Chapitre 27

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« Le principe fondamental est de ne pas se tromper soi-même. On est toujours la personne la plus facile à tromper »

- Richard FEYNMAN

De tous les endroits où je pensais me réveiller un jour, dans les bras d'Arsène n'en faisait pas partie. La première chose que je sentis fut la chaleur de son torse derrière moi, la seconde, son souffle tranquille dans ma nuque. Je me souvenais vaguement avoir insisté pour qu'il reste avec moi alors que je succombais à la fatigue. Et je ne pensais pas qu'il le ferait, à vrai dire j'étais presque certaine qu'il déclinerait gentiment la proposition avant de s'éclipser. Alors pourquoi me serrait-il contre lui comme s'il avait peur que je disparaisse ? Et Seigneur, pourquoi fallait-il toujours que mes sentiments prennent le dessus sur la raison ?

Je parvins à me défaire de l'emprise d'Arsène sans le réveiller et à rouler sur le ventre pour jeter un oeil à son visage. Endormi ainsi, il respirait la sérénité. J'avais presque du mal à croire que j'avais pu me disputer aussi violemment avec lui. J'aimerais pouvoir fermer les yeux et tout effacer, mais ça ne ferait pas disparaitre nos problèmes. Ça ne ferait pas disparaitre le fantôme de Juliette qui dansait entre nous chaque fois que nous étions dans la même pièce. Je pouvais entendre sa voix vicieuse dans mon esprit me murmurer des atrocités chaque fois que je posais les yeux sur Arsène.

Malgré tout, je sombrais chaque jour un peu plus pour ses yeux mordorés. Je ne parvenais même plus à me raisonner, même si je devrais me retenir, même si je devrais garder mes distances pour m'éviter un coeur brisé. J'aimais trop les interdits pour y renoncer.

J'aime trop Arsène pour y renoncer.

Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça, tesoro ?

Mon coeur se dérobait chaque fois que j'entendais ces petits surnoms italiens dans sa bouche. Il avait ouvert les yeux doucement, sans que je m'en aperçoive tant j'étais absorbée dans la contemplation de ses traits. Je remarquais à peine le sourire qui ornait mon visage.

- Toi, admis-je sans réfléchir, prenant appuie sur mes coudes pour embrasser son front.

Il m'attrapa par la taille pour me serrer contre lui, laissant ses lèvres trainer dans mon cou au passage. Le sentiment qui remonta le long de mon échine fut indescriptible.

- Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui ? Chuchota-t-il contre ma peau.

- Non, pas spécialement, répondis-je prudemment.

- Je veux t'emmener au restaurant ce soir.

- En quel honneur ? M'enquis-je relevant la tête pour chercher ses yeux.

- Je crois que j'ai des excuses à te faire, dit-il lentement d'une voix rauque. Et c'est ton anniversaire.

- Mais je...

- Je sais des choses sur toi, moi aussi, m'interrompit-il, très fier de lui. Ne crois pas que je n'ai jamais fait attention à toi.

C'était exactement ce que je croyais, et ce que son comportement d'imbécile renvoyait ces six dernières années.

- Pourquoi vouloir t'excuser ? Tu ne me dois rien.

Au fond de mon crâne, une petite voix suppliait toujours pour entendre ses excuses, parce que ça rendrait les choses tellement plus simple pour excuser tout ce que je pouvais ressentir pour lui.

- Au contraire, rétorqua-t-il immédiatement, traçant la forme de mes lèvres avec son pouce. Tu comptes beaucoup pour moi, Rubis. Je sais que je n'ai pas toujours eu un comportement exemplaire, et je sais que j'aurais dû réagir autrement vis-à-vis de Juliette. Je sais aussi qu'il faut qu'on agisse en adulte et qu'on parle de tout ça sérieusement. Et je sais surtout que je ne veux pas te perdre parce que je prends les mauvaises décisions.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant