Chapitre 28

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  Les jours suivants, je repensai à ce que j'avais dit en éprouvant une honte sans limite. Chaque fois, je couvrais mon visage à l'aide de mes mains. J'étais si gênée que ce sentiment embrassait tout mon corps. Il n'y avait pas une parcelle de mon être qui n'en ressentait pas les relents désagréables.

Annabelle était suffisamment gentille pour ne pas me taquiner là-dessus, mais Victoire avait tellement ri qu'elle en était tombée de sa chaise. Alors que nous étions toutes les quatre dans la chambre, elle avait chanté à tue-tête qu'elle avait pressenti la tension sous-jacente avant tout le monde. Quand elle avait mentionné ça, Johanne m'avait dévisagé avec des yeux ronds comme d'énormes soucoupes.

— Tu rigoles ? Avec ce type ?

Elle manquait de grimacer.

— Victoire raconte n'importe quoi, répondis-je gênée.

— Victoire a un flair imparable lorsqu'il s'agit de sexe, corrigea la concernée. Vous verrez.

— Mais je croyais que vous vous détestiez, insista Johanne.

— Théoriquement, c'est plutôt lui qui la déteste, intervint Annabelle avec un sourire contrit.

— Bah ! La haine, l'amour, le sexe... C'est du pareil au même. Je n'ai rien voulu dire, souffla Victoire avec un sourire coquin, mais quand on était au Vespéral, il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir la façon dont il te regardait. Ou s'appeler Johanne, ajouta-t-elle en voyant le visage interloqué de ma colocataire.

— C'est vrai que c'est parfois assez confus, admit Annabelle.

Victoire lui fit un clin d'œil tandis que Johanne et moi lui jetions un regard estomaqué. Annabelle haussa doucement les épaules.

— Eh bien, j'avoue que lorsqu'on a répété l'oral, je n'étais pas tout à fait certaine de ce qui lui passait par la tête. Ses regards étaient un peu ambigus. Comme un fauve affamé, sembla-t-elle se remémorer.

— Taisez-vous, dis-je en cachant mon visage entre mes mains.

Victoire se mit à rire ouvertement et Annabelle suivit le mouvement. Johanne, en revanche, demeurait impassible.

— Vous riez, mais je vous rappelle que ce type lui pourrit la vie depuis la rentrée. Il t'a menacée, si je me souviens bien, me dit-elle gravement.

Sa remarque me refroidit aussitôt. Pour autant, Victoire balaya sa remarque du revers de la main, un sourire étirant ses lèvres.

— Il n'en fera rien, affirma-t-elle avec une profonde conviction. Toute cette haine, ça cache quelque chose de beaucoup plus profond, crois-moi.

— Je suis un peu de l'avis de Victoire, dit Annabelle. Ce qu'il t'a dit n'est pas excusable, mais je ne pense pas qu'il te fera vraiment du mal. D'ailleurs, jusqu'à présent, il n'a pas fait grand-chose à part grogner comme un vilain chat.

— À ta place, ajouta alors Victoire, je me trouverais un garçon mignon avec qui flirter sous son nez. C'est toujours efficace comme technique.

— Il n'est pas question que je me serve d'un inconnu pour le tester, répliquai-je. De toute façon, ça ne servirait à rien. Même dans l'éventualité où tu aurais raison, la haine qu'il ressent est largement supérieure à n'importe quel autre sentiment.

Victoire leva les yeux au ciel.

— Quant à moi, poursuivis-je en l'ignorant, je ne suis même pas sûre de ce que je ressens. J'étais très amoureuse de lui, c'est vrai, mais il a énormément changé. J'ai l'impression de m'accrocher désespérément à son souvenir.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant