Chapitre 17

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 Après que j'eus déposé ma plainte, je me sentis plus légère. Une part de moi seulement, car l'autre était bouleversée d'avoir eu à répéter cette terrible histoire. Mon histoire. Les reliques du passé que je combattais depuis de longs mois à présent.

J'avais fait un long travail en thérapie, j'étais en mesure de conter ces événements sans m'effondrer. Mais c'était difficile.

Alors, en sortant du poste de police, je pris le temps de faire quelques exercices de respiration. Ils n'arrangeaient pas tout, mais je n'avais pas envie de prendre des médicaments. Pour le moment, la situation était gérable, alors je m'en accommodai.

Ensuite, j'écrivis un message à mes amis.

« Je viens de sortir, tout s'est très bien passé. J'étais nerveuse, mais le policier était très gentil. »

Plusieurs réponses fusèrent. Je leur promis de leur répondre plus tard ; j'avais besoin de respirer un peu.

Maintenant que cette bataille s'était achevée — la bataille, car c'était certainement le début d'une guerre beaucoup plus longue —, ma rencontre inopinée avec Lance revint me parasiter l'esprit. Si j'avais réussi à la mettre de côté le temps d'aller au commissariat, ses yeux verts revenaient maintenant me hanter. J'avais l'impression que sa voix résonnait encore près de mon oreille, proférant des menaces que j'arrivais à peine à croire. Le pire, c'était cette partie de moi qui attendait qu'il agisse. Celle qui était prête à sombrer, à se laisser à nouveau entraîner dans un puits sans fond. Je redoutais cet aspect de moi-même, celui qui m'avait presque noyée, et que j'avais dû combattre pour remonter à la surface.

Avant de pénétrer dans la gueule béante du métro, je décidai de me promener un peu. Je n'étais pas tout à fait prête à retourner sous terre, alors j'espérais marcher suffisamment pour gagner une ou deux stations.

Dans les rues, il y avait beaucoup de monde. Il n'était pas loin de treize heures et les gens sortaient du travail pour aller manger. Les boulangeries étaient pleines à craquer, certains restaurants aussi. J'observai mon reflet dans les vitres des établissements ; il me renvoyait l'image d'une fille à la peau terne. En même temps, les vitres avaient un teint presque noir.

L'animation de la ville avait le mérite d'apaiser mon cœur. Ce bourdonnement constant chassait mes pensées les plus intrusives. Paradoxalement, c'était dans ces moments-là que je parvenais le mieux à faire le vide ; au milieu du bruit.

Cette peur du silence, même la thérapie ne l'avait pas effacée. Pendant les séances, j'avais toujours eu besoin d'un fond sonore. Quand aucune de nous ne parlait, le temps que je cherche mes mots, je ne supportais pas de n'entendre aucun son. L'angoisse m'envahissait aussitôt, bien plus violente qu'elle ne l'était à présent.

J'avais tout tenté : médicaments, thérapie, hypnose, magnétiseur... Médecines traditionnelles et médecines douces ne pouvaient apparemment rien pour moi. À la fin, je m'étais résignée à vivre avec cette crainte toute ma vie. Maintenant, je n'essayais même plus de la combattre. J'avais toujours des écouteurs à disposition, des playlists entières de vidéos, podcasts et musiques en tout genre. En quelques clics, le bruit nourrissait mes oreilles, apaisait mon esprit.

Au détour d'une ruelle, j'aperçus la devanture d'une petite librairie. Machinalement, je rentrai dedans.

Au sol, il y avait un vieux parquet en bois sombre. Mes pas le firent grincer, comme s'il me saluait. Sur chacun des murs, d'imposantes bibliothèques garnies de livres. Certains avaient des couvertures pimpantes, d'autres des reliures plus anciennes. Sur deux tables, les nouveautés et les livres les plus populaires. Je laissai mes doigts traîner sur les couvertures, lisant distraitement les noms des ouvrages.

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant