L'après-midi suivant, Annabelle rentra chez elle. Je proposai de la raccompagner, d'être à ses côtés plus longtemps, mais elle m'assura qu'elle avait besoin d'être seule. Puisque je n'avais pas cours, je me rendis dans ma chambre, et je pleurai. Je pleurai pour elle, pour moi, pour tous ceux qui subissaient des choses injustes. Après que j'eus déversé mon lot, je me sentis un peu mieux.
Je mis un peu de musique puis travaillai mes cours. Il fallait que je finalise certains devoirs pour mes cours d'histoire, puis que j'achève ma lecture d'Orgueil et Préjugés pour commencer le livre que j'avais choisi pour Annabelle. Il ne me restait qu'une centaine de pages, alors une fois mes cours révisés, je pris mon livre pour m'y plonger une dernière fois.
J'éprouvais de la peine pour Jane ; cette jeune femme si sincère qui n'osait espérer que ses sentiments fussent réciproques. Puis aussi pour Elizabeth, qui réalisa les siens tardivement, qui peinait encore à en comprendre les contours. L'amour n'avait rien d'aisé. Les fictions nous laissaient croire qu'après n'importe quel conflit, les amants se retrouvaient pour une vie éternelle, et que les disputes n'éclataient jamais plus. De ce point de vue, ce roman ne faisait pas exception. Cependant, il avait le mérite d'éclairer plus brillamment les affres réelles de ce sentiment. Des doutes constants, du déni, et un sentiment affreux que l'autre ne ressentira jamais la même chose que nous.
En me faisant cette réflexion, je réalisai que j'étais bien amère. La tante d'Elizabeth m'aurait sans doute fait cette remarque.
Heureusement, la fin de mon livre raviva d'autres choses. Elle chassa mon amertume, me laissa espérer à des amours paisibles. Imparfaits certes, mais tendres et pleins de joie.
Pendant que je me faisais cette réflexion, Johanna entra dans la chambre. Elle enleva le gros casque qui lui couvrait les oreilles et releva l'un de ses sourcils.
— Tu souris aux anges ?
— À l'amour.
— Eurk.
Elle grimaça.
Je refermai mon livre et penchai la tête de côté. Alors qu'elle rangeait ses affaires, je la questionnai.
— Et ton beau blond ?
— Lui ? Pas très intéressant en fin de compte. On a échangé quelques messages, mais je crois qu'il voulait simplement... Tu sais.
Elle roula des yeux en soupirant.
— Ça aurait pu t'intéresser aussi, lui fis-je remarquer.
— Je sais pas, c'est pas trop mon truc.
— Le sexe ?
— Ouais.
Elle se laissa tomber sur sa chaise, pensive.
— Je l'ai déjà fait, mais ça ne m'intéresse pas vraiment. Tu dois trouver ça bête.
— Non, répliquai-je honnêtement. Chacun son truc. Une relation, ce n'est pas que ça de toute façon.
Elle me sourit.
— Tu sais, fis-je en répondant à son sourire, je viens de lire plus de six cents pages sans qu'aucun des personnages n'ose un baiser. Et pourtant, quelle histoire d'amour !
Une belle romance, parsemée de drames et de comédie, qui reflétait avec justesse l'époque dans laquelle évoluait son auteure.
— Je l'ai lu il y a quelques années. C'était sympa.
— Sympa ? répétai-je. C'est l'un des meilleurs romans de l'histoire du roman.
— Tes fantasmes voilent ton jugement, rit-elle.

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Louve [En pause]
Teen Fiction« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...