Chapitre 52

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Je suis sur la plage. J'enchaîne les clopes. Seule.

- Tu es là. 

Sarah.

- Et tu m'as trouvé. 

- On parle ? 

- De quoi ? 

- Tu sais très bien de quoi. 

- Ils t'ont déjà tout dis. 

- Regarde-moi Dayana. 

J'ose enfin croiser son regard. Elle semble déçue. Je le détourne pour regarder à nouveau l'océan. 

- Pourquoi ? 

- Pourquoi quoi ? 

- Pourquoi tu ne m'as rien dit ? 

- J'ai fait mes choix et je les assume. 

- Tu ne comptais jamais rien me dire donc ? 

- En effet. 

- Mais tu sais pourtant que je t'aurai aidé.  

- En effet. 

- Tu comptes répondre toujours la même chose ? 

- En effet. 

Il n'en faut pas plus pour qu'elle s'énerve. 

- Tu fais chier putain ! Parle cri ou même pleure je m'en fiche mais réagi merde ! Tu ne peux pas m'avoir menti pendant deux mois et jouer au fantôme maintenant. Tu vis à la rue putain !

- Je ne vis pas à la rue. J'ai mon chez-moi.

- Ha oui et où ça ?!

Je vais quand même pas répondre "dans un cabanon". 

- Quel est le but de cette conversation Sarah ? 

- Je veux comprendre. Tu es à la rue depuis plus de deux mois et au lieu de m'en parler tu m'as menti dans les yeux alors que tu sais que je t'aurais soutenue. 

- Justement. 

- Justement quoi ? 

- Je ne voulais pas de ton aide Sarah. 

- Tout ça par ego ? 

Ce n'est pas une question d'égo mais je ne veux pas lui expliquer mes véritables raisons. Je m'allume une cigarette avant de changer de sujet. 

- C'est comment l'université ? 

Elle soupire et je pense sincèrement qu'elle ne va pas me répondre. Elle finit par me prendre une cigarette dans mon paquet elle aussi. 

- C'est très différent. Tu ne croises jamais les mêmes personnes tellement c'est grand. Les soirées sont énormes surtout celle des sororités. 

- Ça a l'air génial. Bien mieux qu'ici. 

- C'est comment ta vie ici ? 

- Je dors chez moi, je bosse au bar de Charlie, j'économise pour pouvoir partir. Une belle petite routine.

- Tu me montres ? 

- De quoi ? 

- Ton chez-toi.

Elle fait un effort pour ne pas me pousser dans mes retranchements. En espérant qu'elle ne me prenne pas en pitié. 


- C'est... minimaliste.

Je regarde Sarah tenter de ne pas me vexer face à mon cabanon. 

- Tu peux dire petit tu sais. C'est pas le grand luxe mais c'est le mieux que j'ai trouvé pour pouvoir économiser. 

- Il n'y a pas de cuisine ? 

- Je mange au bar. 

- Et la salle de bain ? 

J'utilise les espaces communs du port. C'est à côté. 

Elle ne dit rien et me regarde comme si j'étais folle. Je me sens super à l'aise. 

- Je t'emmène manger un bout ? C'est moi qu'invite. 

- Je ne te demande pas la charité.

- Je ne te fais pas la charité. Je t'invite pour ton anniversaire. 

Elle ment je le sais. Mais bon elle ne va pas lâcher et j'avoue qu'en deux mois je n'ai pas mangé un seul vrai repas donc bon. 


- Monsieur Carrera comment allez-vous ? 

- Très bien Sarah. Ça fait longtemps. Vous venez manger ? 

- Oui. 

- Bien prenez cette table là-bas. 

On s'installe dans un silence gênant. Super aucune de nous n'a osé ouvrir la bouche depuis qu'elle a visité mon "domicile". 

- Tu as faim ? 

- Alléluia elle parle ! 

Elle me regarde comme si j'avais trois têtes. Il va bien falloir qu'on crève l'abcès mais pas le temps car ce foutu père Carrera vient prendre notre commande. Je sais pas c'est quoi le problème de cette famille avec moi mais j'en ai marre. 

Je me penche enfin sur le menu et je me rends enfin compte d'a quel point j'ai faim. Tout à l'air délicieux et j'en peux plus des vieux sandwichs. Je ne sais même pas quoi choisir.  

- On va te prendre deux menus du jour, entrée-plat-dessert. 

- Très bien j'envoie ça. 

Et nous voilà à nouveau en face-à-face sans qu'un mot ne sorte de notre bouche. Il faut que j'intervienne on ne peut pas rester comme ça. 

- Bon j'en peux plus. Je fais un signe à Carrera pour qu'il approche. Amenez-nous une bouteille de vin blanc sec.  

Il hoche la tête avant de partir tandis que Sarah me regarde comme si j'étais folle. 

- Tu déconnes Dayana ? T'as replongé ? 

- Bien sûr que non ça fait plus de deux mois que je suis sobre. Mais je te rappelle que mon addiction c'est la drogue, pas l'alcool. Et tant que je ne bois pas tous les jours je peux me faire plaisir de temps en temps. 

Ça t'arrive souvent ? 

- Non mais vu la tête que tu tires il va bien nous falloir un peu de vin. 

- Qu'est-ce qu'elle a ma tête ? 

- Ne fais pas l'innocente tu me regardes comme on regarde un chiot abandonné à la SPA. 

- Pas du tout.

- Arrête de mentir. Donc soit t'assumes et tu me dis tout ce que tu penses. Ou alors tu tiens ta promesse et me racontes ta vie trépidante de jeune étudiante. 

Sarah me fixe toujours sans rien dire. Son dilemme est coupé par l'arrivé de nos entrées. 

Mon dieu ça à l'air super bon. 

- J'ai intégré une sororité. 

Et c'est comme ça que le repas s'est déroulé. Mon estomac est comblé et ma meilleure amie ne m'a plus regardé en pitié mais m'a raconté toutes ses histoires. 

Ça fait du bien.

Sauve moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant