Il est 20h22, une semaine de jeûne vient de passer. Ça passe tellement vite, mais pas assez pour mon cœur. Je suis trop excitée : Samir rentre demain. Trop, trop, trop hâte ! Je suis dans ma chambre. On a fini de cuisiner et il reste une demi-heure encore avant la rupture. C'est assez rare qu'on finisse en avance d'ailleurs. C'est peut-être l'excitation qui m'a rendue efficace. Bon en vrai, quand je suis rentrée ma mère avait déjà préparé tout ce qu'il fallait. Il restait plus qu'à faire cuire. Au menu ce soir : bananes et maniocs frits - la base, ça bouge pas - mabawa ya hangoi dzindzano, mkatré wa futra, sauce de viande de boeuf, crêpes, oubou wa ngano et thé traditionnel. Ça fait beaucoup, comme ça, mais croyez-moi qu'on va tout manger. Mes frères c'est des vrais ndzahou. En plus, mon oncle préféré, Bachir (mtsss) mange avec nous ce soir. Sans oublier le tsahou qui va recycler les restes. Vous inquiétez pas : y aura pas de gâchis.
Je traîne sur Insta, pour changer, et comme toujours depuis un moment, je tombe sur une vidéo de rappels religieux. Celle-ci parle du fait que « les personnes qui t'entourent peuvent soit être une bénédiction pour toi, soit une épreuve. Certains sont là pour tester ta patience et ta foi, et d'autres sont là pour te guider et t'épauler. Certains sont faits pour rester et d'autres ne font que passer. Certains sont seulement des compagnons de Dounia et d'autres des alliés pour Dounia et Akhira. Tous les gens que tu connais ne sont pas forcément là pour rester jusqu'à la fin de ta vie et encore moins te suivre dans l'autre. Ta mission est de choisir soigneusement tes compagnons de voyage, car n'oublions pas qu'on ne fait que passer dans cette vie. » La vidéo finit par une question « Alors, après qui vas-tu demander en arrivant au Paradis, in shaa Allah ? » Wesh ! Ça me prend les tripes. Ma gorge se noue. Avec les va-et-vient qu'il y a dans ma vie en ce moment, j'essaie de placer chacun des membres de mon entourage dans ces catégories. Mais qu'est-ce qui me dit que moi j'y serai, au Paradis ? Hein ? Ça se peut tout le monde y va sauf moi. Qui a quelle place dans ma vie, en ce moment ? C'est fou de se dire qu'il y a une vie après la mort, non ? Et surtout de se dire que certaines personnes que t'as connu ici peuvent disparaître de ta vie d'après. Non mais comment je ferais sans... ma mère, mes frères, mon père... Samir, Sali... Et si je pouvais plus jamais les revoir après la mort ? Ça y est, je verse des larmes. Eh... Ça c'était un réel de qualité. Première fois que je tombe sur un rappel qui me perce le cœur et secoue mon âme. J'ai les yeux biens humides et le nez qui coule et mon téléphone sonne : Maria. Oh mon Dieu ! Bah oui, elle aussi. Et si je pouvais plus la revoir, après tout ce qu'elle m'a apporté ? Je pleure des rivières pour si peu. Mais ça me fait vraiment réfléchir. J'ose pas répondre.
Il est 20h47. Maria insiste. J'éclaircis ma gorge, ajuste ma voix et réponds.
« - Coco wahé ? As-salam 'aleykum.
- Ehm... 'Aleykum salam.
- Bassi tu dors nhé c'est bientôt l'heure de manger.
- Euh... Ehm... Non, non. J'ai juste le nez qui coule un peu.
- Ah ! Allah y chafik. Amine.
- Amine.
- Bon, t'as failli rater ta chance. Viens vite récupérer un truc ici, pour ta maman. C'est bientôt l'heure de la rupture. »C'est toujours pour ma mère, après c'est nous qui mangeons. Ça m'a fait sourire. Je repasse un peu mon visage et monte chez elle. J'arrive et toque à la porte en même temps que Lamine descend de l'ascenseur.
« - Ah, Haloua ! As-salam 'aleykum wa rahmatullahi wa barakatuhu.
- 'Aleykum salam.
- Tu vas bien ? Ça fait longtemps. On t'a convoqué ? Haha.
- Haha. Oui ça va...
- Alhamdulillah.
- ... Oui, j'sais même pas pourquoi en plus. »Maria nous ouvre et sursaute en voyant Lamine derrière moi.
« - Laa ilaha illa Allah ! Chéri, tu m'as fait peur. J'ai cru t'étais un autre homme, un violeur ou quoi. Maskini wami, roho yangou. »
VOUS LISEZ
Haloua - Moi, mon Nafs et Ramadân
Novela JuvenilMade in Mayotte (de France) 🇾🇹🇨🇵🍃❄️☀️🌴 Si tu crois au destin, au Qadr, aux plans parfaits d'Allah, je t'invite à lire cette histoire. Il a suffit d'un Ramadan, un seul où Haloua a essayé de faire mieux... [Sourate Al-Baqara (2), verset 185] ...