3 ans plus tôt, plusieurs semaines après l'enterrement (1994)
Essoufflée d'avoir monté plusieurs étages, je pousse la porte qui mène au toit du collège. Un vent automnal, typique du mois d'Octobre, vient décoiffer mes cheveux, provoquant un frisson au passage. Je n'ai pas intérêt à traîner ici, sinon je risque de choper la crève.
Mon regard balaye rapidement les lieux avant de tomber sur Kyo, appuyé contre la barrière. Dos à moi, il n'a pas encore remarqué ma présence.
Le cœur battant à tout rompre, je m'avance vers lui. Dès l'instant où il m'a donné rendez-vous ici, j'ai su que quelque chose clochait.
— Je suis là, j'informe.
Il se retourne, me laissant alors l'occasion de voir son regard sombre.
— Je veux qu'on arrête ici, lâche-t-il d'un ton froid.
Un frisson qui n'a rien à voir avec la fraîcheur ambiante me parcourt le corps. J'écarquille les yeux de surprise, refusant d'admettre ce que je viens d'entendre.
— Tu m'as déjà fait cette blague pleins de fois, je souris.
— Ce n'est pas une blague, Rin. Nous deux ça ne mènera à rien.
Mon sourire fond comme neige au soleil. Je déglutis.
— Mais... Pourquoi ?
— Pourquoi ? répète Kyo avec un rire dénué d'amusement. Ça fait des mois qu'on se tient la main sans jamais aller plus loin ! On ne s'est même jamais embrassés ! Sans compter que t'es complètement ailleurs depuis 3 mois.
Cette remarque m'atteint en plein cœur. Passant de la tristesse à la colère, j'ai l'impression de sentir mes veines palpiter sous ma peau.
— Mon père est mort ! je m'exclame.
— Ce n'est pas une raison ! crache-t-il. Enfin quoi, Rin ?! C'est à peine si tu me regardes ! J'ai plus aucune petite attention de ta part !
— Et toi alors ? je m'emporte, les yeux débordants de larmes. Tu n'es même pas venu à son enterrement pour me soutenir !
Kyo pousse un profond soupir, signe clair qu'il me méprise. Comment peut-il me reprocher de ne pas être la même qu'avant ?
— Ça ne change rien, conclue-t-il. Je ne veux pas continuer cette relation. Enfin, si on peut appeler ça une relation.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Nous deux, c'était que dalle, dit-il d'un ton cassant. Je voulais y croire, mais au fond il n'y a jamais rien eu. Pas de petite étincelle, rien. Et arrête de chialer, soupire-t-il en s'apercevant de mes larmes. T'es bonne qu'à ça ces derniers temps, et il n'y a rien qui m'énerve plus que les chialeuses.
Incapable de soutenir son regard, je baisse la tête. Ses yeux qui m'ont pourtant toujours apporté douceur et réconfort... Si c'est pour y voir le dégoût grandir, je ne veux pas les voir.
D'un geste rageur, j'essuie mes larmes avec le revers de ma main.
Sans attendre de réponse de ma part, Kyo s'avance en direction de l'entrée du collège en prenant soin de me bousculer au passage.
— Va te faire foutre ! je m'écrie en me retournant vers lui.
Il s'esclaffe en tournant la poignée mais ne daigne pas à m'adresser un quelconque regard.
Claquant la porte derrière lui, je reste seule sur le toit, ballotée par les bourrasques de vent. Mes cheveux viennent s'accrocher à l'humidité que les larmes ont laissé sur mes joues.
— Connard, je bougonne pour moi-même.
Mais, quoique j'en dise, cette relation entre Kyo et moi était l'une des seules choses qui me permettait de garder les pieds sur terre depuis le décès de mon père. Comme si le vide avait attendu son heure, j'ai l'impression qu'il m'engloutit toute entière, à présent. Il n'y a plus que la haine et la rage qui viennent me confirmer que je suis encore capable de ressentir quelque chose.
Espèce d'imbécile... Je plains sincèrement ta future copine...
✧.* ✧ *.✧
Printemps 1996
— Rin ! s'écrie Aria, plus surexcitée que jamais.
Bousculant tout le monde sur son passage pour m'atteindre, elle arrive à ma hauteur puis enroule son bras autour du mien.
— Devine quoi !
— Quoi ? je souris, ravie de la voir d'aussi bonne humeur. Tu as eu des billets d'avion pour aller aux États-Unis ?
— Mieux que ça !
Elle marque une pause pour laisser monter le suspense. Ses yeux n'ont jamais été aussi brillants tant elle est heureuse.
— Je suis en couple !
— Tu ne m'en as même pas parlé ! je m'indigne faussement, amusée. C'est qui ? Comment il s'appelle ?
— Je voulais te garder la surprise, se justifie-t-elle en resserrant son étreinte. Il s'appelle Kyo, il est aussi en 2e année. On s'est embrassés hier !
Je sens mon visage se décomposer. Ma joie laisse la place à la plus totale des confusions. J'ose espérer qu'on ne pense pas au même Kyo...
— Kyo..., je répète en essayant de garder mon sourire. Kyo Kato ?
— Tu le connais ? s'étonne-t-elle sans pour autant se démonter.
Mon cerveau se met alors à tourner et retourner de multiples interrogations à toute vitesse. Est-ce qu'il faut que je lui dise de faire attention ? Ou est-ce que je dois lui raconter ce qu'il s'est passé entre lui et moi ? Ou même lui dire que je n'ai jamais vraiment oublié Kyo au cours de ces 2 dernières années ? Si oui, comment va-t-elle réagir ?
Pas très bien, à coup sûr...
Une image furtive d'une Aria déçue et dégoûtée surgit dans mon esprit à cette pensée.
Non... Je ne peux pas lui dire. Sinon, elle sera malheureuse et je perdrai ma meilleure amie. Je ne peux pas me résoudre à gâcher son bonheur, à éteindre cette lumière qui illumine chacune de mes journées.
— J'en ai juste entendu parler, dis-je finalement. Tu es sûre que c'est un mec bien, au moins ?
— Oh, oui ! acquiesce-t-elle. Je te raconte tout après les cours !
Je force mes lèvres à lui adresser un large sourire.
Mais après tout... Kyo et moi n'avons jamais été réellement en couple. Le prix à payer pour voir Aria heureuse n'est pas si élevé que ça.
Même si, parfois, je regrette de ne pas avoir tenté de le retenir sur le toit, ce jour-là. Peut-être que nous aurions pu construire quelque chose, qui sait...
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
FanfictionÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...