Le mois de septembre s'achève avec une météo plus que maussade. Au cours des semaines qui ont suivi le double rencard, l'amour entre Aria et Kyo ne paraissait que renforcé. De mon côté, je n'ai pas touché un mot à Aria du rendez-vous improvisé de Shinichiro ; sinon, je suis bonne pour des railleries à longueur de journée, et ce venant d'elle comme de lui.
Parapluie dressé au-dessus de ma tête, je me penche vers la tombe de mon père, échangeant la rose du mois dernier contre une chrysanthème. La pluie s'abat sans relâche sur moi mais un rituel est un rituel : je n'y couperai pas.
— Agité ce mois de septembre, non ? je murmure.
Un silence accueille ma question rhétorique.
— C'est... C'est ce Shinichiro Sano, j'avoue après quelques instants de réflexion. Depuis que je l'ai croisé en Août, il n'a pas arrêté de s'immiscer partout où il pouvait. Au début ça m'énervait, je savais qu'il tenait à se rapprocher de moi que pour voir maman, mais... Même si c'est le cas, je dois reconnaître qu'il m'a souvent sauvée du spectacle que m'offrent Aria et Kyo.
La pluie double d'intensité au fil de mes paroles.
— Qu'est-ce que je suis censée penser de lui ? Quand il le veut, il peut se montrer gentil et fiable. Mais la plupart du temps, c'est un gros looser. Enfin... si on oublie ce truc qu'il dégage en permanence quand il ne porte pas l'uniforme du lycée. Ce type n'est pas normal.
Je suis secouée d'un léger rire.
Depuis le jour où je l'ai rencontré, Shinichiro n'a jamais eu un comportement classique avec moi. Il ne sait clairement pas comment s'y prendre en société.
Mais lors de ces rares moments où nous n'étions que tous les deux... Ce n'était pas la même chose qui ressortait de lui.
— Dommage que tu ne sois plus là, je conclue d'un air triste. Tu aurais eu la réponse à mes questions.
Je reste immobile de longues secondes, regardant vaguement la pierre tombale. Un vide commence à se creuser de nouveau au fond de mon cœur, m'indiquant qu'il est temps de partir pour ne pas m'y laisser sombrer.
Pataugeant dans les flaques, je m'avance en direction de la sortie d'un pas traînant.
— Takahashi ?
J'ai un sursaut. Encore une fois, je ne regardais pas devant moi et ai failli heurter quelqu'un au passage.
— Sano ? je m'étonne. Qu'est-ce que tu fais ici ?
Nos regards se croisent et il sourit.
— Je viens voir mes parents.
— Tes parents ? je répète, déglutissant.
Il désigne la tombe se dressant devant lui d'un signe de la main. Les deux noms gravés dessus me confirment ses dires.
Famille Sano
Makoto Sano et Sakurako SanoLa compassion vient remplacer le vide qui s'était formé quelques minutes plus tôt.
Alors comme ça, Shinichiro est orphelin ? J'étais bien loin d'imaginer un truc pareil. Je n'ose même pas imaginer toute la souffrance qu'il a dû ressentir. C'est déjà difficile de perdre un parent, alors les deux... C'est admirable de sa part de tenir encore debout.
— Je suis désolée, je murmure, sans trouver quoique ce soit d'autre à dire.
— Ouais..., souffle-t-il. C'est comme ça. Et toi, alors ? relance-t-il après quelques secondes de silence. Tu viens voir qui ? Je suppose que tu ne te balades pas ici par hasard...
— Mon père, je réponds d'un ton las.
Il n'ajoute rien.
Mais j'ai cette sensation étrange qu'un lien invisible vient tout juste de nous unir dans la même douleur. Comme avec de ce regard échangé lorsque nous sommes entrés dans la patinoire délabrée, nous nous sommes compris sans rien dire.
— Sinon, Takahashi, t'es dispo ce soir ? reprend Shinichiro, plus joyeux.
Voyant que la pluie cesse enfin, je replie mon parapluie avant de lui répondre :
— Dispo pour ?
— Je t'avais dit que je t'emmènerai voir un rassemblement de mon gang. J'ai organisé une réunion ce soir.
— Je ne suis pas sûre que...
— Cool ! me coupe-t-il, souriant de toutes ses dents. Je viendrai te chercher dans la soirée.
Shinichiro tourne les talons sans me laisser le temps de répliquer, me laissant seule devant la tombe de ses parents.
— Eh ! je m'exclame, mécontente. Je n'ai jamais dit que j'acceptais !
Pour toute réponse, il m'adresse un signe de la main sans s'arrêter de sourire.
— Non mais vraiment ! je bougonne.
Je regarde la silhouette de Shinichiro s'éloigner en direction de la rue, indignée. Ce mec n'en rate vraiment pas une !
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
FanfictionÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...