La Rose Assassine

46. Le téléphone et le mixeur

Karasuma : 

Je tournais la tête vers le bruit sourd. Irina, toujours sur le canapé, ramassait son téléphone en poussant des jurons dans une multitude de langues. Elle tapa rageusement ce qui ressemblait à un message. Puis se leva ensuite du canapé d'un bond comme si on avait recouvert ce dernier de morceaux de verre et se dirigea vers le comptoir de la cuisine.

- Irina, qu'est-ce que vous faites ?

Elle ne m'adressa pas un regard, ouvrit le mixeur, y balança son téléphone et le fit tourner dans un bruit assourdissant et désagréable. Une fois le téléphone devenu des miettes métalliques, la russe leva son regard vers moi, semblant soudain se souvenir que j'étais là.

- Quoi ? Vous avez jamais vu un téléphone au mixeur ?

- Malgré toute cette année passée à vous traquer, je n'avais jamais vu un de vos téléphones finir ainsi. Je les ai vus finir sous des bus, mangés par des chiens, et même passés à l'incinérateur... mais non jamais au mixeur.

J'étais soulagé de la voir rire à cette rhétorique. Peu importait ce qui avait fait tomber son téléphone, je la connaissais assez pour savoir que cette nouvelle, quelle qu'elle soit, l'avait fait paniquer.
Elle s'assit sur son bar en croisant les jambes. Je décidais de ne pas insister plus sur cet incident. Je la vis se gratter nerveusement le cou avant de saisir une bouteille. Pas de Vodka puisqu'elle avait fini cette dernière pendant ses règles. Elle en but quelques gorgées directement au goulot.

Tandis qu'elle se détendait tranquillement avec sa bouteille, je me décidais à cuisiner rapidement. Ce soir se serait soupe miso à la tomate. La recette familiale. Cette soupe me remontait toujours le moral après une mauvaise journée d'école. Ma mère me la préparait et plus tard, je la préparais à ma sœur pour qu'elle supporte ses traitements.

- Vous vous sentez prêt pour notre voyage à Osaka Karasuma ? me demanda-t-elle une heure plus tard alors que je servais le repas.

- J'ai survécu à notre voyage en Argentine, une fouine et Inferna, une virée à Osaka ne devrait pas être si difficile.

- Vous êtes vraiment un lumineux et un emmerdeur de première classe, vous savez ?

J'ignorais l'insulte. Avec une bouteille de scotch dans le nez, la russe avait les jurons faciles. Le repas se passa rapidement. Une fois Irina à table, elle avait mangé, pour ne pas dire dévorée, la soupe. Elle nous débarrassa. Pendant qu'elle lavait la vaisselle, je décidais d'occuper la salle de bain afin de me préparer pour la nuit.

C'est en sortant que je vis Irina debout sur une chaise, cherchant à atteindre un énorme bocal en hauteur. Qui jusque-là était resté pour moi inaperçu.

- Irina, qu'est-ce que vous faites ?

Surprise, elle manqua de tomber et alors que j'allais me précipiter vers elle, effectua une figure acrobatique pour se rattraper sans dommage. Ni pour elle ni pour le bocal qui était sa cible.

- Bordel de cul en nouille d'abruti de cloporte lumineux ! Vous m'avez fait peur ! s'énerva-t-elle en posant le lourd bocal sur la table.

- Qu'est-ce que c'est donc que ces pilules Irina.

- Parce que vous êtes mon père maintenant, M. l'agent du gouvernement ?

- Non. Mais, habitant ici temporairement, j'estime être en droit de savoir.

Elle soupira. Son doigt vient de lui-même attraper le bout de ses mèches blondes pour jouer avec. Je me détournais, ne m'attendant plus à une réponse de sa part quand sa voix résonna dans mon dos.