Le regard planté sur le parquet, Louis restait figé, perdu dans sa mélancolie. Il pouvait sentir le courant d'air caresser sa peau, se souvenant qu'il avait laissé la fenêtre ouverte. Il était monté pour la refermer dans un premier temps. Désormais, il a réalisé. En regardant le calendrier, il a réalisé quelle date c'était, quelle semaine c'était. Le chagrin l'avait gagné, comme l'année précédente. Les souvenirs surgissent pour le piquer telle une aiguille.
Tenant dans sa main la plaque de son ami décédé. Ses larmes tombaient sur le pendentif métallique. En plus de Jean-Charles, il repensait aux autres. Cette question qui survenait parfois reprit le contrôle :
"Pourquoi vous ?"
Thomas avait eu raison lorsqu'il avait dit que la douleur et le chagrin viendrait les frapper plus tard. Il s'en était rendu compte l'année dernière lorsqu'il avait réalisé. Ils sont même retournés dans sa ville natale pour aller se recueillir sur les tombes.
Il était rongé par la culpabilité de ne pas avoir récupéré les médaillons de ses autres amis. Leur plaque identitaire était sûrement brûlée à cause des Allemands. Peut-être que leurs corps jonchaient encore les rues de Reims, ou alors ils avaient atterri dans une fosse commune avant d'être brûlé. Ces idées le terrorisait et l'anéantissait :
"Louis ?..."
Il lève la tête vers son partenaire qui vient d'arriver dans la chambre. Thomas comprit directement en voyant le pendentif dans les mains tremblantes du blond. Il s'approche, venant s'asseoir à côté de Louis, s'enfonçant dans le matelas tout en restant silencieux. Il se contenta de glisser son bras dans le dos, puis sur l'épaule de Louis pour le réconforter, le rassurer :
"Je suis certain qu'ils sont heureux là où ils sont."
C'était une évidence même, s'ils avaient échappé aux enfers, ils seraient forcément au paradis plus heureux que jamais. Jean-Charles devait être dans les bras de sa bien-aimée, Julien devait être professeur et tous ses autres camarades devaient être comblés dans leur métier, leur vie de rêve. Ses pensées le fit sourire alors même que ses pleurs repartent de plus belle :
"Aussi heureux que nous, je l'espère."
Un sourire doux se dessine sur les lèvres de Thomas. Il supportait bien mieux toutes ces pertes. Il ne faisait pas le plus fort, il était simplement moins affecté. Rien que de voir comment Louis traitait et aimait déjà tous les animaux de leur ferme, comparé à lui, c'était plus qu'envisageable qu'il en souffre davantage. Il s'attache rapidement, très facilement.
Rien que par rapport à l'année dernière, il trouve que le blond gère mieux ses émotions. L'automne précédent il était inconsolable, ne voulait pas quitter leur tombe, incapable d'exprimer autrement sa tristesse que par les pleurs sortant du plus profond de son être.
Suite à ça, Louis avait même fait une longue déprime les mois qui avaient suivi. Thomas savait que cela allait retomber, que Louis allait forcément devoir surmonter ces pertes un jour ou l'autre. Et il avait fini par réussir.
Aujourd'hui, il était triste certes, mais il avait enfin accepté la douleur qui le rongeait dans cette dure période. Il a également avoué il y a de cela quelques mois qu'il ne se sentait plus aussi coupable. Qu'il ne pouvait rien y faire, que Dieu en avait décidé ainsi.
Louis vint caler sa tête sur l'épaule de son compagnon :
"Tu sais, c'est grâce à toi que j'ai pu surmonter tout ça.
-Ne dis pas n'importe quoi, je n'ai rien fait de spécial.
-Tu dis cela alors que tu étais le premier à venir m'enlacer, à me faire sourire et même rire pendant ma période de deuil."
Ces mots touchèrent de plein cœur Thomas. Il n'avait pas fait tant que ça et pourtant chaque petit détail étaient importants pour Louis. Il s'en sentait assez fier, assez heureux. Il était capable de l'aider à aller mieux rien que par sa présence. C'était aussi révélateur que lorsque Louis avait traversé le lac pour le "sauver".
Il lui était de plus en plus impossible d'envisager de quitter Louis, de retourner à une vie où il n'est pas là.
Il vient doucement câliner la joue de son partenaire, souriant juste de le savoir à ses côtés. Louis se redresse face à ce geste pour venir déposer un tendre baiser sur la joue du grand brun :
"Merci."
Cette fois Thomas sentait une larme rouler le long de sa joue. Le blond paniqua, venant essayer rapidement avec son pouce cette goutte :
"Pourquoi pleures-tu ?
-Je pleure de joie, bien que l'instant soit mal choisi."
Louis pouffa avant de partir dans un éclat de rire, sentant ses joues sèchent à cause de ses larmes craquelées. Il se stoppa pour regarder une énième fois son amant :
"Tu es vraiment un fébrile parfois."
Cette réplique lui vaudra probablement toutes les conséquences possibles, surtout au vu de l'air renfrogné tant bien qu'amusé qui prend place sur le visage de Thomas :
"Dis-tu."
Et ils repartirent dans un élan de chamaillerie, Louis reposant le pendentif sur sa table de nuit pour s'en prendre sans vergogne à son homme.
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C'est toi que je ne déteste pas
Художественная прозаUn jeune homme est envoyé à la guerre. Contre tout attente, il va intégrer une escouade d'arrière-garde chargée des évacuations. Dans cette nouvelle troupe, il va rencontrer d'autres hommes, dont un. Au départ, une tension négative planait entre le...