Partie 17 bis.

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Il est 19h47. On est à Bruxelles, dernier arrêt et dernier jour de notre voyage de maraudes dans l'Europe. On a fait Berlin, Rome, Barcelone, Sintra au Portugal, Londres et enfin Bruxelles. SubhanAllah, c'était le plus beau et le plus enrichissant des voyages que j'ai fait et je pense que j'en referai pas des comme ça avant un bon moments. On a rencontré et échangé avec des frères de plein d'origines, cultures et éthnies. Mais surtout, j'ai vu plus loin que le bout de mon nez et je peux témoigner que partout dans l'Europe, et j'imagine dans le monde, il y a des personnes qui ont le ciel comme toit et le sol comme lit. Qui passent des mois avec les mêmes vêtements et peuvent même pas se laver correctement. Qui ont plus aucune famille ou ont dû les quitter pour x ou y raisons. Qui dépendent totalement de la générosité et de l'hospitalité des gens. Ils ont chacun des histoires plus étonnantes les unes que les autres. Et malgré ça, une bonne partie d'entre eux gardent le sourire et manquent pas de montrer leur reconnaissance pour le peu qu'ils ont ou qu'ils reçoivent. Nous, on faisait que passer, et on dormait dans les mosquées ou chez des frères. On était au chaud, logé, nourri, blanchi. Pas forcément dans le top du top, mais sûrement mieux qu'eux. Alhamdulillah.

Je me souviens d'une maraude qui m'a marqué, SubhanAllah. C'est là que je me suis dit que j'étais peut-être encore loin. Un jour, alors qu'on distribuait des repas dans les rues de Barcelone, on est partis à la rencontre d'un SDF, il doit avoir dans la trentaine comme ça. C'était un "régulier", genre l'association avait l'habitude de l'aider. Alfonso, il s'appelle. Il s'est retrouvé à la rue après avoir perdu son emploi, n'a aucune famille pour le soutenir et dépend totalement des dons des passants. C'était après Maghreb, la soirée commençait à se rafraîchir et il pleuvait. On est arrivé devant lui. Il était assis par terre, sous l'auvent de l'entrée d'un magasin. Dès qu'il nous a vu, il a sauté dans les bras de Walid, notre guide et hôte.

« - Gracias, hermano. Muchissima gracias, disait-il »

Il souriait en versant des larmes. Après, c'est la seule chose que j'ai réussi à comprendre de leur échange hein. Krkr. Il avait un petit coran à la main. J'ai reconnu que c'etait ceux qu'on distribuait aux gens curieux ou intéressés. Pas ceux en arabe, par contre, que les traductions. On sait pas entre les mains de qui ça pourrait tomber. C'était jamais compris dans les donations. On demandait d'abord et si ça intéressait, on donnait, en expliquant bien de quoi il s'agissait. Et du coup, Alfonso en avait un et pendant qu'il discutait avec Walid, ce dernier s'est tourné vers nous et nous a dit :

« - Les frères, SubhanAllah, le Message a touché un autre cœur. Alfonso va embrasser l'Islam. Alhamdulillah. »

Ça nous avait vraiment pris par surprise, Omar, Dono et moi. On était sous le choc. Du coup, Alfonso prononcé la shahada devant nous, en Arabe et en Espagnol. Puis Walid a lancé le takbir et on a crié :

« - Allahu akbar, Allahu akbar, Allahu akbar. »

On venait de gagner un autre frère. SubhanAllah. C'était la première fois qu'on assistait à une reconversion spontanée comme ça. Et le fait de le voir pleurer en souriant, en train d'expliquer à Walid ce qu'il avait ressenti en lisant la parole d'Allah... SubhanAllah, il y avait que ça qui sortait de nos bouches. Fallait voir Donovane. Ça lui avait rappelé sa reconversion. Il était en larmes quand il a pris Alfonso dans ses bras. Franchement, se dire qu'entre la pluie, la précarité, le froid et le dénigrement voire le dégoût des uns et des autres, le Message d'Allah avait réussi à atteindre son cœur, son âme. Tu te dis vite "ah ouais ? Lui il a lu, il a compris et accepté l'Islam. Moi je suis né dedans, qu'est-ce qui me manque pour avoir la même émotion que lui ?".

C'était vraiment incroyable. Le meilleur des voyages, avant le Hajj, in shaa Allah. Alhamdulillah. J'ai aussi découvert que mon Anglais est pourri de chez pourri. Ne parlons même pas de l'Espagnol. Heureusement qu'il y avait Omar et ses deux ans d'Erasmus à Londres avec nous. Comment il était soulé à la fin de faire le traducteur. Krkrkr. Allahuma barik. Une semaine et quatre jours sont passées depuis le début du Ramadan. À la demande de l'association qui nous a accueillis ici, on est resté trois jours de plus. Je sais pas comment je vais expliquer ça au boulot en arrivant, sans mentir, SubhanAllah. Déjà, ça fait quatre jours que mon abonnement est coupé. Ça va être drôle.

Haloua - Moi, mon Nafs et RamadânOù les histoires vivent. Découvrez maintenant