Comme une étoile (Shinichiro x OC)

9 : Double rencard ?

Une semaine s'est écoulée depuis que Shinichiro m'a raccompagnée à la sortie de la boîte de nuit. Au cours de cette dernière, il semblait avoir quelque peu lâché l'affaire avec moi, ne me gratifiant plus que de quelques regards ou sourires. 

Quand nous en avions l'occasion, on discutait un peu mais ça en est resté là. Ni l'un ni l'autre n'avons évoqué la soirée de samedi dernier. 

Sans savoir pourquoi, je n'en ai pas parlé à Aria, lui affirmant que j'avais fini par rentrer à pieds. À vrai dire, je souhaite garder pour moi ce semblant d'escapade nocturne avec Shinichiro. Contrairement à tous les autres souvenirs qu'il m'a laissé chaque fois où nous nous sommes adressé la parole, celui-là me paraît bien plus doux.

Je tourne la tête vers la fenêtre, regardant distraitement la pluie s'écraser contre la vitre. C'est un lundi matin bien maussade... Et en voyant Aria arriver dans la salle avec Kyo à ses côtés, j'ai l'impression que le ciel s'assombrit davantage. 

Tandis qu'elle arrive tout sourire, je jette un coup d'œil à la chaise de Shinichiro ; mais elle est vide. La faible étincelle d'espoir que j'avais s'éteint alors, comme si la brise fraîche de l'extérieur avait eu raison d'elle.

— Ça va ? me lance Aria d'un ton jovial en prenant place à ma droite.

J'évite soigneusement le regard de Kyo lorsqu'il s'assoit sur la chaise de Shinichiro. 

Je réponds positivement à Aria, essayant de sourire pour lui rendre sa bonne humeur. 

— Au fait, Aria, dit Kyo en se détournant enfin de moi, ça te dit d'aller à la patinoire ce weekend ? Tu m'avais dit que tu voulais y aller.

Le visage de mon amie devient alors si lumineux qu'il pourrait très bien faire office de soleil. 

— Tu t'en es souvenu ! s'exclame-t-elle, visiblement touchée. Rin n'aura qu'à venir aussi !

— Non c'est une sortie entre amoureux...

— Excuse moi ? me coupe alors une voix. C'est ma place, ici.

Je lève les yeux vers Shinichiro, qui fixe Kyo d'un air las, les mains dans les poches.

En le voyant, je me ravise au dernier moment de pousser un soupir de soulagement. Qu'est-ce qui me prend ?

Sans lui répondre, Kyo se lève pour venir se poster à la droite d'Aria. Mais étrangement, je me sens bien moins seule maintenant.

— Alors Rin, tu viens ? insiste finalement Aria. 

Mon regard s'oriente un instant vers la nuque de Shinichiro. Ses cheveux noirs frôlent le col de sa chemise. Cette dernière est légèrement froissée, ce qui lui donne une apparence un peu négligée. Tout le contraire de lorsqu'il porte la tenue de son gang...

Ce n'est que lorsque qu'il se retourne que je comprends que je suis restée bloquée sur lui bien plus longtemps que je ne le pensais.

— C'est une sortie entre amoureux, non ? je répète. 

Aria ouvre la bouche pour répondre, mais elle est aussitôt coupée par Kyo :

— Oui, ça sera comme un rencard. Juste tous les deux.

Il appuie sur ces trois derniers mots et je me retiens à grande peine de lever les yeux au ciel.

— Et si moi je viens avec Takahashi ? propose alors Shinichiro, affublé de son habituel sourire en coin. Double rencard, vous en pensez quoi ?

— Ça, c'est une très bonne idée ! s'extasie Aria.

Tandis que je me décompose, cette dernière me jette un regard amusé, très contente de l'intervention de Shinichiro. Si elle était déjà ravie de faire une sortie patinoire avec son amoureux, la proposition d'un double rendez-vous semble la combler de joie.

Bien que cette perspective ne me fait pas du tout envie, je ne proteste pas. D'un côté, il m'a sauvée d'une après-midi à tenir la chandelle, car Aria aurait insisté jusqu'à ce que je cède... Mais au prix d'un rencard avec lui ? Enfin, si on peut appeler ça un rencard. J'ose espérer qu'il n'a pas fait ça en pensant que c'était du sérieux. 

Tandis que mon amie se lève pour accompagner Kyo dans sa classe, Shinichiro défait sa cravate mal nouée pour essayer de la refaire plus correctement. 

— Pourquoi ? je demande sans autre préambule.

— Tu crois que je n'ai pas remarqué ce qu'il se passe quand son copain est dans les parages ? répond-il d'un ton bourru. Je suis peut-être idiot, mais je suis pas aveugle. Et cette cravate à la con ! s'agace-t-il en relevant les yeux vers moi. Tu peux m'aider ? Tu noues toujours bien la tienne. 

J'accroche son regard quelques instants. La bouche soudain très sèche, je prends les deux pans de sa cravate pour la nouer comme il se doit. 

Il me regarde faire en silence, esquissant un vague sourire malicieux.

— Vivement la fin du lycée que j'arrête de porter cet uniforme ridicule, soupire-t-il lorsque j'achève le nœud. 

— Je ne le trouve pas ridicule...

— Tu m'as bien regardé ? 

Je le détaille un moment avant d'étouffer un rire. 

C'est vrai qu'il n'a pas fière allure avec cette chemise mal repassée et ce pantalon trop grand pour lui. 

— C'est bien ce que je pensais, sourit-il. Mais je mettrai autre chose pour notre premier rencard, t'inquiètes pas.

Mon sourire s'efface aussitôt.

Donc il le pensait sérieusement ?

— Un rencard à la patinoire, Sano ? Avec Aria et Kyo en bonus ? Je pensais que tu faisais ça pour me rendre service....

— Ouais, approuve-t-il avec une pointe de moquerie. C'est vrai que j'oserais pas proposer un truc aussi naze pour un rendez-vous. 

— C'est pas faux, je concède.

Le professeur entre soudain dans la classe, ce qui contraint Shinichiro à se tourner de nouveau vers sa table.

Je jette un coup d'œil à la fenêtre ; la pluie a cessé et a même laissé la place à un faible rayon de soleil, perçant à travers la pâleur grisâtre des nuages. La météo s'accorde étrangement avec mes états d'âme, aujourd'hui...