Louve [En pause]

Chapitre 10

  Une fois mon premier verre avalé, Victoire m'en servit un deuxième avec un grand sourire. Elle sirotait un mélange rosé qui contenait plusieurs jus et de la vodka.

— Le vaillant gladiateur pourrait-il avoir un verre s'il te plaît ?

Benji était apparu dans un coin de la pièce, un sourire étincelant sur les lèvres. Ses yeux légèrement voilés attestaient d'une certaine quantité d'alcool déjà ingérée. Néanmoins, sa voix demeurait claire, ses gestes fluides. Il se pencha sur la table et darda ses yeux bruns sur Victoire. Elle fit mine d'hésiter.

— As-tu vaincu tes ennemis ?

— Tous sans exception.

Elle réfréna le sourire qui menaçait ses lèvres et se courba vers l'avant. Sa jolie poitrine, moulée dans la combinaison en latex, remua devant le nez de notre hôte ; il manqua de s'étouffer avec sa salive.

— Qu'est-ce que tu veux boire mon brave ?

Lorsque j'entendis sa voix sensuelle, je sus qu'il était temps que je m'éloigne. De toute évidence, il leur faudrait un peu d'intimité sans tarder. Ainsi, je me retrouvai seule, une vodka orange à la main.

Je quittai la cuisine pour m'enfoncer un peu plus dans le grand salon. Pour l'heure, il n'y avait que des visages inconnus. Tout en sirotant ma boisson, je parcourrai la salle des yeux, plus sereine qu'à mon arrivée.

— Louve ?

Un gaillard d'un mètre quatre-vingt-dix m'interpela de sa voix forte. Il était un peu plus grand que Lance. Je plissai les yeux un instant, puis les écarquillai. Un sourire fleurit sur ses lèvres.

— Dan !

Il secoua vivement la tête et écarta grand les bras, son gobelet dans une main. Son nez busqué lui mangeait une bonne partie du visage, mais un charisme à toute épreuve continuait d'émaner de lui. Je reconnus ses grands yeux noisette, puis son sourire toujours aussi charmeur. Finalement, il n'avait pas tant changé.

— Tu es revenue à Bagnan depuis longtemps ?

— Quelques semaines. Je viens boucler ma dernière année de licence.

— T'es à la fac alors ? Quel cursus ?

Nous discutâmes ainsi plusieurs minutes, rattrapant le temps perdu. C'était agréable de recroiser une vieille connaissance ainsi, sans aucune prise de tête. Contrairement à d'autres, Dan avait gardé un souvenir agréable de moi ; c'était déjà ça.

J'appris qu'il poursuivait un BTS pour devenir agent immobilier. Avant ça, comme beaucoup d'entre nous, il avait un peu tâtonné et essayé d'autres cursus. Il fallait dire que dans le supérieur, rares étaient ceux qui trouvaient leur voie du premier coup.

— Lance ! se mit-il soudain à crier. Regarde qui est là !

Un sourire barrait son visage, il était certain de bien faire. Avant que je ne puisse réagir, Lance s'avançait vers nous, un rictus désagréable sur les lèvres. J'inspirai une longue goulée d'air en serrant les dents.

La silhouette de mon ancien ami fendit la foule et il vint se poster près de nous. Ses yeux tombèrent sur moi et il parut observer une chose aussi ridicule que déplaisante. Ma main se crispa sur mon gobelet et il craqua dans un bruit de plastique.

— T'as vu comme il a changé, me dit Dan en jetant un regard appréciateur à Lance. Il nous pique toutes les nanas maintenant.

Lance ne répondit rien. Sa mâchoire déjà carrée était si serrée qu'elle formait un angle droit. Une remarque de plus, et le fauve se mettrait peut-être à mordre.