Mister Klaus

Chapitre 20 - Hazel

On y est, Noël est enfin arrivé. Je ne supporte plus Ethan, il se comporte comme un vrai gamin à l'approche des fêtes. Il a inondé l'appartement de décorations aussi kitsch les unes que les autres. Un sapin naturel qui jonche le sol de ses épines, des guirlandes rouges et or en profusion, à tel point qu'on ne voit plus le vert du sapin. Je vais faire une overdose. Je ne savais pas qu'il aimait autant cette fête. Cela a quelque chose d'à la fois mignon et d'effrayant. Il redevient un homme enfant alors qu'on est sur le point d'en avoir un. Je ne suis pas sûr d'avoir signé pour ça. Il est aussi excité qu'une puce, je ne sais pas si c'est l'accouchement imminent (bébé arrive dans un mois) ou le fait que nous allons fêter tous les cinq avec sa famille.

- Tu peux me passer l'étoile ma belle ? C'est le clou du spectacle. Avec ça notre sapin sera parfait.

J'obtempère et récupère l'étoile posé sur la table. On pourrait presque organiser un concours, je suis sûr qu'on gagnerait.

De mon côté, j'affiche une zénitude incroyable qui épate mes meilleures amies. Je me sens bien, Noël ne m'a jamais fait le moindre effet. Sauf quand je le passais avec Mister Klaus. Mais c'est du passé désormais. Selon la dernière échographie, bébé se porte bien. Et je sens que j'ai trouvé le père idéal pour l'élever.

Pour moi qui n'ai jamais eu de famille, ce Noël prend un sens particulier, une saveur douce-amère. Je vais construire mes propres traditions, je vais bâtir ma propre famille. Je n'aurai pas pu rêver mieux. Je ressens dans le coin de ma tête toujours ce petit manque, mais je compte sur le temps pour l'estomper.

Mon portable, posé sur la table basse du salon, se met à vibrer. C'est Sissi.

- Hé coucou poulette, ça va ?

- Oui, on est posé avec Ethan.

- Cool, nous on est sur le départ avec Jules, me répond Sissi. je ne vais pas te déranger longtemps, je voulais juste vous souhaiter de bonnes fêtes. On vous aime les amoureux !

- On vous aime aussi !, reprend Ethan perché au-dessus de mon oreille.

Je suis la plus heureuse, même un peu trop. Tant de bonheur, j'ai tellement peur que tout s'arrête. Ethan a été largement adopté par mes copines, encore plus lorsqu'elles ont su que nous allions être parents. Il me tarde de rencontrer à mon tour les parents d'Ethan, parce que c'est important pour lui, autant que le fait qu'il soit adopté par mes copines.

- Tu es prête bébé, on peut y aller ?

Le père d'Ethan a loué un chalet pour l'occasion. Ethan préférait passer le réveillon à la maison pour éviter le déplacement, mais la dernière écho l'a rassuré. Je peux me permettre cet aller-retour à la montagne. A condition que je reste alitée jusqu'à l'accouchement.

Ethan me devance et m'ouvre la portière :

- Installe-toi, on a un peu de route. On arrivera pile pour le repas. D'ici là, repose-toi. Tu peux dormir sur tes deux oreilles, je m'occupe de tout...

- Je sais, tu assures.

Je ferme les yeux, et contre toute attente, m'endors très vite. Mon esprit divague, et comme souvent, laisse le champ à des pensées négatives. Que je ne devrais plus avoir.

Je l'ai revu. Mister Klaus. Ou du moins, je l'ai entraperçu. C'était il y a un mois, alors que je m'autorisais une virée shoping avec Mia. On déambulait dans les boutiques à la recherche des vêtements neutres pour le bébé. Ethan et moi avons refusé de savoir le sexe et préférons avoir la surprise à la naissance.

Là, au milieu de la foule, je l'ai remarqué. Il avait énormément changé mais je saurais le reconnaitre, d'entre milles, même dans la pénombre. Son allure, sa démarche. Son charisme. Ce qui m'a attiré le plus lors de notre rencontre. Il portait une barbe et avait perdu du poids. Détail non moins important, il était aussi accompagné d'une femme d'âge mûr de qui il semblait très proche. C'est donc pour elle qu'il s'est éloigné de moi. Je savais que je ne faisais pas le poids du haut de mes 21 ans.

- Tout va bien ? m' a demandé Mia en remarquant mon état fébrile. On aurait dit que tu as vu un fantôme.

C'est exactement ça. Un fantôme.

- Non, c'est le bébé, il bouge, lui ai-je répondu pour la rassurer. On peut rentrer, ça tire un peu.

Je me suis éclipsé rapidement. Je ne voulais pas en voir plus. Mais au moins, cette vision aussi désagréable qu'elle ait été, m'a permis de tirer un trait de plus sur notre histoire. Ou peu importe ce qu'elle a été.

La voiture ralentie, on approche. J'ouvre les yeux et observe le paysage. Il est entièrement recouvert de neige, la vue est magnifique. L'endroit paisible. Parfait pour me reposer.

Ethan m'ouvre à nouveau la portière, me permettant de descendre.

- Ils vont t'adorer, tu verras, autant que moi...

Ethan passe à devant moi, je sens son sourire et son enthousiasme qui rayonnent. Il est heureux. Et je suis heureuse pour lui. Sa mère s'avance vers nous, les bras grands ouverts :

- Mon fils, tu m'as manqué. Viens embrasser ta mère.

Ethan rouspète un peu, mais se laisse faire. Puis Diane se tourne vers moi :

- Hazel, c'est ça. J'ai beaucoup entendu parler de toi. Je n'ai entendu que du bien, il me tardait de te rencontrer enfin. Mon fils te cache depuis si longtemps. Depuis trop longtemps.

- Diane, je suis heureuse de te rencontrer. Je sais à quel point cela est important pour Ethan. Je suis ravie de faire partie de la famille et de partager ce réveillon avec vous.

Je la serre dans mes bras, restant un peu sur mes gardes. Son visage ne me semble pas inconnu, mais je n'arrive pas à le resituer. Depuis la grossesse, ma mémoire me fait pas mal défaut. Ethan pose les bagages à l'entrée, et déambule dans le chalet visiblement à la recherche de quelqu'un.

- Ah, le voilà. Viens bébé, je te présente mon père, Connor.

Ethan s'avance vers moi, suivi de près par un homme dont le visage me semble bien trop familier. Cette démarche, cette barbe naissante, ses bras puissants, ses mains enfouies dans son pantalon, sa montre qui dépasse. Je suis incapable de bouger. Je suis choquée. L'homme qui s'avance vers moi perd son sourire lorsqu'il me découvre plantée à l'entrée. Là, près d'Ethan, se tient Mister Klaus. Ou plutôt Connor. En chair et en os. C'est impossible. Ethan ne peut pas être son fils...