Nos cœurs meurtris

13 | Olivia

Un doigt effleurant doucement l'un des pétales des roses, je me perdis dans leur contemplation. Un nouveau bouquet avait été livré, et je n'étais pas plus avancée dans la recherche de l'expéditeur, bien que je soupçonnât fortement Léandre, mais je n'avais aucune preuve, si ce n'était la date de son emménagement qui concordait avec le début des livraisons.

Et même si je ne savais pas qui me les envoyait, mon cœur brisé de romantique ne pouvait résister à ces attentions.

Du côté de l'écriture, les choses avaient un peu changées.

J'avais dorénavant les prénoms définitifs des protagonistes.

Wow incroyable.

Mais le sujet le plus important était mon père. Il avait été décidé qu'il recommencerait la chimio, et cette décision nous faisait à tous peur, bien que mon père tentât de nous rassurer, alors même qu'il était le plus effrayé. Je le savais à la voix tremblante qu'il utilisait lors de nos appels, et même ses mots censé être rassurants n'étaient que des formations de lettres vides de sens. Car nous savions tous qu'il y avait des risques que le traitement ne fonctionne pas, ou même qu'il ne le supporte pas.

Mon petit papa.

Il avait déjà tant souffert durant son précédent cancer, combiné à son travail de merde qui le faisait se crever à la tâche. Le soulagement nous avait envahi lorsqu'il était parti à la retraite et que la maladie l'avait laissé, mais il semblerait que la vie ait décidé de ne pas être tendre avec lui. J'avais tant envie de faire quelque chose pour lui, de l'aider, mais je ne pouvais rien faire contre un cancer, si ce n'était le soutenir un maximum et lui remonter le moral.

Je sentis que mon humeur s'était ternie, alors je me détournai des fleurs et allai m'apprêter pour me préparer à sortir. Il faisait doux, aujourd'hui, alors ce serait dommage de ne pas en profiter.

Une fois dehors, je flânai un peu dans les rues, avant de me diriger vers l'un des endroits dans lesquels je me sentais le mieux.

Ce fut donc quelques minutes plus tard que je me retrouvai dans une librairie, sans même savoir si j'allais acheter ou pas.

Je fis un petit tour dans la catégorie romance, mais ne vis rien de nouveau, alors j'allai me promener au hasard parmi les étagères pleines à craquer. Après plusieurs minutes d'observation des alentours, je me retrouvais dans une partie de la librairie que les dirigeants avaient sans doute voulu plus vieillotte, car ici étaient rassemblés les ouvrages datant d'il y a plusieurs dizaines d'années, voire plus. Les couvertures semblaient avoir vécu, légèrement pliées ou décolorées, et leur style était plus simpliste que celui d'aujourd'hui.

Autrement dit, le genre d'ambiance dont j'étais amoureuse.

Je lus rapidement quelques résumés, pris quelques photos de titres, puis continuai d'avancer.

Subitement, je tombai sur un livre en particulier. Un livre auquel je n'avais plus pensé, un livre que j'aurai préféré oublier.

D'une main, j'effleurai la couverture, et ce fut comme une rafale de souvenirs qui m'assaillirent.

« Princesse, je viens de lire un livre, bordel qu'il est incroyable. »

Je relevai les yeux de mon téléphone vers la porte de ma chambre qui venait d'être ouverte par Léandre.

Je haussai un sourcil, surprise qu'il soit soudainement là.

« Lequel ? Il raconte quoi ? »

Les yeux pétillants de bonheur, il vint s'asseoir en tailleur à mes côtés, sur mon lit, une main ramenant ses cheveux sombres en arrière. Et il commença à me raconter l'histoire, tandis que mon cœur se gonflait d'amour de le voir si investi dans quelque chose qu'il aimait. Ses mains que j'aimais tant tenir virevoltaient dans les airs, dessinant de grands gestes, emporté qu'il était par la flamme de la passion. J'aurai juré apercevoir des étoiles dans ses yeux, lui donnant un air innocent, et je me promis de tout faire pour le garder dans cet état d'insouciance.