Il est 18h52. Je suis toujours à l'accueil de l'hôpital en train d'attendre ma mère, avec Nasser. Elle va bientôt sortir de sa chambre.
Quelques minutes plus tôt, Maria m'a appelé pour me demander si elle pouvait donner mon numéro à Ayane mais j'ai refusé. Franchement, ça ira. Je lui ai dit de lui dire que j'allais bien. Elle s'est étonnée mais n'a pas cherché à en savoir plus. Je lui ai rapidement expliqué que j'étais à l'hôpital avec ma mère, en me forçant à ne pas lui donner de détails. Elle est enceinte : on va lui éviter tout autre source de stress hein. En plus, si Ayane ne lui a rien dit, c'est pas moi qui vais le faire. Halidi est passé juste le temps de déposer Nasser, prendre des nouvelles de ma mère puis il est reparti. Il allait au "boulot". À 19h ? Et il travaille sûrement pas dans un fast-food. Je reconnais l'odeur des gens qui travaillent là-bas. Éboueur, peut-être ? Bref ...
Il est 19h26. Maman arrive à l'accueil accroché au bras d'un infirmier. Nasser et moi nous levons et allons prendre le relai. L'infirmier nous indique qu'elle doit se reposer et qu'il faut lui changer ses médicaments, puis me tend une ordonnance. Comment ça "changer" ? Elle prenait des médicaments et je l'ai jamais remarqué ? Je m'en veux. Ça doit sûrement être à cause de nous. Depuis qu'on est venu en France, on lui en a fait voir des vertes et des pas mûres. Elle est affaiblie mais prend le temps de remercier l'infirmier avant qu'on parte.
On sort attendre Chakour dehors. C'est Halidi qui lui a demandé de venir nous chercher. J'installe maman derrière avec Nasser et monte à l'avant. Chakour ne dit rien pendant tout le trajet. Et tant mieux. Il vaut pas mieux que les autres. En cours de route, Samir m'appelle. Je lui explique que je suis en voiture et que je le rappellerai. Il me demande avec qui je suis mais je l'ignore et raccroche. On arrive au quartier. Nasser et moi aidons ma mère à descendre lorsque Chakour m'appelle. Je fronce les sourcils en le regardant puis demande à Nasser de monter avec ma mère.
« - Écoute, Hal. Je sais que j'ai aucun droit sur toi et que t'as sûrement la haine contre moi en ce moment, mais... C'est pas pour rien qu'on a réagi comme ça cet après-midi. Wawé kouji watrou walé, Haloua. Ils...
- Pfff, fais-je avant de lui tourner le dos. »Grand papa comme toi là, tu encourages des enfantillages ! Je le laisse en plan et l'entends me lancer "wAllah Haldé il a pas pleuré pour rien Haloua". Je me force à pas me retourner mais ses mots me piquent. Donc, il a pleuré ? Et puis même, et alors ? Moi aussi j'ai pleuré hein. Et pas qu'un peu. Je rentre dans le bâtiment et vais appeler l'ascenseur. Pendant que j'attends, mon téléphone sonne. C'est Samir. Je lève les yeux au ciel et souffle longuement de fatigue - physique et mentale. Je l'avais presque oublié lui. Je ne réponds pas à l'appel. Je m'entretiens avec la partie de moi qui veut tout envoyer balader... Je peux dire ce que je veux mais je l'aime ce j'sais pas quoi. Mais je ne sais pas si je suis capable d'aller affronter ses mots. J'ai peur et surtout, je suis fatiguée.
J'arrive à l'appartement et me pose quelques minutes avec ma mère et Nasser au salon. Je vais rien évoquer de ce qu'il s'est passé. C'est encore trop frais et je veux juste pas. Tant qu'elle demande pas, je lui dis rien. Je la laisse un moment et vais mettre du riz à cuire. Je sors 5 sachets de steaks et des pommes de terre. Pas le temps pour des choses élaborées : le peuple doit se nourrir. J'appelle Nasser en cuisine et lui demande d'éplucher les pommes de terre. C'est très silencieux mais je sens qu'il à des questions. Je l'ignore. Je me décale de temps en temps pour jeter un oeil sur ma mère. Elle s'est endormie. Oignons, sel et poivre : allez le steak est sur le feu ! Le reste des condiments après. Je débarrasse les épluchures d'oignons et vais me laver les mains.
« - Genre c'est vrai tu sors avec Yansé d'Ellipse ? J'pensais vraiment que t'étais avec Samir... »
Pitié, mon Dieu ! Je lui lance un regard vide. Ni rongowé trini ? Je réponds pas et quitte la cuisine. Je dois aller chercher les médicaments avant que la pharmacie ferme. Je rentre dans ma chambre et m'assois un moment. Rétrospective de la journée... NON ! Pas maintenant, sinon je vais jamais sortir. J'enfile un gros pull et quitte la maison après avoir jeté un oeil sur ma mère et prévenu Nasser.
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Haloua - Moi, mon Nafs et Ramadân
Novela JuvenilMade in Mayotte (de France) 🇾🇹🇨🇵🍃❄️☀️🌴 Si tu crois au destin, au Qadr, aux plans parfaits d'Allah, je t'invite à lire cette histoire. Il a suffit d'un Ramadan, un seul où Haloua a essayé de faire mieux... [Sourate Al-Baqara (2), verset 185] ...