Chapitre 4 - Partie 1

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Cela faisait maintenant une semaine que la vie d'Alice et Adam avait repris un cours normal. Le garçon retournait à l'école en bus, faisait de nouveau ses petites sorties (avec tout de même l'obligation de prévenir sa sœur) et ramenait des résultats scolaires plus que satisfaisant. Alice, elle avait repris sa routine : s'occuper de son frère, travailler, manger, dormir. Assise à son bureau, elle réfléchissait au rythme de sa vie, à la répétition fatigante de chacune de ses journées. Elle ressentait la lassitude de cet enchainement de banalités sans le moindre sens. Son seul objectif dans la vie était de protéger son frère coûte que coûte mais elle n'avait pas le moindre objectif la concernant elle-même. Elle n'avait pas d'amis, ne faisait pas de rencontres, bref, elle commençait à réellement se sentir seule et déprimée. Elle devait absolument trouver un moyen de se sortir de cette routine sauf qu'elle ne savait pas de quelle manière s'y prendre... Tout à coup, la sonnerie de son téléphone portable retentit, l'extirpant de ses pensées en sursautant. L'écran affichait le nom de Semal.

- Oui allô, dit-elle en mettant l'appareil à son oreille.

- Alice, excuse-moi de te déranger mais j'ai un petit souci vis-à-vis d'Adam...

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Dis-moi tout ! s'écria Alice soudainement sur le qui-vive.

- Je suis dans le bus et je vais devoir partir mais Adam n'est pas monté. Il discute avec un homme, expliqua le chauffeur.

- Quel homme ? grogna la jeune femme.

- Je ne sais pas. Je ne l'ai jamais vu.

- A quoi ressemble-t-il ? s'agaça la policière.

- J'en sais rien moi ! Il est plutôt grand, des longs cheveux bruns en bataille, une barbe... On dirait presque un clochard.

- Gordon... marmonna Alice qui sentait la colère grimper en elle. Ne bouge pas ! J'arrive tout de suite !

- Mais je...

- Ne bouge pas ! ordonna-t-elle en raccrochant le téléphone.

La jeune femme quitta son bureau sans rien dire à personne. Elle se contenta de prendre les clés de son véhicule et passa comme une furie devant Luca. Ce dernier qui prit son blouson et la suivit vers l'extérieur. Alice avait déjà démarré le véhicule et s'apprêtait à reculer quand son coéquipier s'installa sur le siège passager.

- Je peux savoir ce que tu fais là ? s'énerva la policière.

- Quand je te vois partir comme une tornade, je sais que c'est parce qu'il y a un souci et je veux t'aider.

- Oh et puis merde ! Je n'ai pas le temps de discuter avec toi, ronchonna-t-elle en mettant le pied au plancher. T'as bien choisi ton moment pour arrêter de faire la gueule.

Charlie Gordon... Alice avait fait des recherches à son sujet : il était blanc comme neige. Mais ça ne signifiait pas pour autant qu'il n'avait rien à cacher. La preuve, il lui avait menti, elle le sentait dans ses tripes ! Il avait beau leur avoir sauvé la vie à elle et son frère, elle n'accordait pas sa confiance aux menteurs et cet homme faisait clairement parti de cette catégorie. S'il osait toucher, ne serait-ce qu'un seul cheveu de son frère, elle le réduirait en miettes ! La jeune femme arriva devant l'école en moins de deux minutes. Le bus démarra sans attendre quand il vit la voiture de police arriver. Sémal l'avait donc écouté malgré les ennuis que cela pouvait lui apporter, elle devrait le remercier. Elle repéra de suite Adam en train de discuter avec le soi-disant jardinier. Alice se gara à cheval sur le trottoir et serra si fort son frein à main qu'elle faillit l'arracher.

- Oula, ça va chier, marmonna Luca en découvrant la raison de la colère de sa partenaire. C'est qui ce type ?

Alice ne prit même pas la peine de lui répondre, elle sortit de la voiture et s'avança d'un pas déterminé en direction de son frère, Luca sur ses talons, prêt à réagir au moindre dérapage.

- Adam ! s'écria Alice en arrivant près de son frère. Je peux savoir ce que tu fais encore ici ? N'étais-tu pas censé être dans le bus ?

- Si mais j'ai rencontré Charlie, se justifia le garçon. Tu te souviens c'est celui qui...

- Je sais très bien qui est monsieur Gordon, Adam ! l'interrompit sa sœur en jetant un regard noir à l'homme en question.

Elle le toisait de haut en bas, mâchoires serrées, prête à exploser. Il allait devoir lui fournir une excellente explication sur la raison de sa présence ici, avec son frère...

- Je suis ravie de te revoir Alice, s'exclama l'homme, un sourire jovial aux lèvres.

- Moi pas monsieur Gordon ! Adam, reprit-elle en tournant de nouveau son regard vers son frère, tu devais prendre le bus tout de suite après l'école pour aller observer les papillons à la lisière de la forêt. Tu n'as pas tenu parole !

- Je suis désolé Alice, Charlie est venu à ma rencontre à la sortie de l'école, je voulais seulement me montrer poli avec lui, s'excusa Adam.

- Et je ne t'ai jamais appris à ne pas parler aux inconnus ? poursuivit sa sœur sans même prendre en compte ce qu'il venait de lui dire.

Elle se laissait dominer par la colère et l'inquiétude, sentiments qui ne se dirigeaient pourtant pas vers son frère mais dont il faisait malgré lui les frais...

- Si bien sûr, mais techniquement, il n'est pas vraiment un inconnu... marmonna le garçon en regardant ses chaussures.

- Pardon ? s'exclama Alice. Tu ne serais pas en train de te moquer de moi ?

- Si je peux me permettre...

- Non monsieur Gordon ! l'interrompit Alice. Je ne vous permets pas ! Adam, vas m'attendre dans la voiture avec Luca !

- Quoi ? s'étonna l'enfant.

- J'ai dit, va dans la voiture ! insista sa sœur.

- Mais pourquoi ?

- Parce que je suis ta sœur et que je te le demande !

- Bah justement, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, tu es ma sœur, tu n'es pas ma mère ! Et puis j'en ai marre ! Tu ne me fais jamais confiance et tu juges toujours les gens sans chercher à les connaître ! s'énerva Adam. Je te déteste !

Un silence s'installa. Alice venait de se prendre une grande claque au visage, mais elle n'était pas du genre à se laisser démonter. Elle n'allait sûrement pas montrer à monsieur Gordon que cette remarque l'avait blessé. Elle ravala les larmes qui lui montaient aux yeux et reprit la parole sur un ton sans appel.

- C'est bon ? Tu as terminé de t'exprimer ? Ça t'a fait du bien ? Parfait, maintenant tu files tout de suite dans cette voiture !

Adam poussa un cri de frustration et tourna le dos à sa sœur pour aller dans le véhicule. Il savait que sa seule intention était de le protéger, de veiller sur lui, mais parfois, elle l'étouffait. Sa pensée binaire : tout noir, ou tout blanc, limitait ses interactions, ses pensées tandis que lui voyait la vie de mille et une couleurs. Difficile de se comprendre dans de telles conditions. De son côté, Luca hésitait, suivre le garçon, rester pour soutenir Alice ? Mais un regard de la jeune femme suffit à lui faire comprendre ce qu'elle attendait de lui et il rejoignit la voiture. 

Le Livre de ThémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant