Epilogue

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Une fois de plus, Alice se trouvait au niveau de la pyramide de la ville, cachée derrière l'une des colonnes de pierre qui soutenait la bibliothèque. Il faisait sombre, la nuit devait déjà être tombée depuis une bonne heure. De l'eau ruisselait sur son visage et elle savait déjà que d'ici peu de temps, il ne s'agirait plus seulement de pluie... Un étau lui comprimait la poitrine : l'appréhension. Elle savait ce qui allait se passer, elle le revivait encore et encore sans jamais comprendre ni pouvoir changer quoi que ce soit à la catastrophe qui s'annonçait. Elle regarda vers la structure de verre. A l'intérieur se trouvait un homme. Un homme qui l'attirait irrémédiablement. L'attirance était physique, mais pas que. Elle se sentait lié à lui comme le lui indiquait son cœur qui battait un peu plus fort dans sa poitrine, comme s'il cherchait à s'en échapper pour le rejoindre. A ses côtés se trouvait une femme, aussi belle que terrifiante. Son corps de rêve aurait pu faire d'elle la personne la plus désirable au monde, mais sa froideur et son regard au vide abyssal ne provoquait chez Alice rien d'autre que de l'effroi et du dégoût. Paralysée par l'angoisse, la policière ne parvenait plus à esquisser le moindre mouvement. Ses pieds, englués dans le béton, refusaient de répondre à ses sollicitations. Elle ne pouvait rien faire d'autre que de regarder la scène, encore, et encore. Ni l'homme, ni la femme, enfermés dans la pyramide ne faisaient attention à elle, ils ne semblaient pas la voir. Soudain, elle le vit l'éclat brillant dans la main de la femme : la lame acéré d'un poignard au manche finement ouvragé. Cette dernière leva le bras bien haut au-dessus de sa tête, menaçant l'homme qui lui tournait le dos. Alice voulait hurler pour le prévenir, pour qu'il puisse avoir au moins une chance se défendre. Elle ouvra grand la bouche pour laisser échapper ce cri qui menaçait de déchirer ses entrailles mais aucun son ne passa la barrière de ses lèvres. Elle continua à essayer encore et encore jusqu'à ce que ces yeux s'écarquillent d'effroi au moment où la lame s'enfonça dans la gorge de l'homme. Les yeux de la jeune femme s'emplirent de larmes. Une fois de plus, elle l'avait rien pu faire. Elle regarda l'homme s'écrouler, sans qu'il ait pu comprendre ce qui lui arrivait. Pour la première fois, il sembla remarquer la présence d'Alice. Un éclat de tendresse illumina son regard avant qu'il ne s'éteigne à jamais.

- NNNOONNN !!! hurla Alice en se redressant dans son lit, haletante.

Elle inspirait vite, bien trop vite, et cet air lui brûlait les poumons. Gagnée par l'angoisse, son regard ahuris parcourait sa chambre à la recherche du moindre signe de danger. Pas d'homme mort, ni de femme armée à la beauté terrifiante, rien. Juste sa chambre. Rageusement, elle essaya les larmes qui avaient inondé ses joues. Une fois de plus, elle devrait changer ses draps trempés de sueur. Encore et toujours ce même cauchemar qui l'empêchait de dormir depuis maintenant deux mois. La jeune femme regarda son réveil : 3h30, trop tôt pour se lever mais elle ne pourrait pas se rendormir, elle le savait. Ce mauvais rêve lui avait accordé quatre heures de sommeil ; nouveau record ! Epuisée, Alice se leva et retira les draps avant de se rendre dans la cuisine pour se préparer un café bien serré qui ne serait que le premier d'une longue lignée afin de tenir le coup toute la journée. Dire qu'à peine deux mois plus tôt, elle trouvait cette boisson absolument répugnante. Elle regarda le liquide aussi noir que de l'encre s'écouler dans sa tasse déjà fumante et alla s'installer devant la télé... Comme d'habitude, il n'y avait rien de bien intéressant à cette heure : des enquêtes d'actions du genre « Gendarmes contre délinquants : la guerre des quartiers ». Mais elle s'en fichait, ça ou autre chose, ça ne changeait rien, elle était de toute façon incapable de suivre... Le bruit de la télévision lui apportait seulement une présence afin de dissiper son sentiment de solitude, ce qui fonctionnait plutôt bien, mais comme d'habitude, elle ne parvenait pas à se sortir son cauchemar de l'esprit. Pourquoi ce rêve venait-il la hanter toutes les nuits ? Pourquoi la mort de cet homme la bouleversait tant ? Elle n'était pas un monstre, elle ressentait de la peine pour le décès d'un inconnu, mais là... Difficile d'expliquer les sentiments qui la traversaient. Elle ne se sentait pas seulement peinée, non, la mort de cet homme était chaque nuit une épreuve aussi violente à vivre que la perte de ses propres parents alors que lui n'était rien à ses yeux ! Elle voyait donc depuis deux semaines un psychologue sur les conseils de son médecin qui lui avait aussi prescrit des somnifères et un arrêt de travail, mais pour le moment rien ne fonctionnait. De son propre chef, elle avait aussi décidé de voir un magnétiseur, un acuponcteur, un spécialiste en médecine chinoise, mais personne ne trouvait la source de son problème. L'un d'eux lui avait même annoncé qu'on lui avait volé un morceau de sa vie, de ce qu'elle était et que ce souvenir de ce qu'elle avait perdu la hantait. Ridicule ! Ce genre de discours pour nigaud ne fonctionnait pas avec elle ! Suite à ce rendez-vous, Alice avait d'ailleurs décidé de ne suivre plus que les conseils de son médecin ! Une décision terre à terre qui l'avait rassurée mais n'avait finalement pas résolu son problème. Et mis à part emmener Adam à l'école et glander devant la télé, elle ne faisait que cauchemarder. La privation de sommeil : une méthode de torture assez répandu à une certaine époque, mais sans la vivre, impossible de comprendre la souffrance que cela représentait. La jeune femme papillonna des yeux et sa tête bascula brutalement vers l'avant, la ramenant aussi vite qu'elle s'était assoupie à la réalité. Elle engloutit d'une traite son café. Elle ne devait pas dormir, pas tout de suite. Elle avait besoin d'un peu de paix avant de sombrer de nouveau dans l'angoisse et la terreur...

Le Livre de ThémisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant