Le Livre de Thémis

Chapitre 22 - Partie 1

Lorsqu'Alice arriva devant sa maison, elle repéra immédiatement la berline noire de monsieur Monet garée sur le bord de la route, son conducteur attendant patiemment derrière le volant. La jeune femme parqua son propre véhicule devant la porte du garage. Elle ne la mettait jamais à l'intérieur de peur d'abîmer les rétroviseurs à chaque manœuvre, mais aussi parce qu'elle trouvait que cela représentait une perte de temps. Surtout lorsqu'elle devait partir en urgence pour le boulot. Enfin, en hiver elle perdait autant de temps en dégivrant le parebrise... Du coup, cette pièce lui servait en quelque sorte de débarras. Elle y entassait tout un tas de vieilleries, de choses dont elle n'avait que peu voir pas d'utilité. S'en débarrasser en participant à un vide grenier ou en faisant des dons à une association lui avait plusieurs fois effleuré l'esprit, mais elle revenait toujours sur sa décision en se rappelant que toutes ses babioles étaient celles de ses parents. Elle ne se sentait pas la force de les jeter.

La policière coupa le moteur et sortit de la voiture. Sur le pas de la porte, Monsieur Monet attendait en frappant impatiemment du pied. Elle avait dû passer plus de temps à rêvasser que ce qu'elle s'était imaginée.

- Vous auriez pu vous dépêcher un peu ! Charlie et Adam devraient rentrer d'ici une dizaine de minutes, annonça-t-il en laissant le passage à la propriétaire pour qu'elle puisse ouvrir la maison. Comment va votre ami ?

Alice plaça la clé dans la serrure et poussa la porte.

- Il semble que votre théorie soit juste. Un doute subsistait dans son esprit concernant ce qu'il avait pu voir. Il s'est apaisé une fois que lui ai fourni une explication cohérente avec sa propre réalité.

Elle lui tendit la petite bourse de cuir contenant la poudre de fées.

- Je n'ai pas eu à en faire usage, reprit-elle.

- Tant mieux, répondit sincèrement le vieil homme en la rangeant dans un pli de sa veste.

Ils entrèrent dans le hall et, tandis qu'Alice retirait chaussures et veste, monsieur Monet se dirigeait vers le salon où il s'installa sur le canapé. Comme s'il se trouvait chez lui. Alice ne s'en offusqua pas. Il avait raison de se mettre à l'aise. Elle avait seulement un peu honte du désordre qui régnait dans sa maison : de la vaisselle sale s'empilait de l'évier, de la paperasse s'accumulait sur la table de la salle à manger et son frère avait laissé traîner des jouets un peu partout sur le sol. Elle tenta de faire abstraction de tout cela et proposa à son invité un café qu'il accepta volontiers. De son côté, elle se servait une grande tasse de thé. Une fois tous deux installés dans le salon, ils attendirent silencieusement le retour de leur famille respective en sirotant de temps à autre une réconfortante gorgée de boisson chaude. Un discret sourire étira les lèvres d'Alice lorsque son invité porta sa tasse à sa bouche. Le mug à l'effigie de Donald Duck saillait à merveilles au petit côté ronchon du vieil homme, qu'elle appréciait de plus en plus.

Quelques minutes passèrent quand tout à coup, la porte s'ouvrit avec fracas. Alice, sur ses gardes, bondit de son siège dans un geste réflexe. Mais, rapidement, elle se décrispa en entendant résonner dans le couloir le pas précipité de son petit frère. A ce rythme-là, son ostéo allait bientôt recommencer à l'appeler le « bout de bois »... Adam surgit dans le salon en se jetant sur sa sœur qui peina à le rattraper.

- C'était vraiment trop génial, s'écria-t-il. Il y avait des garçons et des filles qui devenaient des super-héros grâce à leur intelligence : grâce à la science ! Ils étaient trop super forts ! J'ai adoré !

- Contente que ça t'ai plu, souria Alice.

Elle vit du coin de l'œil Charlie rejoindre son père. Il avait dû sacrément se contenir durant tout le trajet du retour avec Adam pour ne pas l'inquiéter. Intérieurement, elle l'en remercia. Mais là, il ne tenait plus.