Chapitre 6

253 43 1
                                    

Une fois sortie, je pouvais sentir mon sang battre dans mes oreilles. Une multitude de pensées m'assaillirent. Qu'allait penser Annabelle en retrouvant nos places vides ? Comment allais-je pouvoir faire face à notre professeur la semaine suivante ? Avais-je bien rangé toutes mes affaires ? 

Avec une allure aussi rapide, je ne tardai pas à rattraper Lance. Encore secouée par l'émotion de ma sortie, je comblai les quelques mètres qui nous séparaient pour l'alpaguer. 

— Tu m'as suivi ? s'étonna-t-il franchement avant que la rage ne le gagne à nouveau. Mon geste n'était pas suffisamment clair ?

En vérité, j'avais certainement fui les regards des autres plutôt que rejoint mon ancien ami. Maintenant que j'étais face à lui, je n'étais plus tout à fait certaine de vouloir poursuivre notre conversation. Foutue pour foutue, je réitérai tout de même ma question, le souffle court.

— Laisse tomber, me cracha-t-il le visage fermé, toutes mes illusions se sont brisées il y a des années.

Cette façon de parler commençait à me rendre folle. Ses mots ne faisaient écho à rien et j'avais la sensation de devoir déchiffrer une sorte d'énigme.

— Mais quelles illusions ? hurlai-je en retour.

Entre ma course effrénée dans les couloirs et la tempête d'émotions qui me submergeait, je peinais sérieusement à reprendre ma respiration. L'oxygène qui passait par mon nez ne semblait pas atteindre correctement mes poumons et je dus me résoudre à respirer par la bouche. 

— Le pire, repris-je puisqu'il restait muet, c'est que j'étais...

Je ne pus finir ma phrase, faute d'air. Tout en essayant de combler ce manque par une profonde inspiration, j'écoutais ma respiration siffler comme un serpent. Génial, il ne manquait plus que ça, pensai-je alors. 

— Nous reprendrons cette conversation plus tard, réussis-je à articuler à bout de souffle.

J'inspirai une goulée d'air sans grand succès avant de me détourner de lui. Sa voix inquiète me rattrapa aussitôt. « Tu fais encore de l'asthme ? » avant de rajouter « Tu n'as pas ta ventoline ? ».

— Dans ma chambre, soufflai-je en poussant les portes du bâtiment.

Je l'entendis se mettre en marche et me rejoindre à l'extérieur. Tandis que j'avançais en direction des dortoirs, il me rabrouait sans ménagement.

— T'as envie de finir à l'hosto ou quoi ?

Si ma respiration n'avait pas été si faible, je lui aurais volontiers soufflé dans les bronches. Pour l'heure, je me contentai d'un regard éloquent. En dépit de ce qu'il pouvait penser, je n'étais pas en danger. Pas vraiment.

— Tu n'as pas une colocataire qui pourrait te l'apporter ?

Je secouai la tête pour dire non. Johanne avait cours sur le même créneau horaire que moi. Puisqu'il continuait de me suivre, je fronçai les sourcils.

— C'est bon, dis-je dans un souffle, va t'en.

Il ne prit pas même la peine de répondre. Au risque d'aggraver mon état, je laissai la colère m'emporter une nouvelle fois.

— Arrête ça !

Après la façon dont il m'avait traitée, je n'avais pas envie d'observer sa mine inquiète. Pas plus que ses sermons où perçait cette même inquiétude mêlée à une pointe d'agacement, d'ailleurs. Je voulais seulement qu'il me laisse tranquille. 

— Je t'accompagne jusqu'à ta chambre, trancha-t-il d'une voix étonnamment calme.

Puisque je n'avais pas la force de l'en empêcher, je dus me résoudre à le laisser me suivre. Nous traversâmes alors une partie du campus jusqu'à nous retrouver devant la chambre que je partageais avec Johanne. 

Louve [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant