Mister Klaus

Chapitre 15 - Mister Klaus

Il est 22 heures lorsque j'éteins enfin mon ordinateur. Je ne compte plus mes heures en ce moment, je commence toujours plus tôt, et je termine toujours plus tard. Chaque jour, je repousse davantage mes limites. C'est plus que jamais ma nouvelle drogue, ma nouvelle addiction. Celle qui me fera oublier mes problèmes et fera défiler le temps.

Mon téléphone vibre soudainement sur mon bureau. Contre toute attente, c'est son numéro qui s'affiche.

- Connor, c'est moi.

Ethan. Je lui ai laissé une carte de visite en lui signalant que ses dettes étaient réglées et qu'il n'avait plus à s'en faire.

- Bonsoir Ethan.

- Je voulais te remercier pour ce que tu as fait. Même si tu n'étais pas obligé de..

Je soupire. Cela me rappelle quand Hazel s'est faite « draguer » dans cette boîte de nuit. J'effleure mon poing droit en souvenir de mon intervention musclée face à ce petit con. Ces jeunes pensent tous pouvoir se débrouiller seuls. Ils attirent les problèmes sans se douter des conséquences.

- Vois-le comme un service. Comment tu vas ? Tu appelles juste pour me remercier ?

- Non.. enfin pas que... j'ai un autre problème. On peut se voir ce soir ?

Un autre problème... Je ressens encore la douleur des coups de poings de Don sur mon torse. J'espère que ces problèmes sont d'un autre ordre.

- Bien sûr, dis-moi où tu es, je te passe te prendre.

- Station Marshall. Merci.

Il est aussi direct que moi dis-donc. Bien, c'est un premier pas. Il m'appelle par mon prénom. J'aime assez. C'est mieux que rien, je prends ce qu'il me donne. Je pousse un soupir de soulagement et ramasse mes affaires personnelles. Il a répondu, enfin, il a donné signe de vie. Cela fait trois semaines que j'attends ce moment.

Je le trouve assis dans un arrêt de bus. C'est la première que l'on va se voir en vrai. Stressé, je ralentis et m'arrête à sa hauteur :

- Tu montes ?

Il paraît surpris, visiblement. J'ai beaucoup maigri ces derniers temps. Je ne prends plus soin de moi, me contentant de me noyer dans mon boulot. J'affiche une barbe de cinq jours, et je ne suis pas allé chez le coiffeur depuis un moment.

- Tu veux qu'on aille boire un verre quelque part ?

- Ça me va.

Un père. On ne naît pas père, on le devient. Je suis devenu père d'un jeune homme de 22 ans il y a peine deux mois. Je ne sais pas comment on fait, je ne sais pas ce que je dois dire. J'ai du bagout dans les affaires, je vais me contenter de la jouer au culot. J'avais lu quelques bouquins sur la parentalité avant d'essayer de le contacter. Masi ça m'a vite enervé. Je suis dépassé, quoique je fasse, je serai un vieux con à ses yeux.

Nous nous sommes arrêtés dans le premier bar du coin ouvert à cette heure. Une bière, ce serait bien. J'en avais grand besoin.

- Je paye ma tournée, c'est pour moi.

Je dis n'importe quoi, même si cela paraît évident. Tout en l'attendant, je l'observe de loin. Il a l'air agité, pas dans son assiette. Preuve en est, il consulte son portable toutes les deux minutes. Son regard perdu dans le vide témoigne de sa préoccupation.

- Alors ? dis-je en posant nos pintes sur la table.

J'aurai dû m'asseoir plus confortablement, car à peine installé, il m'assaille de questions :