« Été 1997
J'entre dans le cimetière sous une chaleur de plomb. Loin au dessus de ma tête, le soleil brûle toutes les parcelles de ma peau découverte. Je ne regrette cependant pas d'être venue ; chaque 1er du mois, je rends visite à mon père quelle que soit la météo. Je n'ai jamais failli à ce rituel.
Je parcours rapidement les allées que je connais par cœur à force de les emprunter. Mes cheveux châtains commencent déjà à coller ma nuque lorsque j'atteins la tombe que je cherchais.
Silencieusement, j'échange la rose fanée du vase contre celle que je tiens dans la main avant de m'assoir sur les pavés blancs. Au contraire de la température d'aujourd'hui, cette pierre tombale me paraît si froide...
— Je suis revenue, comme prévu, je murmure alors.
Comme tous les mois, je me sens parfaitement idiote à parler dans le vide, face à tout ce qu'il reste de mon père. Mais quelque part, j'espère toujours qu'il m'entend lui apporter des nouvelles. C'est probablement bien naïf de ma part, mais je ne peux pas m'empêcher d'y croire.
— Maman va de mieux en mieux, je poursuis. Je ne pense pas qu'elle se remette en couple, je te rassure ! Mais elle recommence à rayonner, comme avant... Tu t'en rappelles ? Quand j'étais petite, on avait toujours l'impression qu'un soleil venait d'entrer dans la pièce quand elle revenait à la maison.
Je pousse un léger soupir.
— Moi, je ne sais pas trop si je vais mieux, je confesse. Ça fait bientôt 3 ans, mais je crois qu'on ne pourra jamais combler ton absence, quoiqu'on veuille se faire croire... Quand on se met à table, ta chaise est toujours aussi vide. Et ton vieux tourne-disque prend de plus en plus la poussière, je devrais m'en occuper...
J'ai l'impression que la chaleur s'accentue davantage lorsque je renifle. J'aurais voulu rester un peu plus longtemps, mais il faut que j'abrège, sinon je risque de faire un malaise.
— Enfin, bref, je vais devoir te laisser. Je reviendrai peut-être plus tard, quand il fera moins chaud.
Je me relève avant d'épousseter ma jupe avec des gestes précipités. Quelle idée de s'obstiner à venir toujours à la même heure...
La tête me tourne un peu lorsque je prends le chemin inverse pour quitter le cimetière. J'accélère le pas sans regarder devant moi, pressée de trouver de l'ombre et surtout de la fraîcheur.
Comme il fallait s'y attendre, j'heurte brutalement quelqu'un, ce qui stoppe net ma course. Je ne parviens pas à maintenir mon équilibre et m'écrase lamentablement par terre.
— Merde ! s'exclame alors une voix. Désolé, je ne t'avais pas vue !
Je relève la tête tout en massant mon coccyx douloureux.
Un garçon aux yeux et aux cheveux noirs s'accroupit devant moi d'un air inquiet. D'après ses traits, il doit avoir à peu près mon âge. Je déglutis lorsque je constate qu'en plus de cela, il est parfaitement à mon goût.
— Tu vas bien ? demande-t-il d'un ton soucieux. Je ne t'ai pas fait mal ?
Il me tend alors sa main. Sans lui répondre, je la prends pour qu'il m'aide à me relever, et mes joues rosissent quand je croise son regard.
— Euh... Ça va ?
Il fronce les sourcils face à mon mutisme. Reprenant soudain mes esprits, je me dépêche de lui répondre :
— Oui ça va, j'ai juste un peu mal au coccyx.
C'est un euphémisme. En réalité, il me fait un mal de chien.
— Oh, je vois, rit-il. Excuse moi, je ne regardais pas où j'allais.
— Ce n'est rien, dis-je. Je ne faisais pas attention non plus.
Un silence s'installe entre nous, ce qui a le don de me mettre particulièrement mal à l'aise. Ne pouvant le supporter, je finis par lui lancer un vague « merci », puis passe devant lui pour partir d'ici le plus vite possible.
— Attends ! m'interpelle-t-il.
Faisant mine de ne pas entendre, je poursuis ma route sans me retourner. C'était déjà assez gênant de tomber aussi bêtement devant lui, inutile d'en rajouter une couche...
— Tu ne m'as même pas dit comment tu t'appelais ! continue-t-il sans relâche. Moi, c'est Shinichiro ! On a pas échangé nos numéros...
Malgré sa voix teintée de déception, je quitte le cimetière toujours sans regarder derrière moi. Ayant retenu mon souffle pendant tout ce temps, je relâche enfin l'air contenu dans mes poumons tout en espérant ne jamais le recroiser.
Mais une impression de l'avoir déjà vu quelque part vient ternir cet espoir. Je ne parviens pas à me souvenir où j'ai pu l'avoir rencontré auparavant, pourtant, quelque chose en moi me murmure que cette rencontre avec ce Shinichiro n'était ni la première, ni la dernière que je ferai...
Songeant que ma meilleure amie aurait peut-être la réponse à la question, je sors mon téléphone de la poche de ma jupe avant de composer son numéro. Le portable qui glisse dans ma paume à cause de la moiteur de cette dernière me fait râler quand je le porte à mon oreille.
—Allô, Rin ? me répond la voix d'Aria Kobayashi à l'autre bout du fil.
— Ça va ? dis-je. Tu es toujours d'accord pour qu'on se voit demain ?
—Bien évidemment ! Mais c'est juste pour ça que tu m'appelles ?
J'ai un petit sourire. Elle a toujours su me comprendre sans que je dise quoique ce soit. Nous sommes amies que depuis notre première année du lycée, mais c'est comme si nous nous connaissions depuis toujours.
— Est-ce que tu sais si on connaît un Shinichiro ? je demande sans autre préambule. Un brun avec des yeux noirs...
—Bah..., fait-elle. Il est assit juste devant nous en cours, non ?
Je fais alors immédiatement le lien. Dans le feu de l'action, nous nous sommes pas reconnus.
Enfin, j'ignore si lui m'a déjà remarquée, mais pour ma part, je sais très bien qui il est. C'est le type qui se prend des râteaux à tout va par toutes les filles du lycée. D'après les rumeurs, il aurait même déclaré sa flamme une vingtaine de fois... sans succès.
—Pourquoi tu me parles de lui ? reprend Aria d'un ton qui laisse nettement transparaître son incompréhension. Tu flashes dessus ?
— Bien sûr que non ! dis-je d'un ton mécontent. Je te raconterai ça demain.
Elle ne cherche pas à en savoir davantage et raccroche.
D'ici la rentrée, il aura peut-être oublié qu'il m'a croisée dans ce cimetière pendant les vacances... Du moins, je l'espère de toutes mes forces.
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
FanfictionÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...