Chapitre 25 Mister Klaus

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Ethan s'est installé en face de moi. On aurait dit qu'il n'avait dormi pendant deux jours. Ce qui était réellement le cas. Je connaissais celle qui était à l'origine de tout ça. Hazel. Elle m'avait mis dans le même état de délabrement. Ses propos ont confirmé que j'avais vu juste :

- Elle est partie. Elle a pris tous ses effets, et elle s'est barrée. L'appartement était vide lorsque je suis rentré

Je ne m'attendais à une réaction da sa part après notre entrevue, mais pas à ce qu'elle prenne la fuite. Savoir qu'Hazel erre dehors, dans son état, seule, ne me rassurait pas du tout. Le peu de monde qu'elle connaissait, elle s'en était détachée. Mais pour le moment, je devais gérer une autre priorité : Ethan se retrouvait en face de moi, et son état m'inquiétait en tant que père.

- Je suis désolé. Vraiment. Je sais à quel point tu tenais à elle. Comment tu sens ?

Ethan a pris le temps de répondre, laissant planer le pire scénario possible

- En fait, je suis soulagé. Même ravi qu'elle soit partie.

J'étais choqué. Sidéré. Je m'attendais à tout, vu son état, sauf à cette réponse. Qu'il soit triste ou en colère me paraissait logique. Evident surtout après une rupture. Mais qu'il en retire de la satisfaction.

- En fait, pendant tout ce temps, elle s'est bien moquée de moi. Elle m'a pris pour un con.

- Que veux-tu dire par là ?

- Tu savais qu'elle avait été escorte ?

- Non, je...

- Je n'aurai jamais imaginé moi non plus. Mais elle s'est trahie. Quelques jours après être rentrée de la clinique, elle a commencé à délirer dans son sommeil. Elle répétait des choses qui n'avaient ni queue ni tête. Dont un nom qui revenait inlassablement dans sa bouche. « Mister Klaus ». Son médecin m'a dit que le délire et les hallucinations ne faisaient pas partis des effets secondaires des médicaments qu'elle prenait. La vérité était ailleurs. Alors je me suis tourné vers ses copines pour savoir si ce Mister Klaus existait, si elles en savaient plus. Si Mia m'a assuré ne rien savoir en voulant la couvrir, Sissi en revanche a été plus « bavarde » et a tout balancé. C'est là que j'ai su. Elle s'était gardée de me dire qu'à côtés de ses boulots de serveuse ou de baby sitter, elle officiait aussi en tant qu'escorte, ce qui lui rapportait bien plus d'argent que ces autres jobs. Elle qui répétait à qui veut l'entendre qu'elle refusait de se faire entretenir par un homme. La bonne blague...

Ethan lance un rire amer, caustique qui me glace le sang.

- Pour revenir à ce fameux Mister Klaus, j'ai appris que c'était le nom de son client, son unique client qu'elle fréquentait depuis trois ans une semaine par an. Et tu connais la meilleure ?

Je fais non de la tête, le laissant poursuivre son histoire dont je redoute déjà l'issue.

- Si au début leur histoire était purement platonique, elle est devenue plus physique il y a quelques mois. Elle a couché avec lui, alors que nous sortions déjà ensemble. Elle s'est offerte à lui deux jours avant qu'on ne couche ensemble. Du coup, je me pose des questions quant à l'identité réelle du père de l'enfant qu'elle portait.

Je me la suis posée aussi fils. Et mes doutes ont entraîné la perte d'Hazel.

- Effectivement, on peut s'interroger.... Mais connais-tu l'identité de ce Mister Klaus ?

- J'ai cherché à le savoir figure-toi. Pour le retrouver et lui casser la gueule. La moindre des choses que méritait mon rival. Mais Sissi ne l'avait jamais rencontré. Elle savait juste qu'il était plus âgé, quinze ans de plus qu'elle pour être exact, soit 37 ans. Qu'il était assez riche pour l'amener en Laponie ou La Barbade, assez influent pour réserver une suite hors de prix dans un hôtel cinq étoiles.

- Effectivement, ce n'est pas donné...

- N'est-ce pas ? Je menais mon enquête depuis une semaine sans résultat, jusqu'à ce que je me rappelle d'un détail, insignifiant pour moi à l'époque, un indice de taille que j'avais vu chez toi, lorsque tu m'avais généreusement hébergé. Un détail qui a pris toute son importance en écoutant Sissi parler. Dans ton bureau, que j'ai visité, il y avait des photos qui trônaient, un peu comme des trophées. Sur l'une, une photo d'une plage de sable blanc, marquée Noël à la Barbade 2021, et sur l'autre celle d'un rêne, intitulée Noël en Laponie, 2020...Etrange coïncidence, n'est-ce pas ?

Je commence à le sentir de plus en plus mal à l'aise. L'étau se resserre autour de moi. Ethan se rapproche doucement mais lentement de la vérité. Une partie de moi veut qu'il m'achève là, maintenant. Je ne peux plus de ce pseudo suspense.

- Je me suis rappelé également à quel point Hazel était troublée après t'avoir rencontré. A l'époque, j'ai mis ça sur le compte de l'émotion, de la grossesse. Mais il n'en était rien, parce que les coïncidences n'existent pas. Tout s'est emboîté dans ma tête, l'équation s'est résolue d'elle-même. Pendant des mois, j'avis le coupable devant moi et je ne savais rien. En fait, elle te connaissait déjà, mais ignorait que tu étais mon père. Elle ne s'attendait pas à ce que son Mister Klaus devienne aussi son beau-père... Qu'en penses-tu papa ?

Papa. C'est la première fois qu'il m'appelle ainsi. Et quelque chose me dit que ce sera la dernière. Son ton transpire le cynisme. La condescendance. Le mépris. J'abat mon jeu, tapis, il m'a eu.

- Que veux-tu que je te réponde ?

- Rien, il n'y a rien à répondre...Et je ne supporterais surtout pas que tu me sortes un énième bobard. Les gens ne changent pas visiblement. Je vais te donner un conseil, non pas de fils à père, mais d'homme à homme, si tant que tu en sois un : Ce soir tu ne rentreras pas rejoindre maman. Et demain, alors qu'elle se demandera où tu as passé la nuit, je lui répondrais que tu ne reviendras pas. Que tu ne reviendras plus. Je vais élever l'enfant qu'elle porte comme un grand frère et comme le père que tu ne seras pas pour lui. Après tout, nous avons l'habitude. Nous avons grandi vingt-deux ans sans toi, nous pouvons très bien continuer à vivre sans toi.

Sur ces dernières paroles, Ethan se lève et disparaît dans la nuit.

J'ai senti une violente douleur dans la poitrine, comme une crampe qui me compressait le cœur. Je me suis réveillé d'un coup. Dans mon lit. Ames côtés, Diane dormait à poing fermés. Mon dieu....

Mister KlausOù les histoires vivent. Découvrez maintenant