Ce jour-là, il faisait un temps pourri. Le ciel était couvert par d'épais nuages gris, presque noirs, et il faudrait peu de temps avant qu'une pluie torrentielle ne s'abatte sur nos têtes. Pire encore, la température avait chuté d'au moins huit degrés. On avoisinait les cinq degrés, m'obligeant à revêtir mon écharpe et mes gants.
Lorsque j'arrivai devant la porte du café indiqué par Annabelle, je ne m'attardai pas sur la devanture. Déjà, de grosses gouttes tombaient sur le haut de mon crâne.
Je poussai la porte sans ménagement et appréciai aussitôt la tiédeur de la pièce. De petites ampoules de forme cylindrique pendaient du plafond en guise de lustres. Les meubles, principalement en bois, renforçaient le côté chaleureux du commerce. Des plantes s'amoncelaient sur les étagères, le bar et non loin des tables.
— Bonjour madame !
— Bonjour.
Munie d'un sourire, je m'avançai vers le comptoir. En haut, accrochées au mur, plusieurs ardoises présentaient les boissons chaudes, les desserts et les quelques plats de la carte. Mes yeux s'arrêtèrent sur le latte, puis sur le gros muffin aux pépites de chocolat.
Une fois ma commande passée, je jetai un œil à la pièce. Au fond, sur des banquettes moelleuses dotées de coussins et de plaids, je vis Annabelle me faire un petit signe discret. Ses cheveux blancs ressortaient d'autant plus au milieu de cette palette automnale.
— Salut, lui fis-je en m'installant près d'elle.
Elle avait déjà une grande tasse sous le nez et son livre avancé de moitié ; Orgueil et Préjugés.
— Je n'ai pas pu résister à l'envie de le relire, me confia-t-elle.
Tout en m'asseyant, j'observai la myriade de Post-its qui dépassaient d'entre les pages. Le livre n'était pas en mauvais état, mais l'on voyait qu'il avait été lu à de multiples reprises.
Je bus une gorgée de ma boisson et l'interrogeai sur tous ces Post-its.
— J'aime annoter les livres que je lis. Pas tous et pas toujours autant, mais c'est quelque chose que j'aime bien, avoua-t-elle en haussant ses fines épaules. Parfois, j'écris dedans. Je mets un mot, une phrase. C'est une lecture encore différente.
— Je ne lis pas tant que ça, donc j'admets que ça ne m'a jamais traversé l'esprit. Mais ce doit être amusant à faire.
Elle tripota les coins de son livre nerveusement, le visage baissé. Perplexe, je penchai la tête de côté.
— C'est que... commença-t-elle en traficotant son livre. J'ai toujours eu envie d'annoter un livre que j'aime pour le partager à quelqu'un. Pour que cette personne découvre le livre avec moi, tu vois.
À mesure qu'elle parlait, sa voix perdait en volume ; je devais vraiment tendre l'oreille pour en distinguer les mots.
— C'est quelque chose qui se fait parfois entre amis. On échange des livres qu'on a aimés, annotés, pour les faire découvrir à l'autre.
Elle était si mignonne que j'eus envie de la taquiner un peu. Cependant, je réalisai qu'elle me confiait un désir profond et qui, sans être aucunement honteux, était trop personnel pour que je puisse l'embêter à ce propos. Même gentiment.
— Si ça te tente, on pourra faire ça ensemble, lui proposai-je avec un sourire. On pourrait se fixer le début des vacances de Noël comme date ? On s'offrira un livre qu'on a toutes les deux aimé, puis on le lira pendant les vacances.
— Ce serait vraiment génial.
Annabelle parut profondément touchée. Elle mordilla doucement sa lèvre inférieure en acquiesçant tandis que je coulais vers elle un regard affectueux. Il allait falloir que je trouve un livre sympa à lui confier. Mentalement, je fis un compte rapide dans ma tête ; qu'avais-je lu qui m'avait marqué ? Je n'étais même pas sûre d'avoir un livre préféré.

VOUS LISEZ
Louve [En pause]
Novela Juvenil« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...