Chapitre 23 - Partie 1

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Le lendemain, à quinze heures pile, Alice faisait déjà le pied de grue devant le bureau de l'accueil. La secrétaire, qui venait tout juste de s'absenter pour répondre aux demandes d'un citoyen, réveillait l'impatience de la jeune femme. Il y avait encore tellement de détails à régler avant ce soir, elle ne souhaitait pas perdre une seule seconde. Malheureusement, elle ne possédait aucun pouvoir sur l'efficacité du personnel de la mairie. Profitant de l'attente pour étudier avec attention les modifications apportées au bâtiment lors des récents travaux, elle constata non seulement que le vieux sol carrelé d'un jaune terne et tout fissuré avait été remplacé par de grands carrés de carrelage blancs illuminant le hall, la peinture défraîchit refaite dans des tons gris clairs, et que dire du bureau de l'accueil... La grande classe ! Visiblement, la ville voulait à présent jouer dans la cour des grands. Dommage que ce genre d'investissement ne profite pas aussi au commissariat. Le plafond fissuré menaçait à chaque instant de leur tomber sur la tête et on s'amusait à parier sur le moment où les toilettes vomiraient une nouvelle fois leur contenu dans le hall...

La secrétaire, une femme d'une quarantaine d'années aux cheveux bruns coupés au carré revint alors avec une gigantesque pile de documents dans les bras qu'elle laissa tomber lourdement sur le magnifique bureau. Honte à elle ! Si on lui fournissait un matériel de si belle qualités, Alice en prendrait bien plus soin ! L'employée de mairie tendit un stylo à l'homme lui faisant face et commença à indiquer les nombreux endroits où il devait parapher et signer. Cette paperasse allait leur prendre une éternité voir plus et la policière n'avait pas autant de temps devant elle. Déterminée, elle s'avança jusqu'à se trouver à côté de l'homme au crâne dégarni et au visage marqué par de nombreuses années de travail heureusement terminées.

- Excusez-moi...

- Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué, je suis occupée, l'interrompit la secrétaire d'un ton cassant sans même la regarder.

Interloquée, la policière resta muette pendant quelque seconde. Pour qui se prenait cette mégère ? Personne ne lui avait appris la politesse ?

- Et moi je suis pressée, rétorqua Alice qui contenait la colère qui affluait du tréfonds de ses entrailles.

Elle ne préféra pas imaginer de quelle façon la situation aurait pu tourner si Charlie avait dû venir lui-même.

- Ce n'est pas mon problème, répliqua la harpie tout en continuant de l'ignorer du regard.

- Ecoutez, je dois seulement récupérer les clés de la salle paroissiale. Cela ne prendra que quelques secondes, insista la jeune femme qui tentait de rester polie malgré ses émotions qui bouillonnaient.

- Je vous ai déjà dis de patienter. Maintenant, reprenez votre place dans la file ou j'appelle la police.

- Et bien ça m'arrange, répondit Alice en fouillant dans la poche intérieure de son blouson avant de lui tendre fièrement son insigne, la police c'est moi.

Le teint de la secrétaire vira au cramoisi. Elle fusilla son interlocutrice du regard, enragée de s'être fait avoir. La tension entre les deux femmes se ressentait dans tout le hall au point que le pauvre homme qui attendait pour signer ses papiers se sentit mal à l'aise. Alice n'appréciait pas d'être la source de ce malaise, mais le caractère urgent de sa situation la confortât dans sa décision de faire accélérer les choses.

- Personnellement, je ne suis pas pressé, indiqua-t-il à la secrétaire.

Cette dernière ne réagit pas tout de suite, laissant planer le doute sur la décision qu'elle allait prendre. Pour autant, elle se rendit compte que plus vite elle satisferait les désirs de la policière, plus vite elle en serait débarrassée. Rageusement, elle ouvrit un tiroir à sa droite et en sortit un trousseau de clés qu'elle balança sans la moindre délicatesse sur le comptoir, qu'elle venait par ailleurs de rayer, et surtout sans adresser un mot à son interlocutrice.

Le Livre de ThémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant