« Le risque est beau »
- PLATON
Une chose que j'avais appris très vite à l'école, les rumeurs naissaient rapidement. Et elles se propageaient plus vite que la musique. Ma disparition et celle de Noah lors de la soirée de ce week-end avaient fait grand bruit auprès de nos camarades de promotion. J'entendais des élèves murmurer mon prénom et le sien à chaque détour, leurs yeux traquaient mes mouvements à la trace. Selon toutes les apparences, nous avions une relation cachée. D'autres préféraient soutenir que j'étais une alcoolique incapable de se tenir dans un bar et que Noah m'avait ramené chez moi pour m'éviter une humiliation cuisante.
Chacune de ces rumeurs m'amusait atrocement, alors même qu'elles visaient à me blesser et me mettre mal à l'aise. Je connaissais assez cet univers pour savoir qu'elles s'essouffleraient d'ici la semaine prochaine. Et sans fond de vérité, elles ne pouvaient définitivement survivre. Imperméable à toute cette attention, j'arrivais en classe, un peu avant le gros du groupe, et m'installais tranquillement sur ma table préférée contre le mur. Nous avions l'obligation de suivre des cours de lycée classiques tous les jours avec l'objectif d'obtenir le bac à la fin de l'année. J'essayai d'être attentive mais la plupart du temps j'avais l'esprit ailleurs.
Je sortais mon bloc-note lorsque Juliette et ses amies entrèrent dans la salle de classe. Les garçons les suivaient de près, amusés par une quelconque blague dont Raphaël semblait le fier émetteur. J'observai inconsciemment Arsène quand quelqu'un tira la chaise à côté de moi. Rose s'assit sans prendre la peine de me demander mon avis. Je n'étais pas assez naïve pour croire à un élan de générosité spontanée. Juliette et elle ne se lâchaient pas d'une semelle depuis la première année.
- Alors, cette soirée samedi ? S'enquit innocemment Rose en dardant ses yeux verts sur mon visage.
La pression de ses iris quasi limpide créait toujours un sentiment de malaise autour de moi, et je n'appréciai pas qu'elle s'amuse à jouer au pigeon voyageur pour me tirer les vers du nez. Que cherchait-elle à savoir de toute façon ? Qu'est-ce qui effrayait tellement Juliette pour qu'elle envoie au front ses amies ? Elle ne s'embêtait pas de ce genre de subtilité d'habitude.
- Qu'est-ce que tu cherches à savoir exactement ?
- Oh je ne sais pas, répondit-elle en levant les yeux au plafond comme si elle réfléchissait. Est-ce que tu as véritablement une addiction à la boisson ? Ou es-tu simplement éperdue d'amour pour Noah ? Ce n'est peut-être aucun des deux, je ne serai pas surprise non plus que tu sois juste schizophrène ou alors...
- Même si ce que tu avais dit était vrai, penses-tu vraiment que je t'en parlerai, à toi ?
Une fraction de seconde, une émotion insaisissable traversa ses traits. L'instant d'après le coin de ses lèvres se durcissait, plein de moquerie et de sarcasme.
- Rose, mon coeur, tu veux bien aller t'asseoir ailleurs ? C'est ma place.
Sa voix naturellement mélodieuse me surprit. J'observai leur échange visuel d'un air plus que suspicieux, depuis quand Noah s'installait à côté de moi en classe ? Certes, nous avions passé un bon moment samedi, et j'en étais la première surprise, mais je ne pensais pas qu'il oserait s'afficher publiquement avec moi à l'école quand Juliette propageait des rumeurs et se moquait ouvertement de moi depuis des années. Rose parut plus qu'étonnée elle aussi.
- Comme tu voudras.
- Rubis, comment tu vas ? Lança Noah en se laissant lourdement tomber sur la chaise. Tu es partie sans finir la soirée avec nous samedi, ce n'est pas très gentil de ta part.
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l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)
RomanceRubis se démène pour devenir la meilleure étoile de tous les temps ; difficile quand sa mère est déjà considérée comme telle. Plongée dans l'univers cruel et sans pitié du ballet, Rubis sait à quoi s'en tenir lorsqu'elle entame sa dernière année à l...