Chapitre 3 - Partie 2

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Elle le fixait, sourcils froncés et analysait son physique, son attitude, et le moindre de ses mouvements, du moins s'il osait en faire un. Lui, la regarda sans la moindre trace de peur dans ses yeux rieurs. On pouvait même lire un petit sourire narquois sur ses lèvres fines et ce malgré la barbe négligée qui lui mangeait en partie le visage. Négligé... C'était le terme pour décrire cet homme : cheveux bruns en bataille, jean délavé, tee-shirt noir décoloré, baskets trouées... La panoplie complète du « je suis un rebelle qui ne se lave qu'une fois par semaine ». Malgré cela, il semblait avoir un corps sculpté par les efforts physiques, une musculature qui ne laissait pas Alice indifférente. Finalement, l'ensemble lui donnait même un côté plutôt sexy. Elle rougit immédiatement à cette pensée. Non mais qu'est-ce qui lui prenait ? Elle se trouvait peut-être face à un homme dangereux et elle pensait aux lignes sensuelles de son corps. Et en plus de ça, il souriait, parfaitement conscience de l'effet qu'il produisait sur la jeune femme, ce qui eut le don d'agacer cette dernière.

- Je vous ai demandé de vous identifier, ordonna-t-elle en enfonçant un peu plus son arme dans la poitrine de l'homme.

- En réalité, il s'agit plus d'un ordre que d'une demande, plaisanta-t-il.

- Répondez ! insista Alice

- Charlie. Je m'appelle Charlie Gordon et je suis... Euh... Le jardinier...

- Le jardinier ?

- Oui c'est ça, affirma-t-il toujours en souriant.

- Vous n'avez pourtant pas l'air très sûr de vous, répondit-elle méfiante.

- C'est parce que c'est un nouveau travail. Je commence tout juste.

Le radar à mensonge d'Alice retentit dans son esprit : cet homme tentait de la mener en bateau... Mais il ne lui semblait pas méchant. Et puis, un jardinier pour entretenir ce terrain n'était pas une si mauvaise idée.

- Je vais décider de vous croire. Mais vous devriez vous mettre rapidement au travail, il y a de quoi faire, lui fit-elle remarquer en rangeant son arme.

- Je savais que je pourrais vous amadouer avec un sourire, lança-t-il en lui faisant un clin d'œil.

Alice leva les yeux au ciel, l'arrogance l'insupportait et ce monsieur Gordon en dégoulinait.

- Une hygiène corporelle un peu moins douteuse aurait eu plus d'effet, balança-t-elle en plissant le nez, mimant une mauvaise odeur ambiante.

- D'accord, j'avoue je l'ai méritée, ria-t-il de bon cœur. Que puis-je faire pour vous belle demoiselle ?

- Alice suffira, précisa-t-elle, et je souhaiterais m'entretenir avec monsieur Monet.

- Malheureusement, il n'est pas disponible, signala l'homme soudainement un peu plus morose.

- C'est-à-dire ? insista la policière.

- C'est-à-dire qu'il travaille sur un important projet qui nécessite toute son attention et qu'il ne souhaite pas être dérangé, répliqua-t-il en plongeant son regard charbonneux dans les yeux d'Alice. Je pourrais cependant lui transmettre un message si vous le souhaitez.

Déstabilisée pendant une fraction de seconde par la profondeur et la chaleur qui émanait de son regard, la jeune femme ne tarda pas à reprendre ses esprits. Après tout, elle craignait initialement d'affronter le possible courroux de monsieur Monet, lui faire passer un message lui éviterait ce désagrément.

- Dites-lui que je lui présente mes plus plates excuses quant à la violation de domicile perpétré par mon frère hier, déclara-t-elle la tête haute.

- Très bien, je lui transmettrai le message.

- Merci. Pour le message mais aussi pour votre intervention d'hier, dit-elle en rebroussant chemin.

Physionomiste, la policière pouvait mémoriser le visage de quelqu'un même en ne l'ayant vu qu'une fraction de seconde. Ce qui avait été le cas la veille avec monsieur Gordon.

- Attendez ! l'interpella-t-il alors qu'elle commençait à s'éloigner.

- Oui ?

- Votre frère a-t-il vu quelque chose de spécial lors de sa visite de la maison ? demanda-t-il.

- Pourriez-vous vous montrer un peu plus précis ? se méfia Alice.

Qu'est-ce qu'il entendait par quelque chose de spécial ? Monsieur Monet et cet homme cachaient-ils des choses de nature illégale ?

- Je ne sais pas, aurait-il vu quelque chose d'insolite ou d'inhabituel ?

- Non, mentit-elle en repensant à l'histoire du fantôme. Il a seulement été effrayé lorsqu'il s'est fait attraper.

- Et vous ? l'interrogea-t-il.

- Quoi moi ?

- Avez-vous vu quelque chose ?

- Seulement votre patron utilisant l'un de ses prototypes d'arme sur mon petit frère, s'agaça-t-elle.

Un civil qui interrogeait un représentant des forces de l'ordre en uniforme, décidément, cet homme ne manquait pas de culot !

- C'était plutôt disproportionné, je dois l'admettre. J'espère que le petit s'en remettra vite.

- Moi aussi. Au revoir monsieur Gordon.

- Au revoir Alice.

La jeune femme quitta la propriété sans un regard en arrière mais elle se posait tout de même beaucoup de questions. Ce pseudo jardinier avait l'air très curieux de savoir ce qu'Adam aurait pu découvrir. Elle ne regretta pas une seule seconde de lui avoir menti. D'ailleurs, son instinct continuait de lui souffler à l'oreille qu'elle n'était pas le seule avoir fait preuve de subterfuge. Un jardinier... Et pourquoi pas une femme de ménage aussi ? Sans vouloir faire de caricature, où se trouvaient ses outils : la pelle ? La brouette ? Et pourquoi monsieur Monet qui délaissait son jardin depuis des années aurait soudainement décidé de l'entretenir. Non, on lui mentait, c'était certain. Mais pourquoi ? Que cachaient-ils dans cette maison qu'ils tenaient tant à garder secret ? Alice s'installa au volant de sa voiture et prit la route. Le visage de Charlie Gordon lui revint soudainement à l'esprit. Elle avait bien failli se laisser berner par son sourire ravageur et son magnifique regard dans lequel elle se serait volontiers perdue... Alice ça suffit, concentre-toi ! Il en faut plus que ça pour te séduire ! Cet homme avait cherché à la manipuler et elle refusait de se laisser prendre au piège. La méfiance semblait donc de mise, elle tâcherait de le garder à l'œil d'une façon ou d'une autre. La jeune femme prit conscience qu'elle était arrivée quand elle coupa le contact devant la maison, débarrassée du poids de la culpabilité de l'intrusion de son frère.

Le Livre de ThémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant