Partie 11 - Le déclic

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Il est 19h38. J'arrive à Armistice et m'arrête dans un Victoria's Secret. Je sais déjà ce que je suis venue chercher alors je m'attarde pas. Mon compte bancaire est en PLS, et j'ai pas encore fait les courses à la maison. Mais tout pour mon Samir !

Je rentre à la maison et préviens maman que je vais sortir. Je sais pas pourquoi, mais elle s'énerve un peu.

« - Oussi dzéya nayi bouéni, me dit-elle.
- ...
- T'as vu les heures que tu sors ?
- Oui, mais c'est la dernière fois...
- Hum... J'espère parce que ça te ressemble pas du tout.
- ...
- Fahamou bé mtroumama mtanguifou ka loléha... »

C'est la première fois qu'elle a une réaction comme ça pour l'une de mes sorties. Bizarre ! Mais je lui promets que ça va être la dernière, pour la calmer. Et ça marche.

Je fonce dans mon armoire et sort la tenue que j'avais préparé et la repasse : ensemble costume moulant blanc, crop top rouge, bandeau rouge, ce que je suis allée chercher chez Victoria's Secret. Pour accessoiriser : talons rouges, sacoche noire, toujours mes créoles, un petit collier en argent avec les initiales de Samir dessus (un cadeau de lui pour nos 1 an), bagues fantaisies. Je dispose le tout sur mon lit, avec mon parfum à côté. Instagrammable tout ça ! Je prends une photo et l'envoie sur le groupe avec les filles et met en légende : "léwo dhé léwo !". On est vraiment sur un niveau jamais atteint avec Samir avant. JA... MAIS !

L'hystérie de Nadja est inqualifiable. Mais venez on attend sagement que Sali chope une connexion stable et me réponde. Ça va lâcher des "vu". Je file sous la douche, puis passe une bonne demi heure devant le miroir de ma coiffeuse à faire du ravalement de façade. C'est quand j'hausse les sourcils pour mettre mon mascara que je sens, une fois de plus, que la coiffure de Nadja me serre. C'est sûr je défais ça ce soir.

Il est 21h14. Je texte Samir pour lui demander où il est. Je mets mes chaussures et vais attendre au salon. Ma mère est allée dormir tôt ce soir. C'est curieux. Je me fais une séance photo en attendant que Samir me réponde. En plus, je dois passer chercher les amuse-bouche chez Nadja. Dix minutes passent et aucun signe de Samir. Je l'appelle, une, deux, trois, quatre, cinq fois : il répond pas. Il doit être au volant peut-être. J'envoie un autre message pour lui dire que je l'attends, toujours pas de réponse. Je commence à faire les cent pas à la maison. Je prie pour que Samir me pose pas de lapin, bhé léwo... Les gens dorment et mes talons font du bruit, je les enlève, dépose ma sacoche sur la table basse et continue de tourner en rond une main sur ma hanche et l'autre sur mon téléphone en train d'harceler Samir d'appels. Nadja m'envoie une photo des amuse-bouche pour me rappeler de pas les oublier. Je réponds pas. Vingt minutes passent et Samir me répond toujours pas. Je ronge ma manucure, ma main tremble, la colère monte. Je vais exploser. Je m'assois et me relève en répétitions. Mon Dieu ! L'hôtel m'appelle pour me rappeler ma réservation et qu'ils vont facturer la nuit quoi qu'il en soit. C'est un Radisson Blu, je vous laisse imaginer. Je leur dis que j'ai un retardement et le réceptionniste me dit que j'ai jusqu'à minuit. Mdr. Je raccroche et m'assois en soufflant bruyamment. Ça fait trois quart d'heure que j'attends.

Il est 22h05. Je marche lentement vers la salle de bain et me regarde dans le miroir. La réalité me frappe au visage. D'un coup, je me trouve ridicule avec tout ce maquillage, cette coiffure serrée et ces bijoux. Samir n'est plus le Samir d'avant, je dois l'accepter. Mais à quoi je pensais, sérieusement ? Qu'à la veille de son voyage pour Allah, il viendrait me voir ? Pfff... Je suis vraiment trop naïve. J'ai le cœur brisé mais la raison me rattrape. "Allah t'envoie un signe clair Haloua : vous êtes plus faits pour être ensemble". J'ai la gorge nouée et des larmes menacent de gâcher mon maquillage à 2 balles. Je respire lentement pour pas réveiller la maison. Je glisse jusqu'à ma chambre, retire ma veste et m'assois sur mon lit les jambes pliées. C'est la goutte de trop. Mon cœur lâche ! J'y crois pas que Samir m'ait fait ça. Je suis dégoûtée de moi-même et déçu de lui. Tous ces efforts pour qu'il me pose un lapin. J'ai même pas la force de m'énerver plus que ça et de surréagir en le bloquant encore. Mais c'est quoi ça ? On dirait on vient de m'annoncer sa mort. Je suis tellement mais tellement triste mais j'arrête pas de me répéter : "c'était prévisible, tôt ou tard ça allait arriver." Des larmes coulent et je les maîtrise à peine. Ajoutez à ça le message de rébellion de Salima sur le groupe. Je vais "mévanouwiir" ! Comment quelqu'un peut avoir autant d'effets sur moi ? Je l'aime à ce point ce mec ? Je m'allonge et plonge ma tête dans mon oreiller.

Haloua - Moi, mon Nafs et RamadânOù les histoires vivent. Découvrez maintenant