Les lumières de la salle étaient devenues d'étranges raies colorées, floues et mouvantes, comme des spectres intangibles. La musique, aussi puissante qu'à mon arrivée, avait trouvé un chemin privilégié à travers mon corps. Elle entrait par mes oreilles pour se répandre dans mes veines, mes muscles et mes os. Chacune de mes fibres en ressentait son essence.
Au milieu de la piste de danse, mon cinquième verre à la main, je remuais mollement, les paupières à demi-close. L'alcool m'avait engourdi les membres, autant que l'esprit. Je n'étais plus en mesure de réfléchir tout à fait correctement, alors je me sentais beaucoup mieux.
À quelques pas de moi, Annabelle dansait, les yeux rivés sur moi. Elle s'assurait que la situation ne tourne pas au vinaigre, que je ne finisse pas seule dans l'un des recoins sombres de la boite.
Johanne gardait un œil sur moi, mais elle s'était trouvé un partenaire avec qui danser. Un type blond, assez charmant, qui lui souriait avec un plaisir évident. Elle n'avait pas autant bu que moi, mais elle était suffisamment désinhibée pour se laisser aller à quelques mouvements lascifs.
Quant à Victoire, peut-être était-elle autour de la table avec Benji, peut-être allongée avec lui sur cette même table. Vu la tension sexuelle qui émanait d'eux, tout était possible.
Je bus une longue gorgée de mon mojito et savourai la saveur de la menthe, l'acidité du citron et les doux relents du rhum. Un tel cocktail vous en envoyait tout droit en été, près d'une plage paradisiaque, au bord d'une mer teintée de bleues.
Lorsque mon verre fut fini, je le posai sur le bar afin d'être libre de mes mouvements. Je n'étais pas une très bonne danseuse et, l'alcool aidant, mes mouvements ne devaient pas être fameux. Pourtant, je ne cessais de remuer sur la piste, agitant doucement les bras, balançant les hanches en rythme. Quelques garçons, au moins aussi ivres que je l'étais moi-même, s'étaient rapprochés pour obtenir une danse. Je ne les avais pas même regardés. À force d'ignorance, ils s'étaient éloignés, comprenant qu'ils n'obtiendraient rien de moi.
Cependant, un quatrième, peut-être plus ivre, certainement plus con, s'avança d'un pas conquérant, un sourire retroussant ses lèvres pleines. Vu à travers mes cinq verres, il n'était pas moche, mais je n'aimais pas son attitude. De toute façon, aucun de ces hommes n'aurait pu susciter le moindre engouement de ma part ce soir-là. J'avais la tête ailleurs.
Il se mit derrière moi et commença à danser. Puisqu'il ne me touchait pas, je l'ignorai. J'étais trop saoule, trop désabusée pour y prêter l'attention nécessaire.
Contrairement aux autres, il ne saisit pas mon indifférence. À la moitié de la chanson, ses mains agrippèrent mes hanches et son bassin se rapprocha de mes fesses. Je penchai la tête en arrière, les sourcils froncés. Dans ses yeux, je vis une lueur libidineuse briller méchamment.
— Dégage, maugréai-je.
Il était peu probable qu'il m'ait entendu. Par contre, il ne pouvait pas se tromper sur l'interprétation de mes gestes. Je m'étais dégagée de ses mains avant de m'éloigner de deux mètres. Une fois libre, je recommençai à danser. Annabelle surveillait la scène, attentive aux agissements de ce type.
Lorsqu'il revint à la charge, je la vis s'avancer vers nous. Je repoussai une nouvelle fois ses avances, et mon amie m'appuya. D'un geste diplomate, elle mit une main sur son torse pour l'inciter à reculer. Un sourire crispé ornait ses lèvres, elle préférait éviter de le mettre en colère ; avec ce genre de spécimens, on n'était jamais sûrs de rien.
— Casse-toi, grogna-t-il à son intention.
Il la repoussa vers l'arrière. Surprise, elle recula d'un bon mètre avant de se rattraper au tabouret du bar. Je fronçai les sourcils.

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Louve [En pause]
Novela Juvenil« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...