chapitre 15: La panne

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L'un de mes passe-temps favoris : évaluer les chutes des skieurs. Assise sur une chaise d'un café situé à l'arrivée d'une piste, j'observe les touristes hivernaux tomber, emportant parfois ceux devant eux dans leur chute. Comment dire que je me bats pour ne pas rire. Je me permets de me moquer vu mon excellent niveau en ski, avec plus de dix ans d'expérience.

Ça a des avantages de vivre à la montagne, surtout en hiver, puisque l'on peut aller skier tous les jours. Mes parents, connaissant mon goût prononcé pour le rose, m'ont acheté une combinaison, ainsi que des bottes, un casque et des bâtons de ski rose. Tout rose. La couleur de Barbie.

J'ai appris très jeune à skier, et depuis je ne m'arrête pas. Au début, il y avait des petites chutes par-ci par-là, maintenant, je gère comme une cheffe. La piste noire n'a aucun secret pour moi. D'ailleurs, je suis déjà passée sur une vidéo TikTok virale alors que je skiais sur cette piste.

Des quatre saisons, l'hiver est ma préférée, juste avant l'été. Il y a les fondues, les raclettes, le ski, les musiques et les téléfilms de noël, les décorations festives partout dans le village, la neige, l'air frais, les cimes des montagnes recouvertes de neige éternelle... C'est incroyable.

On est seulement fin novembre, et pour l'instant, c'est le calme avant la tempête, étant donné qu'il ne semble pas y avoir énormément de monde. Après, les pistes vertes et bleues seront remplies, mais heureusement pour moi, je ne suis pas une débutante, donc je ne suis pas concernée.

Parfois, je fais du ski avec Ambre, lorsqu'elle ne travaille pas. Ce matin, elle travaille, je vais donc devoir skier seule avec ma musique, ce qui rend l'activité encore plus incroyable.

Diego, assis également seul sur l'une des tables du snack, parais avoir le même passe-temps que moi. Il glousse, tout en ayant les yeux rivés sur la piste bleue. La main sur sa bouche, il tente de se retenir. J'aimerais dire que c'est une personne horrible, mais je fais plus ou moins la même chose depuis tout à l'heure, donc je ne peux rien dire.

Le pire cas que j'ai vu, c'était un petit garçon qui est tombé en glissant la tête la première, et il a descendu toute la piste en position étoile sans savoir comment s'arrêter. Heureusement, il n'a rien eu de cassé, ce n'était seulement que la piste verte, mais inutile de dire que j'étais pliée de rire. Sa mère tentait de le rattraper en criant, mais sans succès, puisqu'il allait plus vite qu'elle.

Du coin de l'œil, j'aperçois Diego se lever, prendre ses bâtons de ski qu'il avait soigneusement laissé par terre, et marcher en direction de la télécabine, tout en se retournant en me lançant un regard de défi. Je sais parfaitement ce que cela signifie. Il veut que l'on fasse la course sur la piste noire, comme chaque année. Il n'y a jamais eu de gagnants, nous arrivons toujours en même temps, chaque année, aucun de nous n'a battu l'autre. Je préfère cela qu'une défaite. Diego est très bon, même si ça me fait mal de devoir l'assumer.

Je ne sais pas pourquoi nous nous défions tous les ans, étant donné notre manque d'affinité, mais je suppose que ça nous plait d'un sens. Lancée sur la piste à ses côtés, je m'amuse, mais une fois arrivés en bas, notre joie disparaît. C'est ainsi à chaque fois.

Je me lève, pose ma tasse de café finie sur la table, puis je le suis, en direction des télécabines.

Il remet son casque, cachant ainsi ses beaux cheveux sombres, puis je le suis dans la télécabine qui est présente juste devant nous. Nous sommes seuls, aucun touriste dans la cabine, laissant place à un silence gênant.

Les rayons du soleil tapent sur les vitres de la télécabine, et je décide d'immortaliser la vue qui s'offre à moi, étant donné la beauté de la montagne recouverte de neige qui s'élève devant nous. Ma galerie est majoritairement constituée de photos de la montagne. Même si le paysage ne change pas, je ne m'en lasse pas, et je crois même avoir les mêmes photos en plusieurs fois de la montagne dans ma galerie, mais ça m'est égal.

Je suis de dos à Diego, mais je peux entendre son souffle et le bruit incessant du frottement de ses vêtements.

—Prête à perdre cette année ? il finit par dire, me chassant de mes pensées.

—Je te retourne la question, dis-je toujours de dos à lui, les yeux rivés sur le paysage.

On ne s'était pas adressé la parole depuis Halloween, c'est-à-dire un mois. Je ne l'avais pas recroisé depuis. Non pas qu'il m'ait manqué, bien au contraire.

Ambre ne cessait de me rabâcher le même discours à son sujet, mais je faisais la sourde. C'est vrai qu'il m'a l'air d'avoir changé. Lorsqu'il me salue, c'est pour forcément y ajouter une insulte au passage, mais là, rien. Une lueur de compétitivité et de défi brille dans ses yeux, mais rien de plus, aucune lueur de haine. Sans doute a-t-il changé. Et c'est une bonne nouvelle, mais je veux des excuses.

Je me retourne enfin pour affronter son regard insistant. Ses mains derrière le dos, accroché à la barre, les jambes parallèles, la tête légèrement inclinée, il ouvrit la bouche à plusieurs reprises, mais la refermant directement, comme s'il tentait de vouloir dire quelque chose.

—Au lieu de faire le poisson, tu veux me dire quoi ?

Plutôt fière de ma métaphore, je m'améliore.

Il fronce les sourcils, n'ayant pas apprécié ma remarque, et se tourne pour se mettre de dos à moi.

Je crois que je l'ai contrarié.

La cabine se stoppa net, et moi, puisque je ne tenais pas la barre, je fus projeté en arrière, manquant de tomber, mais au dernier moment, j'ai attrapé la barre.

—Qu'est-ce qu'il se passe ?

—Une panne sans doute.

On va être bloqué ici pendant un moment.

Pourquoi ce genre de chose n'arrive qu'à moi ? Et surtout, pourquoi fallait-il que la panne arrive en ce moment même alors que nous ne sommes que deux dans cette fichue cabine ?

𝙒𝙝𝙚𝙣 𝙩𝙬𝙤 𝙬𝙤𝙧𝙡𝙙𝙨 𝙘𝙤𝙡𝙡𝙞𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant