Après des journées interminables et une montagne de devoirs à faire pour le week-end, la semaine touche enfin à sa fin. La somnolence mêlée à l'excitation qui règne dans la classe indique clairement qu'il s'agit du dernier cours du vendredi.
Toujours assit devant moi, Shinichiro n'essaie même plus d'écouter le professeur. Le menton posé au creux de sa main, il regarde l'extérieur d'un air distrait. À sa droite, son pote semble passablement ennuyé, et ses yeux fatigués, cachés derrière ses cheveux clairs, accentuent davantage sa nonchalance. Son unique boucle d'oreille se balance légèrement lorsqu'il se penche vers Shinichiro pour lui parler.
— Eh, Shin', chuchote-t-il. Tournée en moto, ce soir ?
L'intéressé se détourne de la fenêtre.
— Évidemment, répond Shinichiro avec un sourire. Takeomi et Benkei seront de la partie aussi.
Satisfait, son pote lui sourit à son tour. Si je me fis à ce que je sais, il s'appellerait Wakasa Imaushi, mais je ne suis sûre de rien. Bien que nous soyons dans la même classe depuis le début de l'année, il n'a jamais fait spécialement attention à moi et c'est totalement réciproque. En revanche, maintenant que je connais Shinichiro, j'ai remarqué que ces deux garçons dégagent une prestance étrange lorsqu'ils sont ensemble.
Lorsque la sonnerie retentit enfin, je pousse un soupir de soulagement, tout comme la grande majorité de mes camarades. Visiblement, le cours n'a pas été éprouvant uniquement pour moi.
— Ça te dérange si je ne rentre pas avec toi ? me lance Aria en rangeant ses affaires avec des gestes précipités. Kyo m'a dit qu'il me raccompagnait, ce soir.
— Non, profites en, je lui assure d'un ton qui se veut joyeux.
Rayonnante, elle ferme rapidement la fermeture éclair de son sac pour le jeter sur son épaule. J'ai un léger pincement au cœur lorsqu'elle m'adresse un signe de la main en sortant de la salle, mais j'ignore si cela est dû au fait que je me retrouve seule, ou si c'est parce que c'est elle que Kyo raccompagne.
De leur côté, Shinichiro et Wakasa sont également partis sans demander leur reste. Je n'espérais rien, mais je ne peux m'empêcher de ressentir une pointe de déception.
Soudain d'humeur morose, je sors du lycée en traînant des pieds. Tu parles d'une fin de journée !
✧.* ✧ *.✧
Il est plus de minuit lorsque j'achève enfin mes devoirs. Au moins, j'aurais mon week-end de libre, et ça c'est bien plus précieux qu'un unique vendredi soir.
Ayant passé plusieurs heures assise, je me lève en m'étirant longuement, mais des bruits de moteur me coupent en plein élan.
Je repense aussitôt à la proposition de Wakasa faite quelques heures plus tôt à Shinichiro. Mon soupçon se confirme lorsque les mêmes moteurs rugissent une seconde fois, une dizaine de minutes plus tard.
Soit c'est un hasard, soit c'est voulu. Connaissant l'admiration éperdue de Shinichiro pour ma mère, la deuxième option est malheureusement la plus probable... Encore faut-il qu'il s'agisse bien de lui.
Obéissant à un coup de tête, je décide d'enfiler une veste avant de sortir juste devant chez moi pour en avoir le cœur net.
En m'avançant de quelques pas vers le portillon du jardin, l'air frais et agréable de la nuit m'enveloppe. Au-dessus de ma tête, les étoiles s'étendent à perte de vue. Même si les motos et leurs conducteurs ne repassent pas, je n'aurais pas perdu de temps... L'ambiance apaisante de l'extérieur contraste parfaitement avec l'atmosphère lourde et renfermée de ma chambre.
De longues minutes s'écoulent ainsi. Puis, pour la troisième fois, des moteurs viennent briser le silence.
— Shin' ! s'exclame alors une voix au loin. Il n'y a pas quelqu'un devant la maison ?
Je sursaute en voyant Shinichiro et son pote arriver en trombe juste sous mon nez. Ils freinent brutalement, puis Wakasa éclate d'un grand rire.
— Ahah, je crois que tu t'es fait cramer !
Je fusille Shinichiro du regard. À vrai dire, j'aurais voulu que mes doutes soient infondés et que ce ne soit que des gens lambdas qui profitaient de la soirée.
Le fait qu'il repasse plusieurs fois devant chez moi, c'est franchement dérangeant. Ce type ne se rend vraiment pas compte de ce qu'il fait.
Pas étonnant qu'il se prenne des râteaux par tout le monde...
— Alors comme ça, la fille d'Hana Takahashi était assise juste derrière nous en cours ? lâche Wakasa, plus à l'adresse de Shinichiro qu'à la mienne. Pourtant, elle n'est pas rousse.
Je hausse les sourcils, interloquée. Ils se comportent comme des vrais stalkers !
— Comment vous savez que ma mère est rousse ? dis-je sèchement.
— Ben c'est connu, répond Wakasa sur un ton d'évidence. T'es sûre que t'es sa fille ? T'es vachement mal renseignée. T'avais raison Shin', ajoute-t-il en se tournant vers lui. Je ne m'attendais pas à ça.
En plus, ils font comme si je n'étais pas là maintenant ?
— Et si vous me disiez plutôt pourquoi vous repassez plusieurs fois devant chez moi ?
— Euh... c'est-à-dire que..., bredouille Shinichiro.
— T'es vraiment pas doué avec les filles, se moque Wakasa.
— La ferme, grommelle-t-il.
En les regardant se chamailler juste devant chez moi, je prends conscience du caractère étrange de la situation. Il y a à peine une semaine, est-ce que j'aurais pu imaginer que deux de mes camarades de classe fassent exprès de passer dans ma rue avec leurs motos ?
J'ai bien conscience que c'est la popularité de ma mère au sein des gangs de Tokyo qui les a poussés à faire ça, mais tout de même...
— Bon, on se taille ? conclue Wakasa en redémarrant sa moto.
— Vas-y, je te rejoins.
Il me lance un regard en biais avant de s'en aller (non sans un sourire moqueur), laissant Shinichiro seul avec moi.
— C'était cool de te croiser, dit-il après quelques secondes de silence.
— On ne s'est pas vraiment croisés, je corrige sur un ton de reproche.
Ce terme aurait été plus approprié si on s'était vus par hasard... Or, c'est loin d'être le cas. Je commence à regretter de m'être naïvement faite raccompagner par lui quelques jours plus tôt. Qui sait combien de fois il peut reproduire le petit manège de ce soir ?
Malgré ma voix légèrement cassante, il rit doucement et redémarre sa moto à son tour.
— On se voit lundi, me sourit-il. Bonne nuit, Takahashi.
Il accélère sans me laisser le temps de lui répondre, sa silhouette disparaissant dans la nuit noire.
Un brin perturbée, je reste plantée au même endroit pendant de longues minutes. Je suis incapable de mettre des mots sur l'aura qu'il dégage, mais une chose est sûre : c'est loin d'être commun.
Frissonnante, je tourne les talons pour retourner dans ma chambre, l'image du départ de Shinichiro encore étrangement gravée dans ma rétine.
— Bonne nuit, Sano.
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
Hayran KurguÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...