chapitre 3:"Bécotez-vous"

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Depuis quelques heures, je me trouve dans une cabane en bois qui se trouve au fond du jardin, cachée derrière les arbres. Disons que c'est mon endroit. Là, je peins et je stocke toutes mes toiles secrètes. Mes parents ne connaissent pas cet endroit, ou du moins, ils pensent qu'il s'agit d'une cabane pour stocker du matériel de jardin.

Peindre, c'est ma passion, et je peins toute sorte de choses, surtout la nature. Quelques fois, je me pose sur un tronc d'arbre, et je peins le paysage qui s'offre à moi. Je pense avoir un réel talent pour cette activité, mais je n'y fais rien. Je garde ce petit secret pour moi, et c'est très bien comme ça.

—Jeanne ! Où es-tu ?

C'est ma mère. C'est l'heure d'y aller, je pense. À toute vitesse, je range mes pinceaux, je cache ma toile que je viens à peine de commencer, puis je sors de la cabane à toute vitesse, profitant que ma mère ait le dos tourné.

—Je suis là ! Je répondis, en me baissant pour éviter les branches pendantes des arbres.

—Où étais-tu passé ?

—Je me promenais simplement.

Ma mère m'accompagne donc chez les Besson avant d'aller à son rendez-vous. À nouveau, je suis silencieuse dans la voiture, j'appréhende cette séance photo. Je vais devoir faire un sourire hypocrite aux côtés de ce gros lourd, juste pour faire plaisir à mes parents.

Ils auraient au moins pu attendre que notre relation avec Diego soit plus saine. Il ne s'était toujours pas excusé, et même s'il l'avait fait, je ne lui aurais pas pardonné. Mes parents prennent cette situation à la légère, ils pensent qu'entre lui et moi, tout baigne, mais ce n'est pas le cas. Je revois encore les gens se moquer de moi à cause de cet imbécile qui aimait faire rire la galerie. Je n'ai pas été épargné, au contraire, ce cauchemar a duré pendant toute ma scolarité.

Le pire étant que je n'avais personne à qui parler, quelqu'un pour me défendre. J'étais la proie parfaite. À cause de ses moqueries, personne n'osait me parler, comme si j'étais un monstre, alors que je ne demandais juste qu'un ami. Je regrettais chaque matin avant d'aller en cours, et quand j'y étais, j'attendais la sonnerie du soir, pour enfin rentrer chez moi.

Mes parents et Ambre en ont entendu parler de Diego, soyez-en sûr. Ils avaient les mots pour me rassurer, et me réconforter. "Ce n'est qu'un con qui n'a rien à faire de sa vie" aimait dire Ambre. À la rigueur, ses actes ne m'atteignaient pas plus que ça, j'avais l'habitude dirais-je. C'était le fait d'être humiliée en public. Le fait de me sentir critiquée partout où je vais.

J'ai la majorité, et pourtant, je n'ai toujours pas confiance en moi à cause de cette pourriture. Sans oublier mon enfance gâchée : je n'ai pas participé à ce genre de soirées où l'on boit pour s'amuser, où l'on danse, où on l'on embrasse n'importe qui, je n'ai jamais fait d'après-midi shopping entre amis, ou encore un fastfood entre copains. C'est toutefois des choses normales que tous les adolescents ont pu expérimenter, sauf moi.

Il a contribué à mon manque de confiance en soi, ce qui fait que je n'arrivais pas à me sociabiliser, même encore aujourd'hui.

Mes pensées se taisent dès lors que le véhicule se gare juste devant les marches du grand domaine.

—Ça va aller ma puce, ça ne va pas durer longtemps, dit ma mère, tentant de me rassurer.

—je l'espère.

—Allez file, je viendrai te chercher tout à l'heure.

Je l'embrasse tendrement sur la joue, avant de sortir de la voiture. Je regarde le véhicule de ma mère partir dans cette longue allée. J'avais envie de crier, de lui dire que finalement, je ne peux pas faire ça, mais trop tard, elle était déjà partie. Je souffle, exaspéré, mais en me retournant, je vois Diego, assis sur les marches, une cigarette à la main, qui semblait m'observer depuis mon arrivée.

Une boucle rebelle de ses cheveux cache la vue de son œil droit. Je le dévisage de haut en bas : il porte un tee-shirt blanc simple, accompagné d'un pantalon bleu droit et de basket blanche. Tenue très simple, mais sûrement imposée par ses parents, tout comme moi, puisque je porte exactement la même tenue. J'avais toujours voulu avoir une amie avec qui matcher mes tenues, mais jamais, je n'aurais cru que la première personne avec qui je ferai ce genre de choses, ce serait avec lui.

—Te voilà enfin, dit-il, le regard méprisant, tout en fumant sa cigarette qu'il venait à peine d'entamer.

—Où sont tes parents ?, dis-je, ignorant sa remarque.

—Ils ne sont pas là, ils ont eu un imprévu.

Super. C'est encore pire que je ne l'imaginais. Il n'y a même pas ses parents pour me "sauver" de cette situation très embarrassante.

Ayant remarqué ma déception, ce dernier ajoute :

—Ne t'en fais pas la fermière, moi non plus, je n'ai pas envie de faire des photos avec ta tronche.

Je roule des yeux, habituée par ses remarques à deux balles. Je reste plantée là, debout, en attendant qu'il finisse de fumer. C'est tellement embarrassant, parce que j'ai beau regarder autour de moi, pour observer les belles fleurs qui nous entourent, je sens son regard.

—Qu'est-ce que t'as à me regarder ?, dis-je en osant affronter son regard assassin.

Il ne répond pas, se contente simplement de retirer la cigarette de sa bouche pour l'écraser sur le sol à l'aide de son pied d'une façon peu élégante. Il descendit les quelques marches pour se retrouver à mon niveau sans rien dire, et à vive allure, se dirigea vers son jardin.

Je me contente alors de le suivre sans rien dire. Au loin, j'aperçois le photographe nous faire signe. J'ai pu apercevoir l'appareil photo rivé sur un beau fond, remplie de fleurs et de papillons volant tout autour. C'est l'endroit parfait, et c'est presque magique. Il est juste que les Besson portent la nature dans leur cœur, ce sont mes parents qui me l'ont avoué l'autre jour. Apparemment, ils n'ont aucun jardinier, ce sont eux qui s'occupent de leur merveilleux jardin. Dans une autre vie, ils auraient pu être jardiniers.

Les buissons sont bien taillés, et je peux observer différentes fleurs de différentes couleurs : Il y a des lys, des cosmos, des rosiers, et plus encore, c'est incroyable ! Je me demande comment ils peuvent s'occuper d'un tel jardin, avec autant de travail.

Une envie me vient tout d'un coup à l'esprit. Moi-même étant une fan de la nature, je rêverais de visiter l'entièreté de ce jardin. D'autant plus que vers le fond, on peut apercevoir un lac à l'eau turquoise. Je meurs d'envie de m'y promener, pour respirer le bon parfum des fleurs. Mais, cette envie disparaît au fur et à mesure que j'avance vers le photographe aux côtés de Diego.

—Bonjour, je me présente, je m'appelle Larry, c'est moi qui vais prendre vos photos!

Diego, toujours aussi malpoli, se contente simplement de hocher la tête et d'aller s'asseoir sur l'une des deux chaises posées face à la caméra.

Je veux bien comprendre que cette situation n'est souhaitée par aucun d'entre nous, mais ce pauvre photographe fait seulement son travail. Tu vois maman, il n'a pas changé. Contrairement à Diego, je suis polie, alors je lui serre la main, en signe de bonjour, en lui offrant un sourire cordial.

—Bécotez-vous tant que vous y êtes, lança froidement Diego.

Je lâche alors la main de ce pauvre Larry, gêné par la réflexion du jeune homme à la peau bronzée.

Penaude, je rejoins Diego sur la chaise placée à côté de lui. Larry prend son appareil photo, et se prépara à prendre les clichés d'un air perturbé.

Ça s'annonce long cette séance photo...

𝙒𝙝𝙚𝙣 𝙩𝙬𝙤 𝙬𝙤𝙧𝙡𝙙𝙨 𝙘𝙤𝙡𝙡𝙞𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant