Chapitre 15

24 3 0
                                    

En pleine nuit, éclairé par les derniers lampadaires encore debout et intacts, les trois sont assis dans une ruelle plus loin de celle où gît le corps de leur commandant. Le soleil s'était couché et l'air frais était moins facile à supporter, surtout avec la fatigue qui les gagnait peu à peu. Le sommeil n'était pas envisageable, l'endroit n'était pas sécuritaire et le chagrin était trop fort.

Ils restaient juste là, proches les uns des autres pour se tenir chaud. Thomas attendait juste qu'ils se remettent avant de reprendre leur avancée. Lui-même regagnait un peu de force en faisant une telle pause. Ils étaient les derniers soldats français dans la ville de Reims qui avait été gagnée par les allemands. L'ennemi a exterminé toutes les escouades d'élites, sauf eux.

Pierre avait les yeux rivés sur la fumée qui émanait des toits quelques rues plus loin. Ce n'était pas le seul endroit en feu, mais c'était le plus imposant. La ville était détruite, mise à feu et à sang. La même ambiance que lorsqu'ils se sont fait bombarder les deux à trois fois.

Les Allemands ont coupé depuis longtemps les alarmes qui signalent les bombardements. Depuis qu'ils sont ici, ils ont vu passer un zeppelin et quelques avions ennemis, mais aucune bombe n'avait été larguée dans cette ville en ruine. Même si en réalité, il n'y avait qu'une seule partie de la ville dans cet état, les Allemands pouvaient encore faire beaucoup de dégâts de l'autre côté de la Vesle qui avait été moins touché :

"Pourquoi avons-nous survécu et pas les autres ?"

Une des nombreuses questions qui tournaient dans la tête du châtain sort à voix haute sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Les deux autres avaient, eux aussi, dû faire face à cette question. Ils regardèrent sans grande surprise le grincheux. Pierre continuait de fixer la fumée au loin comme s'il n'avait rien dit. Thomas décide de lui répondre, sans vergogne sur un ton humoristique :

"Parce que les enflures meurent toujours en dernières."

Cette répartie fait pouffer Louis qui était adossé contre un mur, à côté du grand brun. Le grincheux tourne les yeux vers eux, tirant une grimace. Cela ne l'amuse pas :

"Tu mets Louis dans le même panier ?"

Il avait trouvé la corde sensible de Thomas. Le plus vieux roule des yeux avant de reprendre son nettoyage de l'arme, concentré sur sa tâche, il donne quand même une réponse à cette provocation :

"Il faut bien des exceptions à chaque règle."

Le blondinet prit cela pour des éloges, il souriait comme un enfant. Le châtain s'esclaffe, tournant à nouveau le regard sur l'horizon. Thomas est tout fier de lui d'avoir rendu Louis heureux avec une simple phrase :

"Vous n'êtes pas des enflures."

La gentillesse du benjamin était sans égal. Pierre en était abasourdi, après tout ce qu'il avait fait, Louis continuait de tenir ce discours. Le grand brun tire une moue douteuse, remettant en cause les paroles de son camarade. Cela déplait à Louis qui se redresse pour venir taper l'épaule du grand brun qui dérape dans son nettoyage. Les deux commencent à se chamailler, sous le regard attentif du grincheux. Après quelques secondes où le duo s'amuse, Pierre en a déjà marre :

"Faites vos trucs de sodomite ailleurs."

Les deux se raidissent aussi sec qu'un pain datant de trois jours. Ils s'éloignent rapidement l'un de l'autre en rougissant comme des adolescents vivant leur premier amour. Pierre qui disait cela d'un ton sarcastique en fut stupéfait. Les deux agissaient bien trop bizarrement pour que ce soit normal, des soupçons naissent et il décide d'en profiter. Il se tourne, se relevant légèrement, les regardant droit dans les yeux. Tout juste il ouvre la bouche afin de les taquiner que Thomas lui lance un regard sombre :

C'est toi que je ne déteste pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant