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Le temps était passé à une vitesse absolument affolante jusqu'au départ d'Achraf pour le Qatar, le jeune homme avait quitté l'appartement il y a quelques jours en me laissant un trou béant à la place du cœur car je savais qu'au delà de ce mois de compétition, notre colocation s'arrêtait là puisqu'il ne reviendrait pas. Tout était acté avec Hiba, il récupérait son appartement dès son retour alors que celle qui avait partagé sa vie avait déjà commencé a emménagé près d'ici pour ne pas séparer les enfants de leur père. Je m'étais assise sur mon canapé face à la télévision éteinte en ressassant les trois semaines qui venaient de s'écouler avec le sentiment de ne pas avoir assez profité de toutes ces heures seule avec mon ami. Les remises en question avaient occupé la majorité de mon temps, mes relations avec les hommes avaient été au centre des discussions avec la psy qui me suivait et la reprise de mon traitement s'était avéré inévitable pour aller de l'avant. J'avais réussi à me détacher de la douleur qui m'avait été provoquée par la déception causée par Neymar, j'avais réussi à me détacher de l'omniprésence de Kylian dans mon esprit et pour la première fois depuis une éternité j'avais réussi à me convaincre moi même qu'être seule était la principale solution à mes soucis. Alors voilà que j'étais face à moi même, réellement, retrouvant mon train de vie d'il y a quelques mois lorsque je n'avais qu'Elio pour m'accompagner dans mon quotidien. Ce soir le Maroc jouait son premier match, j'étais impatiente de voir mon ami sur le terrain, revêtant le maillot national pour espérer aller au bout de son rêve car cette compétition était son objectif ultime de ce que j'avais cru comprendre. Je m'étais occupée tout l'après-midi comme j'avais pu, j'avais commencé par aller faire des courses car mon frigo était définitivement trop vide pour me remplir l'estomac sur du long terme puis j'avais remis de l'ordre dans mon appartement que j'avais laissé à l'abandon depuis le jour du départ de mon colocataire. J'avais été triste de son départ mais finalement j'avais préféré en tirer du positif en me disant qu'il m'était nécessaire de retrouver mon cocon pour moi seule, j'avais compris qu'il fallait que je cesse de me reposer sur les autres si je voulais aller mieux et étonnement ça avait marché, je ne m'étais jamais sentie si bien et si vivante. J'avais l'impression d'enfin être dans un havre de paix depuis que j'avais commencé à fonctionné comme ça, j'avais décidé d'avoir peur également, peur de croiser François, peur de confronter mes parents, peur d'être seule dans la rue ou de rentrer chez moi, le travail que j'avais fourni portait ses fruits et j'étais fière de moi. Évidemment je n'étais pas seule continuellement, Elio était toujours là, au sens propre d'ailleurs puisqu'il venait de frapper à ma porte, bien déterminé à regarder le match à mes côtés pour soutenir le marocain même à quelques milliers de kilomètres. J'avais ouvert la porte, le cœur léger, un sourire scotché aux lèvres.

-J'ai ramené des pizzas !

Et effectivement l'italien avait deux boîtes en main, elles me paraissaient énormes, je l'avais remercié et l'avais aidé en le débarrassant de tout cela pour qu'il puisse s'installer correctement. Il n'avait pas hésité une seconde avant de plonger sur le canapé. J'avais sortie de quoi boire pour accompagner le repas puis je m'étais installée à ses côtés.

-La France a joué hier, m'avait dit mon ami, Kylian a marqué. Ils ont gagné.

-Tant mieux pour lui.

-Tu n'as pas regardé ?

-Plutôt mourir, sincèrement. Je crois qu'il est encore trop tôt pour que je vois son visage. Je l'oublie doucement mais sûrement.

-Aucun patriotisme...

Il avait soufflé, faussement agacé, alors que j'avais ris en montant le son de la télévision puisque les hymnes venaient tout juste d'être entonnées. J'avais observé chacun des visages jusqu'à ce que celui d'Achraf apparaisse me faisant sautillé sur place.

KylianOù les histoires vivent. Découvrez maintenant