Chapitre 16

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« Les émotions les plus belles sont celles que tu ne peux pas expliquer »

- Charles Baudelaire

Le gala de charité. Oui, ce merveilleux événement pour lequel ma mère avait joué des pieds et des mains afin d'obtenir ma présence, et celle d'Arsène, avait lieu ce soir. Et je vivais la situation la plus étrange de toute ma vie.

Ma mère et Arsène, dans la même pièce, au même moment. Alors, certes, ils se seraient rencontrés tôt ou tard mais je ne pensais pas que mon appartement soit le lieu approprié. Qui plus était, la situation me dérangeait pour deux raisons. Un : j'avais des sentiments pour Arsène depuis la nuit des temps et ma mère n'était pas assez naïve pour ne pas s'en rendre compte. Deux : Arsène ne connaissait ma mère que par la télévision et les interviews, il ne connaissait que la danseuse, pas la mère.

- Chérie, tu es prête ?

- Oui, maman.

Non je ne l'étais. Je faisais semblant de remettre mon chignon en place dans la salle de bain pour éviter de me retrouver entre Arsène et elle dans le séjour. En vérité, le coiffeur avait fait un travail extraordinaire en formant un chignon coiffé décoiffé très travaillé, il n'y avait rien à retoucher du tout. J'écoutais Arsène et ma mère en tentant de contrôler mes nerfs. Ils s'entendaient pourtant plutôt bien, et comment cela pourrait ne pas être le cas alors que l'une maitrisait les conversations superflues comme personne, et l'autre admirait trop son parcours pour se montrer désagréable.

- On peut y aller, dis-je en débarquant dans le séjour, faisant claquer mes talons avec plus d'intensité que nécessaire.

Je visualisai déjà tous les articles de presse demain matin nous décrivant comme le couple en vogue de l'école de l'Opéra de Paris, les deux stars du prochain ballet, les futurs danseurs enroulés dans le corps de ballet de l'Opéra à la fin de l'année. Je n'aimais pas ça pour la simple et bonne raison que ce serait des mensonges, et que ça m'apporterait plus de problèmes que de bénéfice. Je vendrai mon âme au diable si cela me permettait de devenir étoile et célèbre, mais je ne voulais pas qu'on m'associe à Arsène pour cette réussite, et je ne voulais pas non plus qu'on mette en avant une version de moi qui n'existait pas encore. Aucun d'eux ne m'avait vu danser, alors ils ne pouvaient pas prétendre que j'avais un talent hors-norme. Si je l'avais, je voulais d'abord le prouver. On ne vendait pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué.

- Parfait ! Tu es resplendissante, Rubis. Le chauffeur nous attend, allons-y.

Irène, dan sa longue robe bleu-gris, sortit la première. Je posai les yeux sur Arsène pour la seconde fois depuis qu'il avait fait son apparition sur le pas de la porte, et tout son charme me sauta aux yeux à nouveau. Il est trop séduisant, trop attirant et incroyablement serein pour que ça ne me donne pas envie de le titiller.

Je sentais son regard entre mes omoplates quand on descendit les escaliers pour gagner le véhicule réservé par ma mère pour la soirée. Il avait respecté sa promesse, et moi aussi. Nous étions tous les deux assortis l'un à l'autre. Je portais une longue robe qui me collait comme une seconde peau, rose poudrée, lacée dans le dos et évasée à l'avant. Arsène portait un costume Armani d'un noir brut avec une cravate rose poudrée et une élégante pochette de la même couleur dans sa poche extérieure de veste.

Je ne l'avouerai jamais, mais j'avais failli lui claquer la porte au nez à son arrivée pour éviter d'avoir à supporter cette vision si idyllique et séduisante de lui. Avec ses cheveux noirs brossés en arrière et ses yeux miel à vous tuer sur place, il aurait tout aussi bien pu faire partie de la mafia italienne.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant