Chapitre 6 - 2

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- Monsieur Gordon ? Mais qu'est-ce que vous faites ici ?

- Alice ? Je... Aïe !

Charlie, surprit par la présence de la policière, se redressa vivement. Il percuta le dessous de l'escalier sous lequel il s'était abrité.

- Bordel ! s'écria-t-il en se frottant la tête. Mais ça fait mal cette connerie !

- Est-ce que ça va aller ? s'inquiéta Alice.

- Oui, oui ne t'inquiètes pas pour moi ! Je vais seulement hériter d'une belle bosse...

- Qu'est-ce que vous faites là Charlie ? redemanda Alice qui se dandinait d'un pied sur l'autre pour tenter de se réchauffer à travers ses vêtements trempés.

- Je... Hum..., réfléchit-il.

- Et je vous préviens, inutile de me mentir ! Je n'ai pas vraiment envie de passer des heures sous la pluie à vous écouter raconter des bêtises.

- Bon très bien, admit-il. Monsieur Monet qui non seulement était mon patron mais aussi la personne qui m'hébergeait, m'a foutu à la porte il y a trois jours.

- Et depuis vous êtes ici ?

- Ici, ailleurs, tout dépend des opportunités...

- Il pourrait venir passer quelques jours à la maison ? intervint Adam qui s'était approché.

- Je croyais t'avoir dit de rester en arrière, s'énerva sa sœur.

- Mais Alice, il nous a sauvés la vie ! On ne peut pas le laisser là !

- Non, non je ne veux pas déranger, fit remarquer Charlie qui semblait réellement gêné à cette idée. Je me débrouillerais, ne vous inquiétez pas pour moi.

- Alice, s'il te plaît ! la supplia Adam sans écouter ce que disait monsieur Gordon.

La jeune femme ne savait plus quoi faire. D'un côté, sa conscience la poussait à accueillir l'homme chez elle, mais d'un autre, son âme de policière la poussait à la méfiance. Elle ne faisait pas confiance à ce Charlie... Et, en même temps, Adam avait raison... Lors de leur première rencontre, il leur avait sûrement sauvé la vie. Elle avait donc ; et elle détestait admettre cela ; une dette envers lui. Elle espérait seulement ne pas mettre Adam en danger avec la décision qu'elle venait de prendre.

- C'est d'accord ! Vous venez avec nous ! céda Alice. Mais attention, c'est momentané ! Juste quelques jours histoire que vous trouviez un travail et un logement.

- Tu en es sûre ? demanda le jeune homme.

- Oui, j'en suis certaine. Mais vous feriez bien de vous dépêcher avant que je ne change d'avis, poursuivit-elle en lui tournant le dos.

Elle partit au pas de course vers la voiture entraînant son frère avec elle. Le garçon la remerciait du regard mais elle n'y fit pas attention préférant se dépêcher de rejoindre le véhicule et de se mettre à l'abri de cette pluie battante. Charlie, lui, rassembla ses affaires le plus rapidement possible et les suivit. Une fois tout le monde installé, la policière démarra la voiture et prit silencieusement la route de la maison. Elle n'avait pas la moindre envie de parler. Elle réfléchissait encore à savoir si elle avait pris la bonne décision. Rapidement, son esprit se reconcentra sur madame Dubois. Son regard avait d'ailleurs dû changer puisque Charlie remarqua immédiatement son trouble.

- Tout va bien ? demanda-t-il.

- Oui très bien, répondit sèchement Alice.

- Les histoires de mensonges, c'est valable que pour moi ou pour toi aussi ? plaisanta-t-il.

- Ce ne sont pas vos affaires monsieur Gordon et je n'ai pas envie de vous en parler, soupira la jeune femme.

Ressentant la blessure dans le ton de sa voix, il n'insista pas plus. Autant éviter qu'elle ne se braque. Le traumatisme semblait important et il lui faudrait probablement du temps pour s'en remettre. Il observait attentivement la jeune femme, mais elle ne détachait pas son regard de la route comme si se concentrer sur son trajet lui permettait de mettre momentanément de côté ce qui lui faisait tant de mal.

Arrivés à la maison, Alice indiqua à Charlie la chambre d'ami qui serait la sienne le temps nécessaire. La pièce avait des couleurs sobres, uniquement composée de beige et de marron. Aucun élément personnel, pas un cadre, pas une photo. Un bulot aurait probablement plus de personnalité. La tête de lit en bois sculptée devait coûter une petite fortune. Les draps eux, étaient ornés d'arabesques dans les différentes teintes de marron. Alice lui montra ensuite la salle de bain, les WC et la cuisine. Elle ne prit pas la peine de lui faire voir sa chambre, ni celle d'Adam. Leur invité n'avait pas besoin de savoir où ils dormaient et elle voulait avoir le sentiment de garder tout de même un minimum d'intimité. Avide d'un peu de solitude, la jeune femme proposa à Adam de terminer le repas de la veille qui se trouvait dans le frigo. Elle l'embrassa délicatement sur le front en lui précisant de ne pas se coucher tard avant de rejoindre sa chambre. Le garçon, obéissant, sortit une assiette du frigidaire qu'il mit à réchauffer dans le micro-onde. Alors qu'il s'installait à table, Charlie, qui avait terminé de s'installer dans la chambre d'ami fit son apparition dans la cuisine.

- Ta sœur n'est pas avec toi ?

- Non, elle est allée se coucher.

- Et elle t'a laissé tout seul ?

- Vous savez Charlie, je ne suis plus un bébé, je peux me débrouiller tout seul. J'avais juste à me faire réchauffer mon repas, il n'y a pas besoin d'être adulte pour savoir utiliser un micro-onde.

- C'est vrai, répondit le jeune homme en souriant. Mais ta sœur m'avait l'air très protectrice, je pensais qu'elle était du genre à te préparer des petits plats et à te chouchouter. Oh, et tu peux me tutoyer.

- D'accord, accepta l'enfant en avalant une bouchée. Tu sais Alice est réellement comme tu l'as décrite avec moi, c'est juste qu'elle ne va pas très bien en ce moment...

- J'imagine que c'est ce qui a causé un léger conflit dans la voiture, ajouta Charlie en s'installant en face du garçon.

- Oui, une de ses affaires au travail n'a pas très bien tournée et elle se sent responsable.

- C'est-à-dire ?

- Je ne sais pas si je peux t'en dire plus, hésita le garçon. Si Alice l'apprend, je vais avoir des problèmes.

- Ne t'en fais pas, je ne lui en parlerais pas.

Adam se mordillait la lèvre... Est-ce qu'il trahirait sa sœur en parlant de cette situation à Charlie ? En même temps, il n'avait personne auprès de qui vider son sac, et tout cela commençait à lui peser sur la conscience.

- Une femme est morte chez elle il y a quelques jours et peu de temps avant, Alice avait enquêté là-bas pour tentative de cambriolage, lâcha finalement l'enfant. Le décès a été considéré comme accidentel mais Alice est convaincue du contraire. Elle pense avoir manqué quelque chose lors du premier incident et se sent coupable.

- Et, est-ce que tu sais pourquoi elle pense à un meurtre alors que tout le monde semble persuadé que c'est un accident ?

- Tu sais Charlie, soupira Adam dans une mimique qui rappelait étrangement sa sœur, malgré que je me débrouille sur plein de choses, je suis encore un enfant. Ma sœur ne me dit pas tout. Elle cherche à me protéger, expliqua-t-il avec le plus grand sérieux tout en débarrassant la table.

- Et elle a bien raison, sourit Charlie, surprit d'être attendri par l'attitude du garçon.

- Je sais. Je te laisse te servir à manger, moi, je vais me coucher.

- D'accord. Passe une bonne nuit Adam.

- Merci toi aussi ! s'exclama le garçon en quittant la pièce.

Charlie resta un petit moment à réfléchir dans la cuisine. Les histoires de meurtres étaient extrêmement rares à Marnaz. Qu'est-ce qui pouvait inciter Alice à penser à un crime ? Il ne perdit pas trop de temps à cette réflexion. Epuisé par ses dernières mésaventures, il préféra rapidement avaler quelque chose, prendre une bonne douche bien chaude et se coucher dans le lit douillet qui lui était réservé.

Le Livre de ThémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant