16 | Léandre

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Une main posée en-dessous de ma tête, l'autre en travers de mon ventre, j'observais le plafond de ma chambre sans réellement le voir.

Revoir Olivia après toutes ces années m'avait plus perturbé que ce que j'avais imaginé, et je ne cessais de penser à elle. Elle était toujours aussi incroyable qu'auparavant, si ce n'était plus. Comme lorsque nous étions ensembles, je me demandais ce quelle avait bien pu me trouver. Après tout, elle avait beau être timide, elle était farouche et franche ; tout ce que je n'étais pas.

Et j'avais eu peur, lorsque j'avais emménager ici dans le but de la retrouver. Les doutes m'avaient assailli, nombreux, et je m'étais plusieurs fois posé la question de – et si elle était plus heureuse sans moi dans sa vie ?

La réponse était sûrement positive, mais une chose était certaine : je voulais tout lui expliquer. Et je ne sortirai pas de sa vie sans lavoir fait, car cela me tuait quelle pense que j'étais un monstre.

***

Je profitai de mon samedi pour me poser tranquillement dans le canapé, devant un film que je connaissais par cœur – Honey. Autrement dit, le film préféré d'Olivia, quelle m'avait fait visionner plus dune dizaine de fois. Je râlais à chaque fois quelle le mettait, mais après notre séparation, je n'avais de cesse de le regarder, car, aussi stupide que cela puisse être, j'avais l'impression d'être proche delle ne serait-ce qu'un petit peu.

La sonnette de mon appartement résonna soudain, et comme il n'y avait pas mille possibilité sur l'identité de la personne, je me doutais de qui c'était. Je me levai, mis le film sur pause et pris la direction de la porte d'entrée. Cette dernière ouverte, je fis face à Axel, qui brandit alors un sac de nourriture.

« Chinois ? »

Un sourire se dessina sur mon visage, et sans lui répondre car il savait pertinemment ce que j'en pensais, je me glissai sur le côté, afin de le laisser passer. Il entra dans mon appartement, tandis que je fermais la porte, et alla poser le sac sur la table basse de mon salon. Après avoir enlevé sa veste qu'il posa sur un meuble au hasard, il s'installa confortablement sur mon canapé, les pieds sur la table devant lui. Je levai les yeux face à son attitude désinvolte, mais je ne lui fis pas de remarque – il était mon meilleur ami, après tout.

Je pris le sac et tournai les talons en direction de ma cuisine, afin d'y faire chauffer la nourriture. Dos au salon, je ne savais pas ce que faisait Axel, mais je devinai qu'il s'occupait sur son téléphone, étant donné que je n'entendis pas le son de la télévision qui redémarrait.

Chauffer la nourriture ne me prit qu'une dizaine de minutes et je me dirigeai vers le salon, deux plateaux en mains, avant de les poser doucement sur la table basse. Lorsque je m'assis sur mon canapé, je vis Axel ranger son téléphone dans lune des poches de son pantalon, puis il prit l'un des plats sur ses jambes, ne perdant pas de temps pour attaquer son repas. Je l'observai jalousement picorer avec ses baguettes. Je n'avais jamais compris comment fonctionnaient ces machins.

Ce fut ainsi avec des couverts que je pris une première bouchée, avant de prendre la télécommande et d'appuyer sur le bouton play.

« Tu regardes encore ce truc ? »

Je lui jetai un regard en coin, autant pour sa remarque que pour la façon dont il avait parlé la bouche pleine.

« Pour ton information, ce truc, comme tu dis, s'appelle un film, plus précisément Honey. »

Il leva les yeux au ciel après les paroles que je lui rabâchais à chaque fois qu'il faisait un commentaire sur ce film.

C'était le préféré d'Olivia, après tout. Je n'allais tout de même pas lui permettre de le rabaisser.

Une vingtaine de minutes, peut-être, passèrent, durant lesquelles j'étais happé par ce que je regardais, quand bien même je lavais visionné je ne savais combien de fois. J'avais jeté à Axel nombreuses œillades alors que ses bruits de mastications dépassaient presque ceux de la télévision. Comme d'habitude, il n'en n'avait rien à faire et en faisait fi.

« Tas parlé à Olivia ? »

Sa soudaine prise de parole m'étonna tant que je dus réfléchir plusieurs secondes pour décortiquer ce qu'il avait dit.

Lorsque la réalisation se fit, je passai une main dans mes cheveux, ma lippe mâchouillée par mes dents.

« Ouais, mais disons que ça ne s'est pas parfaitement bien déroulé. »

Il m'envoya un regard peu impressionné.

« Ne me dis pas que tu pensais réellement que ça allait bien se passer. »

Mes traits se tordirent en une grimace, lui signifiant que oui, je savais que ça allait mal se passer.

« Elle a accepté de t'écouter, au moins ? »

Je laissai échapper un soupir, déposant l'arrière de ma tête contre le dossier du canapé.

« Pas vraiment elle est en colère, évidemment. Mais j'ai réussi à passer un accord avec elle. »

Il haussa un sourcil, surpris.

« Un accord ? »

« C'est pour »

Je m'immobilisai, une pensée me traversant l'esprit.

Olivia n'aimerait pas que je dévoile son syndrome de la page blanche.

« secret. » terminai-je.

Il fit une moue, peu convaincu, mais ne renchérit pas.

Un silence s'installa, seulement entrecoupé par les répliques des acteurs, que j'observai d'un air distrait.

« Et lorsqu'elle se sentira prête à t'écouter, toi, tu te sentiras prêt à tout lui raconter ? »

Je me tournai vivement vers lui, étonné par cette question. Je m'apprêtais à répondre instantanément que bien sûr, je serai prêt, mais je pris le temps d'y réfléchir.

Car, en réalité, je n'en savais rien.

Tout ce que je lui avais fait avait eu pour but de lui cacher quelque chose, alors serai-je réellement prêt à lui dévoiler ce secret qui me rongeait depuis presque une dizaine d'années ? Ce secret, qui m'avait fait tant coulé de larmes que je doutais en avoir encore en moi. Ce secret, honteux, qu'une odieuse personne avait découvert par hasard et sen était servi contre moi.

Ce secret qui détruisait ma vie, à une époque.

Ce secret, qui m'avait fait passé à deux doigts de la mort plus de fois que je ne pourrais compter.

Alors je ne savais pas si je serai capable de le lui en parler, qui pourrait faire changer sa vision de moi, basculant d'un mec qui la trahi à un mec faible, qui ne savait pas lutter contre ses démons.

En mon for intérieur, j'insultai Elizabeth que toutes les insultes qui étaient à ma connaissance, comme je lavais fait depuis des années.

Et j'oubliai de répondre à Axel, mais ce dernier savait, tout comme moi, que ma volonté de me faire accepter par Olivia était plus forte que n'importe quoi.

Nos cœurs meurtrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant