Chapitre 29

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Les individus qui hurlent pour mettre en évidence leur produit ternissent l'ouïe du blond. Son impatience de quitter cet endroit grandit chaque seconde. Il ne supporte plus le bruit. Thomas vend les productions du potager sur lequel Louis à tant travaillé. Avec l'argent récolté, ils aimeraient pouvoir se payer des nouveaux outils :

"Maman, regarde le monsieur ! Il a une cicatrice sur le visage..."

La mère en question reprend fermement son emprise sur la main du plus jeune, le faisant grommeler. Un rire nerveux s'échappa des lèvres du duo, avant que leur regard ne se croise, plongé dans une confusion profonde. Louis se mit à regarder la cicatrice qui, à quelques millimètres, aurait rendu borgne son compagnon. Elle traçait une ligne gonflée, traversait le sourcil d'où les poils n'ont pas repoussé.

Voir ce visage était son quotidien et pourtant en cet instant, il avait l'impression de le revoir pour la première fois. Il songea à un air effrayant, cette cicatrice donnait un côté un peu froid à ce visage pourtant harmonieux et pétillant de vie. Peut-être était-ce une illusion issue de son propre esprit, puisque lui sait d'où provient cette marque. Elle restera à jamais la représentation de cette mission terrible.

Lui aussi avait cette même marque, celle qui lui rappelait sans cesse son passé. D'une main baladeuse, il vient caresser sa peau sous son haut afin de sentir le gonflement. Les souvenirs lui reviennent comme une traînée de poudre dans un canon. Mais avant que cela n'explose, une main rassurante lui change les idées. En tournant la tête, Thomas lui adresse un doux sourire qui se veut réconfortant. Ils se firent couper par un client, les deux réagissant rapidement, ils se changèrent les idées.

En ces périodes de pénurie, il était essentiel pour eux de vendre à bas prix, ce qui ne faisait pas gonfler les caisses. Leurs idéaux pour de nouveaux matériaux plongent dans de profonds abysses.

S'asseyant à nouveau sur sa chaise, Louis écoutait les passants discuter, c'était son passe-temps préféré sur le marché :

"Hier on a mangé dans ce restaurant au coin de la rue c'était exquis !"

"Tu penses quoi de celui-là ? Il est assez rouge ?"

"Maman, je peux avoir ce super jouet ?"

"Cela revient cher à force, vivement que cette guerre soit terminée pour revenir aux époques normales !"

"J'ai entendu dire qu'ils avaient introduit des étrangers des colonies dans les rangs français. Alors même que la guerre ne bouge pas d'un pouce."

"J'aimerais bien manger de la salade avec un filet de poulet ce soir..."

"Oh regarde ! C'est Philippe !"

"Dire que l'Italie entre en guerre, du côté ennemi... Nous ne sommes pas sortis de l'auberge."

Toutes ces discussions éveillent la curiosité de Louis. Ils se renseignent très peu avec son partenaire sur les récents événements de la guerre. Les dernières nouvelles qu'ils ont eu c'est que les tranchées se faisaient la guerre sans avancer, ni reculer. Et ce depuis des mois maintenant.

Mais aussi que les allemands avaient attaqué les Russes dans le courant de fin d'année dernière. Alors même que la guerre bat son plein depuis bientôt 1 an, eux sont encore ici. Les nouvelles arrivent longtemps après dans ce petit village perdu du Sud. Il songe au fait que cela doit maintenant faire des mois que l'Italie est entrée en guerre. Les médias peinant à transmettre les informations correctement.

La seule question qui pendait aux lèvres de tous les français était de savoir quand cela allait se terminer. Mais surtout, comment ? Une fois rentré chez eux, le duo ne pose pas ce type de question, c'est comme un traité commun imposé indirectement. Cette guerre était derrière eux, ils ne craignaient en rien que les allemands s'avancent et capturent la France, du moment qu'ils puissent encore vivre dans leur petite ferme...

Il ne restait plus qu'eux et le reste du monde.

C'est toi que je ne déteste pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant