— Mademoiselle Takahashi ? Vous êtes en train de piquer du nez.
Je sursaute si brusquement que je me cogne à la table. Le professeur me jette un regard amusé avant de poursuivre son cours, sous le ricanement de Shinichiro.
J'essaie tant bien que mal de me concentrer mais j'ai l'impression que mon esprit est envahi par une brume épaisse. Après la soirée mouvementée de samedi, le dimanche n'a pas été suffisant pour me remettre.
Aria est repartie le lendemain après-midi de sa venue, après que je me sois assurée qu'elle aille mieux. J'ai également insisté pour qu'elle ne vienne pas au lycée aujourd'hui afin qu'elle puisse se reposer. Même si elle veut faire bonne figure, sa tristesse est toujours perceptible et presque palpable. Après tout, on ne se remet pas d'une rupture en 2 petits jours...
La cloche sonne la fin des cours de la matinée. Dans le brouhaha habituel, quelques élèves quittent la classe en petits groupes tandis que d'autres sortent leur repas soigneusement préparé dans une boîte.
Shinichiro tourne alors sa chaise vers moi en posant son bentô sur ma table. Nous échangeons un regard avant de commencer à manger dans le silence. Ses yeux cernés m'indiquent que je ne suis pas la seule à être fatiguée.
— Elle va mieux ta pote ? demande-t-il finalement.
— Un peu, mais elle aura besoin de temps. Kyo l'a quittée.
— Sérieux ? s'étonne-t-il en haussant les sourcils. Pourquoi elle est aussi triste alors ? Elle a rien perdu, elle a tout gagné.
Sa remarque me fait souffler du nez. Il avale rapidement une bouchée de riz avant de reprendre :
— Si je devais être amoureux de quelqu'un comme lui, j'aurais déjà sauté du t...
— Rin ? le coupe une voix. On peut parler ?
Anxieux et préoccupé, Kyo me fixe en ignorant superbement Shinichiro. J'ose espérer que ce n'est pas pour me demander des conseils pour récupérer Aria... Si c'est le cas, il va repartir aussi vite qu'il est arrivé.
Shinichiro le détaille de haut en bas avec un air de profond mépris.
— Qu'est-ce que tu veux ? dis-je, froidement.
— Euh... Seul à seul, si possible, répond-il en s'adressant uniquement à moi.
— Tu peux dire ce que tu as à dire devant Sano.
Pris de court, Kyo se met à bredouiller des paroles incompréhensibles. Il ne s'attendait certainement pas à ce que je veuille que Shinichiro reste, et visiblement cela lui déplaît au plus haut point.
— Je suis désolé pour ce que je t'ai dit au collège, finit-il par grommeler.
— C'est un peu tard, je réponds d'un ton égal. Mais c'est gentil de t'excuser, merci.
Il hoche la tête mais ne bouge pas, les yeux résolument baissés vers le sol. De longues secondes s'écoulent dans un silence gêné. À croire qu'on l'a forcé à venir ici !
— Euh... C'est tout ce que tu avais à dire ? je relance.
— J'suis 'c're 'm'reux d'toi, lâche-t-il dans un grognement.
Je fronce les sourcils.
— J'ai rien compris.
— Je suis encore amoureux de toi, répète-t-il d'une voix plus distincte.
Shinichiro ouvre des yeux ronds tandis que j'éclate d'un grand rire. Mais face au regard vexé de Kyo, je comprends rapidement qu'il était en réalité très sérieux.
Aussi bien gênée par son aveu que par ma perte de contrôle, je sens mes joues s'empourprer.
— Tu te moques de moi ? dis-je.
Son silence apporte la réponse à ma question.
Mais quel idiot !
— Et tu pensais que j'allais te retomber dans les bras ? Alors que tu as volontairement fait du mal à Aria ?
— Ben..., bégaye Kyo, confus. C'est-à-dire que...
— Eh mec ? l'interpelle alors quelqu'un derrière lui. Tu gênes.
Il se retourne si brutalement qu'il manque de donner un coup à Wakasa. Ce dernier l'observe d'un air profondément ennuyé, comme s'il n'était rien de plus qu'un caillou sur sa route.
Kyo grommelle quelques mots avant de partir sans demander son reste. Il est si pressé qu'il donne l'impression d'avoir attendu que quelqu'un intervienne dans la conversation pour y mettre fin.
Je réprime un ricanement ; il est bien moins loquace en présence d'un autre garçon que lui.
— C'était qui ce tocard ? lance Wakasa en s'affalant sur une chaise.
— L'ancien copain de la pote de Takahashi, répond Shinichiro en refermant son bentô.
Il farfouille dans son sac pour en sortir deux taiyakis.
— T'en veux ? me propose-t-il en m'en tendant un, comme si rien ne s'était passé. Mon frère les dévore, alors tu devrais en profiter tant que j'en ai encore.
J'ai un sourire en prenant le gâteau en forme de poisson.
— C'est la brune ta pote ? reprend Wakasa. Ça veut dire qu'elle est célibataire maintenant ?
— T'es intéressé ? je demande, suspicieuse.
— Si l'occasion se présente..., répond-il simplement. Et moi, j'ai pas le droit à un taiyaki ? questionne-t-il à l'adresse de Shinichiro.
— À ta place je laisserai pas Waka' mettre le grappin sur elle, Takahashi, dit ce dernier, la bouche pleine.
— Eh ! Je te rappelle que j'ai eu plus de copines que toi !
Shinichiro a un rire en donnant une accolade amicale à Wakasa.
— Je déconne, sourit-il. Entre toi et ce mec, c'est le jour et la nuit.
— T'appelles ça un mec, toi ? Les gens qui fuient comme lui, j'appelle ça des lavettes.
Je les écoute échanger des railleries sur Kyo d'une oreille distraite.
S'il m'avait fait cet aveu quelques mois plus tôt, ma réponse n'aurait sans doute pas été la même. La présence de Shinichiro a permis à la discussion de prendre une toute autre tournure. Encore une fois, j'ai l'impression d'être submergée par une montée de gratitude pour lui.
Après notre rencontre dans ce cimetière, j'aurais payé cher pour disparaître de son esprit. À présent, je me demande si refuser tout rapprochement avec lui n'aurait pas constitué la plus belle erreur de ma vie.
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Comme une étoile (Shinichiro x OC)
FanfictionÉté 1997. Je pouvais m'attendre à tout, sauf à croiser Shinichiro Sano dans un cimetière. Réputé pour s'être pris une vingtaine de râteaux, je ne pensais pas que cet homme pourrait avoir un quelconque impact sur ma vie. Mais ça, c'était avant qu'i...