Un sentiment de lassitude s'étend dans ma poitrine lorsque j'enfile mon uniforme.
Je vérifie une dernière fois mon apparence dans le miroir pour m'assurer que tout est en ordre avant de sortir de la maison. Tout en poussant un soupir résigné, je prends le chemin qui mène au lycée.
Par chance (ou par miracle), je n'ai pas revu Shinichiro du reste des vacances d'été. Mais ce n'était que pour repousser l'inévitable ; aujourd'hui, il sera forcément assit devant moi en cours. Je n'ai jamais aimé croiser des gens quand je me rends dans le cimetière, alors y voir un type de ma classe, pour moi c'est le comble.
Surtout après m'être écroulée devant lui de cette façon. En plus de ça, mon coccyx ne s'en est toujours pas remis.
Je tente de chasser ce souvenir cuisant de mon esprit en me concentrant sur ma route.
Au loin, le soleil commence à se lever et le ciel est complètement dégagé, ce qui est la promesse d'une bonne journée. Quelques oiseaux gazouillent déjà et les cigales se réveillent lentement. J'inspire profondément, profitant de ces instants de calme. Ce n'est pas une petite honte vécue au début du mois d'août qui pourrait gâcher une si belle matinée.
Lorsque j'arrive devant le lycée, je suis assourdie par de multiples vives conversations. Je cherche rapidement Aria des yeux, mais c'est finalement elle qui me trouve la première :
— Rin ! m'interpelle-t-elle d'un ton joyeux.
— On monte ? dis-je en désignant le bâtiment d'un signe de tête.
Nous nous frayons un passage parmi les attroupements d'élèves pour entrer dans le lycée puis, non sans peine, montons une volée de marches avant d'atteindre le dernier étage.
— Pourquoi ils ont mis les 3e année tout en haut ? râle-t-elle en se tenant la côte.
Je soupire pour lui répondre en entrant dans notre salle.
Je constate avec une certaine appréhension que la place juste devant la mienne est occupée : il est déjà là.
À moitié affalé sur sa table, Shinichiro regarde la fenêtre d'un air profondément ennuyé. Sa cravate est mal nouée et ses cheveux sont relevés en une espèce de banane à la mode qu'il n'avait pas le mois dernier. Manifestement, il aimerait se trouver n'importe où ailleurs du moment que ce n'est pas ici.
Je rejoins rapidement ma chaise sans lui accorder le moindre regard, suivie de près par Aria. Mais cette dernière ne s'assoit pas et se contente de poser son sac par terre.
— Il faut que je te laisse quelques secondes ! dit-elle. Je ne suis pas allée voir Kyo. À tout de suite ! ajoute-t-elle en quittant précipitamment la pièce.
Elle me fait un signe de la main depuis la porte puis disparaît dans le couloir.
Le départ d'Aria a réussi à retenir l'attention de Shinichiro, qui a tourné la tête vers elle avant qu'elle ne s'en aille. Puis, réalisant mes angoisses, il me jette un rapide coup d'œil.
Il se retourne de nouveau vers la fenêtre sans me reconnaître. Mais alors que je commençais à soupirer de soulagement, il me regarde de nouveau.
Mes yeux croisent un instant les siens. Je cille.
— Tu es la fille du cimetière ? me lance-t-il, amusé.
— Il semblerait, je réponds d'un ton maussade.
Pourquoi n'a-t-il pas été saisi d'une amnésie brutale ?
— Tu es partie avant que je ne prenne ton numéro ! poursuit Shinichiro avec un sourire en coin. Tu me le donnes ?
— Tu ne perds pas de temps, je rétorque sèchement.
Son sourire s'efface quelque peu.
— Vous êtes toutes les mêmes, soupire-t-il. Au moins, j'aurais tenté ma chance...
Ne sachant pas quoi lui répondre, je me contente de hausser les épaules. Plus vite la discussion se termine, mieux ça vaut... Mais il ne semble pas du même avis que moi.
— Est-ce que la fille du cimetière voudrait bien me donner son prénom, au moins ?
Si ça permet d'éviter qu'il m'appelle encore une fois comme ça, évidemment que je vais lui donner !
— Je m'appelle Rin... Rin Takahashi.
Ses yeux s'écarquillent.
— Takahashi ? répète-t-il, à la fois choqué et ébahi. Takahashi comme... Hana Takahashi ?
C'est une blague ou quoi ?! Qui c'est ce type, encore ? Comment peut-il connaître ma mère ?
— Comment tu...
— Je suis un grand fan de ta mère ! s'extasie-t-il, les yeux brillants d'admiration. C'est bien elle qui était à la tête du gang du Papillon Rouge dans les années 70 ? C'était le premier et l'unique gang de filles de tout Tokyo ! J'ignorais qu'elle avait eu des enfants ! Enchanté, Shinichiro Sano, se présente-t-il inutilement en me tendant sa main.
Je le dévisage durant de longues secondes, effarée.
Effectivement, ma mère a déjà évoqué le fait qu'elle était cheffe d'un gang de filles durant sa jeunesse, mais je ne pensais pas qu'elle aurait encore des admirateurs. D'autant plus qu'elle ne savait pas du tout se battre ; c'était sa personnalité qui attirait les autres et qui forçait le respect.
Hésitante d'abord, je tends finalement une main pour serrer celle de Shinichiro. Il a un visage aussi ravi que celui d'un enfant qui découvre ses cadeaux le matin de Noël.
Aria réapparaît brutalement dans la salle de classe, et je m'empresse de quitter la poigne de Shinichiro. Mon geste a été si vif qu'il en sursaute.
— J'ai loupé quelque chose ? questionne-t-elle d'un ton jovial en prenant place à côté de moi.
— Rien du tout.
Shinichiro ouvre la bouche pour répliquer, mais il est coupé par l'arrivée de son ami qui se laisse tomber lourdement sur la chaise voisine à la sienne.
Il me jette un dernier regard l'air de dire « On en reparlera plus tard » auquel je ne réponds pas.
— Pourquoi tu lui serrais la main quand je suis revenue ? me chuchote Aria en se penchant vers moi.
— Je te dirai plus tard, dis-je, devinant qu'il nous écoute certainement d'une oreille distraite.
Son intérêt pour ma mère n'est pas très rassurant, mais étrangement, il n'a pas du tout l'air d'avoir de mauvaises attentions.
Cependant, même si j'aimerais éviter de relancer toute conversation avec lui, au fond de moi j'aimerais en savoir plus sur ce Shinichiro Sano.
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
FanfictionÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...