi. Un restaurant splendide qui proposait une carte à prix abordables. Dedans, un parquet en bois clair recouvrait le sol. Les chaises, en faux cuir gris-anthracite ou camel, s'alignaient devant de petites tables carrées déjà dressées. Mais le plus impressionnant, c'était cette gigantesque branche d'olivier qui traversait la salle en émergeant de l'un des murs. On avait intégré de petites guirlandes lumineuses entre ses feuilles vertes, éclairant de son feuillage de minuscules points dorés.

— J'ai entendu beaucoup de bien de cet endroit, fit Victoire en s'asseyant à l'une des tables.

Je pris place sur la banquette près du mur afin de pouvoir garder un œil sur le reste de la salle ; c'était plus rassurant.

Nous prîmes les menus et parcourûmes la carte. Avant que l'on ne commande nos plats, un serveur vint nous demander si nous souhaitions un apéritif. Victoire et moi optâmes pour la même chose ; un verre de sauvignon blanc.

Une fois nos verres en main et nos plats commandés, Victoire m'interrogea.

— Comment va Annabelle ?

En réponse, je lui jetai un regard surpris.

— Elle avait des cernes effroyables, le visage encore plus pâle que d'ordinaire. Et puisque les troubles alimentaires peuvent être renforcés par des situations particulièrement stressantes, ajouta-t-elle d'un ton grave.

Au fond, j'étais un peu surprise qu'elle s'en soit aperçue. Victoire était pleine d'humour, de charme, et lorsqu'on lui en donnait l'occasion, elle pouvait aussi se montrer attentionnée. Néanmoins, j'avais toujours pensé qu'elle était un peu égocentrique, que les problèmes que dissimulaient les autres ne l'atteignaient en rien. Je me sentis coupable d'avoir eu de telles pensées. Bien que cet aspect d'elle ne m'ait jamais dérangé — nous avions tous notre lot de défauts — je l'avais jugée trop vite.

— Je ne te savais pas aussi observatrice.

— Nous avons tous nos secrets.

Elle haussa les épaules, mais ses yeux semblaient me percer complètement à jour. Je me dandinais sur la banquette, mal à l'aise.

— Annabelle n'était pas au mieux de sa forme, mais ce n'est pas à moi d'en parler.

Je me demandai si Annabelle réalisait le nombre de personnes qui s'inquiétait pour elle. Pas une inquiétude motivée par une curiosité malsaine, mais un sentiment réel, empreint de l'amitié qu'ils lui portaient.

— Et toi ? lui dis-je. Tout va bien ?

— Aussi bien que d'habitude.

— Ça veut dire oui ?

— D'après toi ? répliqua-t-elle avec un sourire taquin.

— Je n'en sais rien. Après tout, tu es couverte de pierres de protection, remarquai-je. Quelqu'un de serein n'en aurait peut-être pas besoin.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant