Chapitre 33

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« On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts »

- Maupassant

(CHAPITRE FINAL)

Au réveil, je me roulais en boule dans la couette, grognant de douleur tant mes muscles me tiraient. Les draps portaient l'odeur rassurante d'Arsène. J'aurais pu dormir encore une poignée d'heures pour tenter de soulager mes orteils sensibles et mon corps endolori, mais je commençais à sentir une odeur sucrée qui me donnait l'eau à la bouche.

Avec lenteur, les yeux à demi-fermés de sommeil et les cheveux en bataille, j'enfilais l'un des t-shirts d'Arsène avant d'aller discrètement le rejoindre dans la cuisine. Torse nu, de dos, en train de faire cuire ce qui ressemblait beaucoup, à l'odeur, à du pain perdu. J'enroulais mes bras autour de sa taille dès que je fus à sa hauteur, m'appuyant sans vergogne sur son dos. Je pouvais le sentir sourire sans même le voir.

- Bien dormi, tesoro ?

- Mhm, marmonnai-je, respirant à plein nez l'odeur de sa peau. J'ai encore mal aux pieds.

- Ok, viens là.

Il se retourna pour m'attraper par la taille et me faire asseoir sur le bar derrière moi.

- Je sais encore tenir debout, lui fis-je remarquer.

Il me donna l'un des packs de glace qu'il gardait dans le congélateur.

- Ça soulagera la douleur. Tu as faim ?

J'acquiesçai, retenant une grimace lorsque le froid entra en contact avec la peau tiède de mes pieds. Arsène posa une assiette à côté de moi, remplie de morceaux dorés de pain perdu saupoudrés de sucre glace.

- Mange.

- J'aime bien que tu joues le petit-ami attentionné, lui dis-je en mordant avidement dans un morceau de pain perdu.

- Je note, angelo mio, répondit-il en souriant, embrassant mon front au passage.

La clé tourna dans la serrure, et la porte s'ouvrit avant même qu'aucun de nous deux ne puisse réagir. Une femme d'une élégance peu commune entra dans la pièce principale en retirant son épaisse paire de lunettes de soleil.

- Maman ?

La panique s'étala sur le visage d'Arsène et s'empara de ses mains, les faisant trembler le long de ses flancs. Je descendis prudemment du comptoir, regardant Arsène avancer vers sa mère d'une démarche craintive. Je ne l'avais jamais vu avoir peur, sauf sous l'influence de l'alcool. Et je n'aimais pas ça du tout.

- Pourquoi as-tu l'air si étonné de me voir ? Demanda sa mère en haussant un sourcil. Nous avons rendez-vous avec Mary et ses parents dans une heure. Visiblement tu avais oublié.

Son regard tomba sur moi, même couleur miel que son fils, sans chaleur ni onctuosité. Je me sentis réduite à moins qu'un individu.

- Qui est-ce ?

- Rubis, me présentai-je sans laisser le temps à Arsène d'intervenir.

Mère ou non, je ne la laisserais pas me malmener à sa guise.

- Une énième conquête ? S'enquit sa mère en dévisageant son fils.

Mon égo le prit très mal. Je n'imaginais pas la mère d'Arsène ainsi, même s'il ne m'en avait pas vraiment dit du bien, j'espérais qu'il avait tort.

- Pas du tout, rétorqua Arsène, retrouvant ce mordant que je connaissais si bien. C'est...

- Je suppose qu'elle n'est pas au courant, l'interrompit sa mère en se tournant à nouveau vers moi.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant