Chapitre 30

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« La cruauté nait toujours de la faiblesse »

- SÉNÈQUE

- Rubis, chantonna Juliette, dès mon arrivée dans les vestiaires. Tu as très mauvaise mine.

Rien d'étonnant, j'avais dormi quelques heures sur le canapé d'Arsène, réveillée plusieurs fois par ses allers-retours aux toilettes... Si Noah avait promis de veiller sur lui, je n'avais pas pu m'empêcher de l'aider. Et je ne pouvais pas me dérober quand Arsène réclamait ma présence chaque fois qu'il se sentait mal.

- Mêle-toi de tes affaires, répliquai-je, la regardant à peine.

- Oh. Je ne voulais pas t'offusquer. J'ai entendu dire que tout ne se passait pas au mieux avec ton nouveau partenaire. À croire qu'Arsène tenait votre duo à bout de bras...

- Écoute Juliette, j'aimerais autant que tu t'occupes de ce qui te regarde. Et à ce que je sache, les professeurs m'ont donné le rôle parce qu'il voyait un potentiel que visiblement tu n'avais pas. Il s'agirait que tu t'en remettes, maintenant.

Elle éclata de rire, ce rire cristallin qui hérissa les poils de mon échine.

- Tu penses toujours qu'on t'a choisi pour tes capacités, comme c'est mignon.

- Qu'est-ce que tu sous-entends ? M'enquis-je, quittant mes affaires des yeux pour croiser son regard de sorcière.

Sa voix se fit aussi vicieuse que celle d'un serpent.

- Mais enfin qu'est-ce que tu crois ? C'est lui qui a demandé à ce que tu sois sa partenaire. Comment aurais-tu pu obtenir le rôle autrement ?

Non.

Arsène m'ignorait depuis des années, il me méprisait. Comment aurait-il pu demander à ce que je sois sa partenaire quand il avait Juliette ? Ça ne pouvait pas être vrai. Et ça remettait en question toute ma légitimé pour le rôle d'Odette. Je voulais réussir grâce à mon talent, pas grâce à l'empathie des autres, et surtout pas celle d'Arsène.

- Tu mens, rétorquai-je immédiatement.

Si elle voulait jouer avec mes sentiments, elle s'y prenait très bien.

- Oh Rubis, c'est mignon de voir que tu places une confiance aveugle en lui. Demande à la directrice si tu ne me croies pas.

Satisfaite de son petit effet, elle s'éclipsa, me laissant seule et en proie à une fureur inédite. Si elle disait vrai, s'il y avait ne serait-ce qu'une minuscule part de vérité dans ses paroles, alors ça remettait tout en question. La réaction la plus rationnelle était de courir dans le bureau de la directrice et d'exiger des réponses, mais je ne les voulais pas d'elle. Je les voulais d'Arsène.

- Demande-lui, intervint Jasmine, qui avait assisté à toute la scène malgré elle.

Et s'il ne me donnait pas les réponses que je voulais entendre ?

- Il n'y a que lui qui puisse te donner les réponses dont tu as besoin, insista Jasmine.

- Non, je vais aller voir la directrice.

En sortant des vestiaires, j'avais la tête en ébullition. Aveuglée par l'indignement et l'incompréhension, j'abandonnais mes affaires dans mon casier pour me précipiter à la porte de la directrice. Le couloir abritant son bureau se trouvait éloigné de l'agitation et drôlement calme à chaque fois que j'y posais les pieds.

Ivanovich surgit devant moi avant que j'atteigne le bureau de Maude.

- Rubis, il me semble que tu devrais être en cours à cette heure.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant