Partie 4 bis.

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Il est 18h01. Je suis assis au salon, seul, le regard aussi vide que ce que je suis en train de fixer. Mais non, ça peut pas se finir sur une bêtise comme ça. Je suis vraiment déçu. Mais je sais plus quoi faire là. Quelle tête de mule, l'autre là aussi ! Pfff... J'ai besoin de vider mon esprit. Je ferme alors les yeux, le visage tourné vers le plafond et essaie de plus penser à quoi que ce soit. Je souffle longuement et bruyamment lorsque mon père rentre au salon...

« - Ya wldi, ça va ?
- Hm, fais-je en rouvrant les yeux. »

Il s'assoit à côté de moi, alors je me redresse. J'ai pas beaucoup de complicité avec mon père, c'est mon complet opposé. Mais j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour lui. Il nous a toujours inculqué de bonnes valeurs et a toujours été là pour chacun de nous. Ça force le respect, naturellement.

« - Samir, ya Samir, qu'est-ce qui t'arrive, me demande-t-il en me secouant, enveloppant mon épaule de son bras.
- Rien, rien, baba... J'suis juste un peu fatigué.
- Kdhab !... J'suis pas ton père pour rien, wldi. Je sais quand vous allez pas bien ... »

Il a raison. Je vais pas bien et je mens. Mais je sais qu'il va me faire la morale et me rabâcher de rappels religieux si je lui dis ce qui va pas. Alors je me tais.

Il dit rien et regarde la télé en même temps qu'il fait du dhikr avec ses doigts. On reste silencieux comme ça. Bon, finalement je me lève pour aller dans ma chambre. Alors que j'allais passer la porte du salon, mon père m'appelle encore ...

« - Samir ! C'est bientôt Maghreb, viens on va à la mosquée, mon fils...
- Baba...
- Samir, stpl. Tu en as besoin, je le vois. Fais moi confiance aujourd'hui. Ça va t'faire du bien, crois-moi...
- Baba, j'peux pas...
- Comment ça tu peux pas, ya wldi ? Tu as bu l'alcool ?
- Non, baba. Jamais !
- Tu as pris la drogue ?
- La, baba ! T'sais bien j'fais pas ces trucs...
- Alors qu'est-ce qui t'empêche de répondre à l'appel de ton Rab ce soir, alors qu'Il te pousse vers lui ?
- ...
- Vas-y, fais moi confiance au moins ce soir, wldi. Tu t'sentiras mieux après, in shaa Allah... »

J'ai vraiment juste envie d'aller dormir et reposer ma tête là, mais mon père n'a jamais autant insisté pour que j'aille à la mosquée avec lui. Alors, je cède. Après tout, j'ai rien à faire là. Comme il le dit, ça va peut-être me faire du bien. J'accepte alors et il me demande d'aller faire ablutions. Je file dans ma chambre et mets mon téléphone en charge avant d'aller à la salle de bain. Quand j'y pense, la dernière fois que j'ai fait des ablutions pour aller prier, euh... Peut-être il y a quelques semaines, quand j'avais eu comme une envie soudaine d'aller prier Jumu'a.

Je sors de la salle de bain et retrouve mon père en train de m'attendre devant. Je suis épuisé mentalement pour si peu... C'est pas normal !

« - C'est bon, me demande-t-il.
- Oui, c'est bon.
- Allez, dépêche-toi, va prendre ton kamis. »

Je file dans ma chambre et vais sortir du fond de mon armoire, mon kamis rose pâle offert par ma mère à l'Aïd dernier. Mon père m'a tellement pressé que je suis sorti en oubliant mon téléphone. Mais on a déjà quitté l'immeuble. J'ai pas envie d'y retourner. Pourquoi faire ? Je vais faire que stresser dessus en attendant des nouvelles de Haloua. Ça y est, je m'en fous !

On se dirige vers la mosquée qui se trouve à cinq minutes de marche. Mon père me dit absolument rien pendant tout le trajet. Il a les bras croisés sur son dos. Vous savez, la fameuse dégaine des vieux sages quand il marche. On croise d'autres hommes qui se rendent à la mosquée aussi. Ils nous saluent en nous embrassant, grand sourire aux lèvres. Il y a même des plus jeunes que moi. Macha Allah. L'un des aînés me demande si je viens d'arriver du bled, tellement ils m'ont jamais vu avec mon père. J'ai honte, wAllah.

Haloua - Moi, mon Nafs et RamadânOù les histoires vivent. Découvrez maintenant