Chapitre 32

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« Avant de guérir quelqu'un, demandez-lui s'il est prêt à abandonner les choses qui le rendent malade. »

- Hippocrate

Je trépignais d'impatiente, d'excitation et d'angoisse. Plus qu'une question de minute avant que je ne monte sur scène avec Arsène. Ma mère serait dans le publique, ainsi qu'une poignée de grosses têtes du monde de la danse, ce qui rajoutait une couche de stress à tout ce brouhaha d'émotions. Je portais mon costume, justaucorps et plateau blanc, mes pointes, et des professionnels s'étaient occupés de mes cheveux et de mon maquillage. Je ressemblais trait pour trait à toutes les danseuses étoiles ayant un jour interprété Odette. Je ressemblais à ma mère.

La porte de ma loge s'ouvrit, et la pression insoutenable qui courbait mes épaules s'évapora à l'idée de pouvoir me réfugier dans les bras d'Arsène au moins quelques secondes avant d'affronter la réalité et de me remettre d'aplomb.

Mais Arsène n'entra pas dans ma loge comme je m'y attendais.

La terreur s'empara de mon bon sens pendant deux longues secondes. J'avais sous-estimé, largement, les états d'âme et le besoin de réussir de Juliette. Un long couteau de cuisine pendait à sa main.

- Juliette, dis-je, une mise en garde dans la voix. Qu'est-ce que tu fais ?

- Ce que j'aurais dû faire depuis longtemps. Tu ne monteras pas sur cette scène, je le refuse. Ce rôle est à moi. Il me revenait de droit. Tu ne le dois qu'aux pseudo sentiments d'Arsène à ton égard.

Elle s'avançait vers moi à pas lents, mesurés, réfléchis. La haine dans ses yeux chocolat atteignait un paroxysme. Je pris sur moi pour ne pas céder à la panique, mais ne pus empêcher mes jambes de reculer au rythme qu'elle avançait.

- Alors c'est ta solution ? Tu te rends bien compte que ça va te mettre dans une situation encore plus délicate ?

Dans peu de temps, elle entendrait le tremblement dans ma voix, je ne parviendrais pas à le cacher éternellement. Comment était-il possible qu'elle ait réussi à entrer dans l'Opéra avec un couteau ?

- Au contraire, simuler un accident c'est très facile tu sais, Rubis. Un suicide dans notre milieu, ce n'est pas ce qui est le plus choquant.

- Personne ne croira à une histoire pareille, rétorquai-je véhément.

- Tu es sûre ? Il suffit de leur dire que tu étais désespérément amoureuse d'un garçon et qu'il t'a brisé le coeur. Effondrée, tu ne voyais plus qu'une seule solution pour mettre fin à tes souffrances. Une lettre d'adieu en plus et le tour est joué.

- Arsène ne me ferait jamais de mal, le défendis-je automatiquement

- Je n'en serais pas aussi certaine à ta place, gronda-t-elle, les doigts toujours fermement accrochés au manche du couteau.

Pourquoi j'avais la drôle de sensation que j'ignorais quelque chose ?

Quelqu'un entra à nouveau dans la loge, sans prévenir.

Tesoro, est-ce que tu...

Sentant la situation lui échapper des mains, Juliette se rua sur moi en brandissant son couteau de cuisine. Impossible de retenir le hurlement au fond de ma gorge, ni de me recroqueviller en foetus comme une enfant, attendant le coup arriver. Mais il n'arriva pas. Arsène eut le réflexe de saisir Juliette par la taille et de la serrer contre son torse.

- Lâche-moi ! Hurla-t-elle, hystérique. Je n'en ai pas fini avec elle !

- Lâche le couteau, Juliette, lui dit doucement Arsène.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant