Partie 16 - On saute le pas.

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Il est 20h43, troisième jour du Ramadan. Fatou et moi on est cachées dans les vestiaires pour rompre le jeûne. Plutôt, Fatou m'a traînée jusqu'aux vestiaires pour rompre le jeûne. J'ai essayé de résister par peur que notre gentille manageuse nous tombe dessus encore, mais la Fatou là... On dirait ma mère. Mdr.

Elle sort des dattes de son sac, m'en tends trois et en prends trois aussi. J'ai pas attendu hein, j'ai direct mis la datte dans ma bouche.

« - Eh, Haloua, fait-elle toujours avec sa datte à la main.
- Hm, fais-je la bouche pleine.
- Tout se passe bien dans ta vie hein !? Je t'envie même...
- Comment ça ?
- Tu fais pas d'invocations avant de rompre ton jeûne. T'as rien à demander même ?
- Hmm ?
- Tu n'sais pas que les invocations juste avant de rompre le jeûne ont beaucoup de chance d'être acceptées ?
- Euh... »

Alors non, je savais pas. Tu m'apprends quelque chose là. Mais c'est trop tard j'ai déjà mangé mes trois dattes. Krkr. Tant pis ! Je saurais pour la prochaine fois. Mais maintenant que j'y pense, je me suis toujours demandé c'est quoi que ma mère recite avant de boire l'eau et de couper son jeûne. Pour moi c'est une du'a spécifique à dire à ce moment-là. Mais comme on me l'a jamais apprise, j'ai pas cherché plus loin. Bref. On se dépêche de manger un peu de nos sandwichs. Cruella rentre dans les vestiaires.

« - Les filles vous vous foutez de moi là, grogne-t-elle, pointant sa main vers nous.
- Eh, Haloua ! Retiens moi, faut pas je gate le jeûne que j'viens de rompre, murmure-t-elle en fermant les yeux. »

J'alterne mon regard entre ma manageuse et Fatou, en continuant de mâcher.

« - C'est quinze minutes votre pause goûter là, on a du monde...
- Madame, vous mangez en quinze minutes vous ? Vous trouvez ça, normal, dit Fatou de sa voix la plus calme.
- C'est pas mon problème, le règlement, c'est le règlement. C'est pas moi qui vous ai dit d'vous tuer d'faim. Vous avez deux minutes ! »

Après ça elle est partie. Encore une fois, Fatou et moi on est sous le choc. Des fois je me demande même comment ça se fait qu'on soit encore là.

« - Eh, Allah, fait-elle en levant les mains au ciel, je pensais que les diables étaient enchaînés pendant le Ramadan... Celle-là est encore en liberté, pourquoi ?
- Pouaaahahaha...
- Aie pitié, fait-elle en se retenant de rire, rends-la plus humaine au moins pour ce Ramadan, ya Rab ! Amine.
- Aaahaha. Amine... »

Je suis morte de rire. Je m'étouffe. Mais elle rigole à peine. En plus, je l'ai jamais vue aussi douce avec cette dame. C'est vraiment le Ramadan qui a cet effet sur elle ? Bref, on finit rapidement avant de retourner au charbon. Il reste à peine 1h30 avant la fin de notre service, c'est gérable.

Il est 22h57. Je descends de mon Uber. Heureusement que c'est le dernier jour où je finis à cette heure-ci, sinon je vais être ruinée. Déjà que j'ai pas grand chose. Je traverse le parking en même temps que Mirdjane sort du bâtiment. Je l'avais pas croisé depuis le début du Ramadan. Dès qu'il me voit, il baisse la tête. Eh ! Depuis quand ?

« - Salam, Haloua, fait-il en passant à côté de moi.
- Salam. Ça va ?
- Ça va merci. »

Et il continue son chemin. Waaah ! Je pensais pas que ça me ferait cet effet qu'il m'ignore. Bwiii ! Ou c'est le Ramadan ? Zini hodzo ! C'est pas lui ça. Notre dernière conversation l'a touchée à ce point ? Um... Dhé Moungou ! Mieux vaut je rentre chez moi au lieu de rester plantée là à le regarder partir. J'arrive chez moi, prends une douche et vais me prendre une assiette du foutari de tout à l'heure. Un vrai repas ! Je rejoins les autres au salon et miracle, même Halidi est au salon aujourd'hui ! C'est très, très rare qu'on soit au salon en même temps tous ensemble. L'un des miracles du Ramadan ? Je m'assois à côté de lui, il se gêne pas pour se servir dans mon plat. Faut voir le regard que je lui lance.

Haloua - Moi, mon Nafs et RamadânOù les histoires vivent. Découvrez maintenant