Chapitre 26

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« Les méchants envient et laissent ; C'est leur manière d'admirer »

- Victor HUGO

Arsène et Rubis répétèrent jusqu'à l'épuisement général ce soir là. Ivanovich se montrait complètement intransigeante. L'ensemble de la promotion fut libéré aux alentours de vingt-deux heures. Arsène vit Rubis prendre lentement la direction des loges, elle avait complètement déphasée. Il attrapa Juliette par le coude plutôt que de la suivre aveuglément comme il l'aurait souhaité.

- Où est-ce que tu nous emmènes ? Demanda prudemment Juliette, sourcils froncés d'incompréhension.

- Là où personne ne pourra nous entendre. Crois-moi, ça vaut mieux pour toi.

- Arsène, pourquoi est-ce que...

- J'ai l'air en colère ? La coupa-t-il en la lâchant.

Ils se trouvaient derrière la scène, entre les spots et les câbles qui faisaient tenir toute la magie d'un ballet debout.

- Tu devrais le savoir. C'est bien toi qui a vandalisé la porte d'entrée de Rubis, non ?

Sa bouche rosée s'ouvrit puis se referma aussitôt. Arsène la connaissait assez bien pour savoir qu'elle tentait de trouver une excuse plausible à ses suspicions.

- Je sais ce que c'est toi, Juliette. Tu lui fais vivre un enfer depuis des semaines parce que tu ne supportes pas qu'elle ait obtenu ce rôle à ta place.

- Tu penses vraiment que c'est l'unique raison ? S'enquit-elle, les yeux rivés aux siens.

- Peu importe tes raisons. Si tu ne t'arrêtes pas là, je n'aurais aucun scrupule à en parler à la directrice. Je t'ai toujours soutenu, Juliette, parce que je sais ce que tu vis avec ta famille. Je sais que c'est difficile pour toi, et je compatis, sincèrement. Mais si tu t'en prends encore une seule fois à Rubis, ne compte plus sur moi pour quoi que ce soit.

Le regard de Juliette s'emplit de haine et de chagrin.

- C'est toujours elle, n'est-ce pas ? Toujours ! Pourquoi faut-il toujours que tout tourne autour d'elle ? J'ai tout supporté, même quand tu parlais sans cesse de ses performances en classe et de ses pirouettes fouettées meilleurs que ceux des autres ou de son agilité dans les grands jetés !

Arsène n'en rougit pas, c'était vrai. Tout avait toujours tourné autour de Rubis, même quand il se comportait comme un idiot égocentrique. Il l'avait toujours admiré pour ses qualités de danseuse exceptionnelles, et il continuerait à le faire.

- Et toi, pourquoi l'as-tu haï dès le premier jour ?

- Elle avait déjà tout, cracha Juliette. Tout ! Et il fallait en plus qu'elle obtienne le premier rôle, et ton attention pleine et entière !

Rien ne pouvait cacher la rage, la haine viscérale, qu'elle portait à l'égard de Rubis. C'était comme inscrit dans sa peau à l'encre indélébile.

- Tu n'avanceras jamais dans ce milieu si tu continues de convoiter ce que les autres ont, rétorqua Arsène d'un ton plat et calme. Est-ce de sa faute si sa mère est riche, si elle est l'une des plus grandes danseuses étoiles de son temps ? Je ne dis pas que sa vie est plus dure que la tienne, Juliette, mais Rubis a aussi ses problèmes et tu n'as pas le droit de la juger parce qu'elle est née dans une famille qui respecte plus ses choix de vie que la tienne. 

Juliette mordit sa lèvre jusqu'au sang pour ne pas lâcher une seule larme de rage.

- Alors quoi ? Je dois verser une larme pour elle et attendre sagement que le temps passe ? On obtient rien dans ce milieu en chantant les louanges de ses camarades.

l'Opéra : le lac des cygnes (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant