BONUS

112 9 9
                                    

CLÉA

Dans le fond, on est tous nés pour mourir un jour, non ? Alors, pourquoi certaines personnes n'ont même pas l'occasion de vivre ? Pourquoi certaines personnes se contentent juste d'exister en attendant que leur vie se passe ? Pourquoi certaines personnes ont une vie si remplie que quand leur heure est venue, ils n'ont aucun regret ? Pourquoi certaines personnes elles, en revanche, doivent trimer pour ne serait-ce, tenter d'avoir juste quelques heures de répit ?

Tout est si mal fait...

Je m'appelle Cléa, et mon frère est mort.

Mon frère est mort en tentant de me protéger, ma mère et moi. En fait, il a passé huit ans de sa vie à me protéger. Il a mit huit ans de sa vie entre parenthèse pour pouvoir me permettre à moi, d'exister. Pendant que lui, luttait pour vivre. Il s'est interdit de craquer pendant huit ans, interdit de se laisser distraire, interdit de partir s'amuser avec ses amis, interdit d'aimer, interdit de vivre, interdit d'exister. Il a toujours pensé à moi avant tout, toujours fait passer mes besoins avant les siens, toujours fait passer ma vie avant la sienne. Et quand, enfin, il s'est autorisé à vivre, autorisé à aimer, la vie me l'a enlevé, la vie nous l'a enlevé. C'est injuste, tout est injuste sur cette terre, Milo est mort, maman est morte, Maëlle est morte, la mère de Félix est morte. On dit qu'il y a cinq étapes au deuil. Mais moi j'ai l'impression de passer par les cinq en même temps.

Le déni.

Je refuse toujours de croire que mon frère n'est plus là, même après huit ans. Huit longues années, quatre-vingt-seize mois, quatre-cent-seize semaines, deux-mille-neuf-cent-vingt jours. J'espère chaque jour de ma vie que mon frère va passer le seuil de cet appartement, qu'un jour je me réveillerai, et que je me rendrais compte que tout cela n'était qu'un rêve. Que je me réveillerai dans mon lit, ma peluche et mon chat à mes côtés, et que Milo rentrerai et me prendrait dans ses bras en me disant que tout va bien se passer, que ça n'était qu'un cauchemar.

La colère.

Je suis en colère, contre lui, parce qu'il aurait pu laisser tomber cette histoire, laisser la police faire son boulot et aujourd'hui il serait là, avec moi, avec nous. Lui et Léo seraient heureux. Je suis en colère contre Milo pour ça, en colère contre Léo, en colère contre Emmy, en colère contre Maddie, en colère contre vous tous pour avoir essayé de me protéger. En colère contre toi, Élio pour m'avoir rejeté après m'avoir laissé tomber amoureuse de toi pour la première fois de ma vie et d'avoir laissé tomber mes barrières avec toi. Je suis en colère contre toi, Hervé pour m'avoir violée alors que je n'avais que quatre ans la toute première fois, pour toutes ces fois ou tu m'as touché sans mon accord, en faisant passer ça pour un jeu, en colère contre toi, Marc, pour avoir tuer mon frère, et surtout, surtout, en colère contre toi, maman, pour avoir laissé ces hommes entrer dans ta vie, la mienne, et celle de mon frère. Je te hais pour ça, et pour tout le reste. Je suis en colère contre la terre entière.

La tristesse.

Je me sens vide, j'ai l'impression que mon corps est vidé de toute énergie, de n'avoir même plus une larme en stock, et pourtant, j'ai envie de hurler, de pleurer, j'ai envie de me faire du mal pour pouvoir enfin ressentir quelque chose. J'ai l'impression d'être là, mais de ne pas être la à la fois, de n'être plus là. D'être déjà partie, d'avoir un pied de l'autre côté, auprès de mon frère, et l'autre ici, pour Léo. Lui et moi on était peut-être pas fait pour ce monde, peut-être que l'univers n'a jamais cessé de nous envoyer des signaux, peut-être que notre place est ailleurs, quelque part mais pas ici, pourtant, lui et moi, c'était parfait. Mon frère, et moi, ça me suffisait amplement.

La résignation.

Il est mort. C'est un fait. En tuant mon frère, Marc m'a aussi tuée. Je me sens vide, vide d'espoir, vide de projet. Je n'ai jamais imaginé mon futur sans Milo. Et je n'arrive toujours pas à l'imaginer. Je vois tout le monde se reconstruire autour de moi, seul Léo et moi restons figés dans le temps, sans aucune avancée, aucun projet, aucune envie de changement. Mon frère était pour moi tout, mon modèle, mon point d'ancrage, mon pilier, mon père, ma mère, mon frère. Il était tout et remplissait tous les rôles. Il m'aimait et je l'aimais. Tout m'allait quand il était là. Et tout mon monde s'est effondré lorsqu'il a appuyé sur la détente. Lorsque la balle est entrée dans son abdomen. Plus rien n'est comme avant, et plus rien ne le sera jamais. Ma vie s'est arrêtée en même temps que celle de mon frère.

L'acceptation.

Non, en fait, je n'ai toujours pas accepté sa mort. Il est mort, plus jamais je ne le reverrais, comment un être humain peut accepter une chose pareille ? Dans le fond, on est tous nés pour mourir un jour, non ? Alors pourquoi ne pouvons nous simplement pas décider d'où, quand, et comment mourir ?

Je m'appelle Cléa, et ma vie s'est arrêtée en même temps que celle de mon frère.

Fin.

———————————————

Ouah, ce chapitre de chaton était si lourd à écrire.
Ça y est, mon histoire s'achève ici et aujourd'hui...
Je crois que c'est la plus belle que j'ai pu écrire, et surtout la plus triste, la plus dure, mais la plus sincère et la plus touchante. Milo et Léo étaient pour moi quelque chose qui me tenait vraiment à coeur. Comment une personne complètement banale pouvait prendre une place aussi importante dans nos vies.
Une tempête, un rayon de soleil.
Mais pas d'arc en ciel pour eux, malheureusement...

Update : le spin-off sur chaton est terminée, je suis en train d'écrire une histoire sur Léo (Maëlle et Milo, avec pleeeein de nouvelles scènes croustillantes)

Bisous mes lecteurs préférés. ❤️🌈

LIGHT IN SHADOWOù les histoires vivent. Découvrez maintenant