L'avant-veille de la rentrée, une partie des étudiants de notre université avaient privatisé la plus grande boîte de nuit de notre ville. Je n'y étais jamais allée, mais d'après Victoire, elle ressemblait à ces gigantesques établissements de la côte espagnole.
— Je n'y vais pas tant que ça, mais c'est un endroit sympa, me dit-elle en se vernissant les ongles dans un rose poudré.
Victoire, Annabelle, Johanne et moi nous étions réunies dans la chambre de notre dortoir. Nous avions déjeuné ensemble, puis passé l'après-midi à discuter. Johanne nous avait laissé à nos commérages une bonne heure, le temps pour elle de travailler sur son projet secret, puis elle nous avait rejoint, participant ponctuellement aux conversations.
— C'en est où toi et Viktor ? demanda subitement Victoire.
Ses yeux noisette se vissèrent à Annabelle dont les joues devinrent toutes roses. Elle balbutia quelques syllabes inintelligibles avant de hausser les épaules.
— Nous sommes amis.
— J'ai aussi un ami comme ça, répondit Victoire en regardant ses ongles pour s'assurer qu'ils étaient secs.
— Je ne crois pas que ta relation avec Benji soit semblable à celle d'Annabelle et Viktor, lui fis-je remarquer en riant.
Victoire parut surprise et observa Annabelle en penchant la tête de côté. Même Johanne se mit à rire.
— Il ne te plaît pas ? insista Victoire.
Annabelle était gênée. Elle s'était recroquevillée sur elle-même, les joues en feu.
— Elle n'a peut-être pas envie d'en parler, lançai-je à Victoire.
Annabelle mordilla sa lèvre avant de prendre son courage à deux mains. Elle redressa le menton et, même avec des joues au couleur des coquelicots, elle darda ses yeux sur Victoire.
— Si, je l'aime beaucoup.
Victoire haussa les sourcils, surprise. L'instant d'après, elle se pencha doucement vers elle, un sourire félin sur ses lèvres rose foncé.
— Qu'est-ce que tu attends alors, ma belle ?
Annabelle cligna des yeux à plusieurs reprises, et sa tête se renfonça entre ses genoux. Nous nous mîmes à rire gentiment.
— Je plaisante, lui souffla néanmoins Victoire. Prends le temps qu'il te faut. Mais si tu veux un conseil, fais-lui signe lorsque tu seras prête. Je doute qu'il soit plus assuré que toi.
— Je m'en souviendrais, murmura Annabelle encore cachée derrière ses genoux.
Assise par terre, juste à côté de Johanne, je les observais en souriant. Ma colocataire et Victoire avait montré une tempérance hors du commun ; Victoire s'était intéressée aux lignes de code sur l'écran de Johanne, et celle-ci avait manifesté un intérêt équivalent en désignant les pierres à son poignet. Par réflexe, j'avais regardé les miennes, leur chatoiement de gris, de vert, de bleu et de jaune. Mes yeux étaient happés par cette myriade de couleurs. Si je n'étais pas encore tout à fait certaine de leur efficacité, je les trouvais en revanche splendides.
— Et toi Louve ? Arthur est toujours un sombre crétin ? demanda Victoire.
— Arthur ?
— Lance, reprit Johanne. Le roi Arthur, Lancelot...
— Vu qu'il se prend pour le roi de notre vaste contrée... compléta Victoire.
— Vous ne manquez pas d'imagination toutes les deux, pouffai-je.

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Louve [En pause]
Teen Fiction« Le silence est une mélodie que je ne peux plus écouter. L'obscurité de la nuit est aussi celle qui voile mon cœur. » Pour sa dernière année de licence, Louve est de retour à Bagnan, une ville qu'elle a quittée dix ans plus tôt. Elle aimerait un no...